Après avoir bassiné, argumentant avec insistance, puis remis au train plus tôt que prévu trois amis que nous venions de convaincre d’aller voter, nous avons attendu, la boule au ventre les résultats . Nous avions un petit espoir cette fois là, car en réunion politique, les jours précédents, il avait été demandé à chacun de convaincre une personne de voter Mitterrand et cela suffirait...Nous venions de faire notre part, mais les souvenirs douloureux des élections précédentes étaient hélas encore bien présents .Nous nous revoyons comme si c’était hier, dans notre chambre de jeunes couples de deux toutes petites filles, avec un ami qui n’avait pas la télé, figés devant l'écran, le cœur battant. Le crâne du futur président apparaît et le doute nous envahit une seconde, mais très vite, c’est l’explosion de joie , de cris. Hélas, ce sont les seuls de notre immeuble du XV ème arrondissement de Paris près de la Porte de Versailles ! Ni une ni deux, nous confions nos deux petites déjà couchées, à la surveillance de notre concierge et avec cet ami, jeune élève ingénieur habitant une chambre de bonne sous les toits, nous partons faire la fête à la Bastille: métro, sortie de station et une foule en liesse nous accueille. Tout au long du grand boulevard chacun crie sa joie, chante, exprime son bonheur. Nous communiquions comme si nous étions frères, et ce, même avec les forces de l’ordre! Par où aller pour apercevoir notre héros? Nous nous tenons les mains tous les trois et essayons d’avancer, mais comme tous , nous voulons aller au même endroit , nous nous sentons de plus en plus à l’étroit. Une jeune femme se trouve mal, elle ne peut être évacuée que par par dessus nos têtes . Je commence à m’inquiéter, mais mon mari me rassure : « Tenons nous fermement et tout ira bien! » Malheureusement les forces supérieures des mouvements de foule nous obligent à suivre des chemins différents et de fait, nous nous lâchons. Heureusement une pluie salvatrice vint nous doucher tous et l’étau se desserre peu à peu ce qui et nous a permis de nous dégager rapidement, renonçant à suivre les discours et surtout d’apercevoir nos valeureux dirigeants qui avaient enfin réussi à amener la gauche aux responsabilités, aux plus hautes fonctions de l’état. Nous nous sommes retrouvés sur le quai du métro, et sommes rentrés heureux mais perturbés par l’expérience inquiétante des mouvements de foule, nous promettant pourtant d’être présents pour l’investiture, mais en restant bien sûr plus prudents. Ce jour restera gravé à jamais et merci de nous avoir permis de le raconter à tous nos camarades avec l’espoir qu’avant de quitter ce monde , nous puissions revivre un tel jour!