...et la lumière fût

Avec le recul de ces 40 années on peut s'apercevoir que la majorité des Français, pas forcément socialistes, mais qui ont voté "Mitterrand" étaient des gens qui voulaient le changement parce qu'ils n'acceptaient plus de voir feu le président Giscard montrer son ego en permanence vis à vis de son feu premier ministre, de son opposition et surtout de constater ses dysfonctionnements dans les décisions qu'il n'a pas hésité à prendre, même défavorables à la "classe déjà désavantagée". Sans parler de l'affaire des avions renifleurs qui a bien montré, que tout en étant X prenait des décisions dictées par son "moi" surdimensionné qui ne pouvait pas se tromper. Après Mai 1965 qui avait été un galop d'essai, Mai 1974 qui aurait pu mener Mitterrand au mandat suprême puisqu'il avait obtenu 43,3 % au 1er tour, cependant insuffisant pour battre le rassemblement de la droite au second tour aidé par les extrêmes gauches qui n'ont pas voulu participer à l'arrivée au pouvoir d'un ancien agent contractuel du Régime de Vichy. C’était du moins un des arguments avncés. Issu d'une famille plutôt centriste nous étions avec mon épouse plutôt engagés "socialistes". Installé à Caen à partir de 1971 j'étais allé soutenir Mitterrand lorsqu'il y était passé lors de sa campagne en avril 1974 et avais bien vu cette espèce de communion qui parcourait l'immense salle des expos. Mexandeau, universitaire dans cette ville, futur ministre des PTT après 1981, et 1er secrétaire fédéral autant que je m'en souvienne, était là pour chauffer la salle qui attendait le candidat, toujours en retard quelques soient les circonstances C’était une espèce marque de fabrique ! Malgré l’heure tardive pour les travailleurs du lendemain la salle suivait les discours improvisés en attendant le leader. Arrivé 1er au premier tour avec 43,25% il sera battu par le front droitier au second tour de 2,7%. C'était reparti pour 7 ans! Nous avions à nouveau le temps de réfléchir en constatant les mauvaises orientations du nouveau président qui nous convainquait que l'arrivée de Mitterrand aux affaires devenait urgente. Peu importe le résultat du second tour pourvu qu'il arrive en tête: 51,76% de suffrages exprimés lui étaient comptabilisés. De ce moment, les souvenirs s'accumulent. Le 1er d'entre eux : tous, nous regardions le petit écran. Mes frères et leur famille étaient là. Le suspens nous accompagnait. Jean-Pierre Elkabach animait le plateau. Etienne Mougeotte, revenu d'un studio où il était avec les experts de CII Honeywell Bull, égrénait les minutes jusqu'à ce que le top soit donné par Elkabach à 20H précises. Le nom de l’élu était donné presque immédiatement qui précédait le dessin du visage du président qui commençait à s'afficher sur les écrans, de haut en bas, en déroulé, avec des lignes blanches et noires horizontales, accentuant certaines parties du visages comme les sourcils, les yeux, les cheveux, le nez, la bouche....qui se complétaient pour former la tête de.......Mitterrand sur un fond bleu, blanc, rouge. Acclamations. Et rigolades quand nous re-découvrions la tête de Elkabach qui, du sourire convenu lors de la présentation de la soirée, s'était transformé en visage soucieux. Nous ouvrions une bouteille et trinquions à cette réussite. Nous ne décollions pas de la télévision, Antenne 2 pour être précis. Cela faisait 23 ans, depuis le début de la 5ème République, que la gauche n'avait pas remporté de victoire. Interviews sur le terrain: d'abord Solférino et les militants, Duhamel donne son analyse en studio mais est interrompu par Jospin, 1er secrétaire du PS qui est le 1er à faire une déclaration, puis Michel Rocard, depuis Conflans Sainte Honorine, déclaration rapide de remerciement de Giscard d'Estaing, interview en studio de Pasqua, Lecanuet, Poperen qui leur répond . Marchais intervient depuis colonel Fabien entouré de Pierre Juquin, Paul Laurent, André Lajoinie, Charles Fiterman, Francette Lazard, pour préciser que le PC est bien prêt à participer au Gouvernement. Chirac appelle tous les citoyens attachés à la Liberté à se rassembler et à poursuivre le combat. Les estrades étaient prêtent à la Bastille pour recevoir les invités. Pendant ce temps, Mitterrand, resté à Château-Chinon à l'hôtel du Vieux Morvan où il avait voté, prenait la parole en milieu de soirée avec cette phrase : "Les Français et les Françaises ont choisi le changement...". Un échange en studio s’engage entre Poperen et Pasqua sur la dissolution de l’Assemblée Nationale qui, comme Lecanuet dit aller vers un nouveau combat politique. Sur la crainte de certains de voir les capitaux partirent de la part de représentants de la droite, Jean Boissonnat répond que du temps de la droite, les ouvriers, en général situés à gauche, faisaient fonctionner les usines et il ne voyait pas pourquoi les capitalistes ne continueraient pas à faire aussi fonctionner les usines. Même Chérèque, secrétaire adjoint de la CFDT, est interviewé : participation active sera notre politique. 2h30 après avoir été déclaré vainqueur, Mitterrand parle enfin de Château-Chinon. Et conclue après avoir remercié son prédécesseur d’avoir été au service de la France « …c’est maintenant à l’histoire de juger chacun de nos actes ». Rocard est arrivé à la Bastille, s’adresse à la foula massée. Jean-Pierre Cotte est à ses côtés, Pierre Juquin. Mauroy et Lajoinie sont sur le plateau et échangent sur les futures participations au Gouvernement. Chevènement arrive et donne son avis sur la nouvelle politique : création d’emplois, lutte contre le chômage… Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, en studio, renforce les points de vue donnés précédemment par Chérèque : augmentation du SMIC, négociation avec le patronat pour 30% de salaire en plus pour arriver à 3400 F (535 €), 35 H avec négociation dans les branches sur le temps du travail par étape, droits nouveaux des travailleurs avec de meilleures conditions de travail, droit d’expression, égalité entre femmes et hommes tant au niveau des emplois -mixité des emplois- que des rémunérations, mise en place d’une vraie formation professionnelle en bref que le 1er pas franchi aujourd’hui soit un commencement par une valorisation douce sans qu’il se transforme en politique folle qui conduirait on ne sait où: que les choses soient faites avec le temps nécessaire pour revitaliser les régions. Georges Séguy donne les trois grands titres : SMIC à 3400 F, mais dans les 15 jours, qui suivent l’élection, durée du travail, toutes les mesures nécessaires à l’extension de l’emploi. Lionel Jospin est arrivé à la Bastille pour s’adresser aux militants et sympathisants Les interviews se succèdent sur le plateau. Chevènement parle de l’alternance démocratique à laquelle répondent tant Blanc que Juppé. Paul Laurent rappelle les propositions du Parti Communiste qui ont aidé à l’élection d’aujourd’hui mais aussi en 1936 et en 1945 où les Français n’ont pas boudé les mesures prises avec le PC bien présent. Juppé rappelle le mauvais score du PC, 5%, du 1er tour qui donc n’a pas pu apporter grand-chose au succès de François Mitterrand ce soir. Chevènement rappelle l’unité du PS dû au rassemblement d’Epinay qui a naturellement aidé au succès de ce soir. La fête se poursuit à la Bastille. L’émission spéciale Antenne 2 se termine vers minuit. Les réactions au travail du lendemain seront toutes en faveur du nouvel élu et de son élection. Qui donc aura voté pour Giscard ? Personne, il semble !!!! Autre réaction, autre souvenir : 11 jours après son élection, Intronisation de Mitterrand, prise de fonction le 21 mai 1981. Après une visite à Mr Chirac à l’hôtel de ville de Paris, le président est conduit par le Bd St Michel jusqu’au bas de la rue Soufflot pour remonter cette rue à pieds, deux roses à la main, suivi par une foule pas possible que seules les personnalités accompagnant le président tente de retenir en faisant barrière derrière lui pour aller jusqu’au Panthéon où il se recueille devant les tombeaux de Jean Jaurès et de Jean Moulin avec l’hymne à la joie en fond musical. C’était beau.

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