49.3 | Lire la motion de censure

Retrouvez ci-dessous et en téléchargement la motion de censure déposée par les socialistes, aux côtés des députés communistes et insoumis, suite au recours à l'article 49 alinéa 3 par le gouvernement sur le projet de loi sur les retraites. 

Avec ces deux projets de loi pour la réforme des régimes de retraite, l’exécutif ampute le pouvoir législatif de nombre de ses droits.

Le Conseil d’État a fustigé dans son avis les conditions d’élaboration à marche forcée des projets de loi. Ainsi, il « souligne qu’eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu’aux nombreuses modifications apportées aux textes pendant qu’il les examinait, la volonté du Gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires ».

Le gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée. Il refuse au pays le temps pour un réel débat parlementaire. Il a remis au Parlement une étude d’impact de plus de mille pages. Pour lire, analyser et proposer des amendements, les députés se sont vus octroyer un délai de seulement quatre jours.

Nous soulignons par ailleurs que cette étude d’impact ne rend pas sincèrement compte des conséquences du projet de réforme des retraites. Ainsi, les cas-types présentés sont établis avec un âge d’équilibre gelé, en contradiction avec l’article 10 du projet de loi ordinaire. L’évolution de la valeur du point serait par ailleurs calculée en fonction d’un indicateur qui n’existe pas à ce jour. Or, la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution prévoit en son article 8 que l’étude d’impact d’un projet de loi doit exposer avec précision « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées ». Avant même de débattre du contenu du projet de loi, une appréciation sincère de ses effets est rendue impossible aux parlementaires.

Près de la moitié du texte de loi est composé de 29 ordonnances pour un total de 65 articles. Un tel dessaisissement du pouvoir législatif du Parlement est inédit. Sur ce procédé également, le Conseil d’Etat est très sévère. Il souligne ainsi « que le fait, pour le législateur, de s’en remettre à des ordonnances pour la définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité ». L’exécutif entend écrire lui-même la loi, au mépris des principes fondamentaux de la démocratie parlementaire. Les députés ne sont autorisés qu’à acquiescer.

Enfin, les conditions d’examen du projet de loi en commission spéciale parachèvent un simulacre de démocratie parlementaire en privant l’Assemblée nationale de la désignation d’un rapporteur d’application, député.e de l’opposition, qui aurait eu la compétence en première lecture d’effectuer une analyse de l’étude d’impact. Le bureau de la commission spéciale a ensuite décidé, le 4 février 2020, de diviser par deux le temps alloué à la défense des amendements déposés. Le gouvernement a refusé d’étendre le temps d’examen pour que la commission ait le temps de finir son travail. Elle a été interrompue au beau milieu de ses travaux afin d’hâter le passage du texte gouvernemental en hémicycle et de respecter le calendrier décidé par le seul Président de la République.

Les problématiques financières, pourtant au cœur de l’équilibre du futur système, ont été renvoyées à une Conférence de financement se tenant concurremment avec les partenaires sociaux.

Une telle désinvolture est inacceptable pour l’étude de projets de lois qui font changer la nature de notre sécurité sociale pour des millions de personnes au cours des prochaines décennies. Les violences contre le parlement sont dirigées contre le peuple lui-même. En effet, en dehors de la voie référendaire, la Constitution prévoit que le Parlement est le lieu d’expression de la seconde. C’est pourquoi nous souhaitons défendre le principe du gouvernement républicain en refusant la confiance à un gouvernement qui piétine la procédure parlementaire, d’autant plus au moment où il interrompt le débat brutalement et sans raison en utilisant l'article 49 alinéa 3.

L’héritage du Conseil national de la résistance ne peut être ainsi remis en question.

Nous déposons donc la présente motion de censure au titre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

 

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