- Lundi 2 décembre 2024
Le 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida, est l’occasion de mesurer les avancées réalisées dans la lutte contre l’épidémie, mais aussi de pointer les failles et manquements de nos politiques publiques, notamment en matière d’éducation et de prévention. Aujourd’hui, l’école devrait être un pilier central de l’information en matière de santé sexuelle. Pourtant, cette mission essentielle fondée sur trois valeurs majeures (égalité, tolérance, respect de soi et de l’autre) ne peut être remplie malgré la bonne volonté des enseignant·e·s, au détriment de nos jeunes, adultes de demain qu’il faudrait prévenir pour mieux les préparer.
La prévention fait défaut alors qu’elle permettrait de mettre en lumière les enjeux liés à la lutte contre le VIH/sida à l’échelle mondiale, quand dans le même temps notre médecine scolaire (médecins et infirmier·e·s) est sous dotée: c’est ainsi qu’en 10 ans le nombre de médecins scolaires a chuté de 20% et que 8 enfants sur 10 n’ont jamais vu de médecin scolaire.
D’après la loi, chaque élève est censé bénéficier de trois séances annuelles d’éducation à la sexualité or, moins de 15% des élèves en lycée et 20% au collège en ont bénéficié pendant leur année scolaire au collège et au lycée. Cette obligation, inscrite dans le Code de l’éducation depuis 2001, ne peut être tenue actuellement faute de formation et de moyens satisfaisants. Résultat ? Une plainte déposée par des associations telles que le Planning Familial, SOS Homophobie et le Sidaction, contre le gouvernement et une grande partie des élèves qui se voient quitter le système scolaire avec des connaissances limitées – voire erronées – sur leur corps, la contraception, l’IVG, les infections sexuellement transmissibles (IST) et le VIH/sida.
Cette carence éducative est loin d’être sans conséquences. Entre 2014 et 2022, la proportion d’adolescent·e·s sexuellement actifs ayant utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel est passée de 70% à 60% chez les garçons, et de 63% à 57% chez les filles. En France, près de 5 000 nouvelles contaminations par le VIH sont recensées chaque année, et de nombreuses autres IST connaissent une recrudescence, notamment la syphilis – pourtant oubliée depuis plusieurs années – et la chlamydia. Les jeunes, souvent mal informés et/ou mal protégés, en sont les premières victimes. Cette situation est d’autant plus alarmante dans un contexte où les fausses informations, diffusées notamment sur les réseaux sociaux par ignorance ou volonté de nuire à l’image de la femme ou des personnes LGBTQI+, alimentent la désinformation.
Depuis des années, les associations de lutte contre le VIH, comme AIDES ou le Sidaction, ainsi que des collectifs militants, réclament des mesures fortes et concrètes pour placer l’éducation et la prévention au cœur de nos politiques publiques. Elles demandent notamment :
- L’application stricte de la loi : les trois séances annuelles doivent être généralisées dans tous les établissements scolaires, avec des intervenant·e·s concerné·e·s, qualifié·e·s et formé·e·s.
- Des contenus adaptés : une éducation sexuelle inclusive, prenant en compte toutes les orientations sexuelles et identités de genre, et intégrant les avancées médicales comme la PrEP (prophylaxie pré-exposition) et le TASP (traitement comme prévention).
- Un accès renforcé aux outils de protection : distribution gratuite de préservatifs dans les établissements, accès facilité aux tests de dépistage et sensibilisation aux traitements.
- Une campagne nationale de lutte contre les discriminations liées au VIH/sida, qui persistent et aggravent la stigmatisation des personnes séropositives.
Face à ces enjeux, il est temps de mettre fin à l’inaction du gouvernement, qui avance à pas comptés. Certes, la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans, annoncée en début d’année, est une avancée. Mais cela reste largement insuffisant. Les moyens humains et financiers alloués à l’éducation sexuelle dans les écoles semblent médiocres. Pire, la droite conservatrice et les groupes réactionnaires continuent d’attaquer les programmes scolaires dès qu’ils abordent la sexualité, alimentant un climat de peur et de désinformation sur lequel ils prennent un malin plaisir à surfer pour attiser la haine et souffler sur les braises d’une société déjà trop fracturée.
Cette frilosité politique devient absurde et dangereuse puisque des études montrent que l’éducation sexuelle complète réduit significativement les comportements à risque et favorise une sexualité plus épanouie et responsable, impératif à l’intégration de la notion de consentement. Investir dans la prévention, c’est non seulement protéger la santé des jeunes, mais aussi alléger le coût des soins et frais médicaux à long terme.
De surcroît, le futur programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui doit être présenté le 12 décembre prochain au Conseil supérieur de l’éducation pour une mise en application à la rentrée 2025 a donné lieu à une cacophonie ministérielle inacceptable mais, plus grave encore, à mis sous la lumière l’idéologie ultra-conservatrice d’un ministre délégué à la réussite scolaire en total décalage avec la réalité de situations vécues par nos jeunes.
Nous sommes à l’époque du progrès. L’éducation à la sexualité et à la prévention en milieu scolaire est aussi une question de justice sociale, combat qui nous est cher au Parti Socialiste. Les inégalités d’accès à l’information et aux soins frappent d’abord les jeunes issu·e·s des milieux populaires, les jeunes LGBTQI+, et les jeunes réfugié·e·s. Faire de l’école un lieu d’émancipation, c’est permettre la réduction de ces inégalités et bâtir une société plus inclusive et solidaire.
Nous, socialistes, nous demandons :
- La hausse du budget dédié à la prévention et à l’éducation sexuelle.
- Une formation adaptée des enseignant·e·s
- Le recrutement -au moins 300 à 400 postes à créer- et la revalorisation des médecins et infirmier·e·s scolaires déjà en poste pour permettre également de combler les postes vacants.
- La participation des associations concernées et leur intervention régulière dans les établissements scolaires.
- Une généralisation du dépistage en milieu scolaire, en collaboration avec les services de santé locaux.
- La mise en place de distributeurs de préservatifs et serviettes hygiéniques dans TOUS les collèges et lycées, publics comme privés.
Il est temps de sortir du déni et de l’inaction si nous voulons voir disparaître le VIH/sida d’ici 2030. L’école est un lieu essentiel pour construire une société où chaque jeune connaît ses droits, son corps, et les moyens de se protéger sexuellement mais aussi des abus et comportements inappropriés. La lutte contre le VIH/sida ne se gagnera qu’avec une véritable volonté politique. À l’heure où la santé publique est mise à mal par des logiques et politiques d’austérité, investir dans l’éducation sexuelle est une urgence sociale et sociétale, mais également un acte de responsabilité collective.
Yannick Trigance, Secrétaire national à l'École, au Collège et au Lycée
Adrien Gérard, Secrétaire national adjoint aux droits LGBTQI+