c'est un peu mon père qui a été élu

Ce 10 mai 1981, j'organise les derniers préparatifs d'un voyage scolaire en Allemagne. J'ai bientôt 14 ans, scolarisée en quatrième et ma mère s'improvise des talents de coiffeur en rectifiant ma frange, la veille du grand départ. C'est la première fois que je m'apprête à quitter ma famille pour en rejoindre une autre qui m'accueillera une semaine près de Karlsruhe. Nous sommes toutes deux très fébriles, mais pas pour les mêmes raisons. Mon père lui, est resté au siège du parti socialiste à Marseille avec ses camarades car c'est un militant fidèle et très engagé qui veut savourer la victoire avec ses pairs . Il y a déjà 7 ans, je me suis faite sermonner vertement par la directrice de l'école communale pour avoir apporté une affiche et quelques produits dérivés de notre militant préféré, François Mitterrand. Hélas cette année-là, nos illusions ont été douchées. Mais ce n'est pas grave. Bientôt..,peut-être ...Et comme Marseille est une ville à gauche, j'ai la chance de pouvoir participer pleinement à ce rêve collectif malgré mon jeune âge lors d'évènements comme la fête de la Rose même si aux meetings politiques qui s'y déroulent, et malgré les qualités oratoires de certains ténors politiques comme Pierre Mauroy, je préfère aller flâner au carré des écrivains. Mais cette fois, tous les espoirs sont à nouveau permis. La pression monte. Quand à 20h pile apparaissent de haut en bas les leds qui par balayage successif, vont composer le visage de François Mitterrand sur le petit écran , ma mère donne le dernier coup de ciseau en bondissant de joie ! S'en suivent effusion et cris de bonheur : la gauche a gagné ! Ma frange a perdu, elle a plutôt l'allure d'un escalier maintenant mais qu'importe ! Je suis fille de militant et dans mon coeur, c'est un peu aussi mon père qui a été élu et qui ce soir est enfin récompensé par toutes ces années de sacrifice et d'engagement. Ce soir-là, je suis trop jeune pour sortir dans la rue et participer à la liesse populaire, je suis avec ferveur l'explosion de joie dans les rues transmise à la télé mais je me rattraperais 7 ans plus tard, quand je serai devenue étudiante en droit, majeure et vaccinée. Alors le même bonheur m'enivrera paré des mêmes espoirs : celui d'une France plus juste, plus jeune, plus solidaire. Celui d'une France forte et tranquille.

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