Thème : Logement
Résoudre la crise du logement grâce à une politique volontariste qui privilégie les résidents aux investisseurs !
Selon la fondation pour le logement (ex-Abbé Pierre) 12 millions de Français sont en situation de « Fragilité logement » parmi lesquels figurent 4,1 millions de mal logés et 330 000 SDF. Il est de plus en plus compliqué de se loger en France et si la précarisation de la population justifie une partie des difficultés d’accès au logement ce n’est pas la seule. En effet, depuis les années 2010 et la multiplication de dispositifs fiscaux avantageux, l'investissement locatif s’est démocratisé avec comme conséquence directe une financiarisation massive du marché de l’immobilier français. Vu comme un capital financier, les revenus générés par l’immobilier - comme plus largement ceux de la finance- ont progressé bien plus vite que les salaires. Preuve en est, chez les ménages locataires la part des revenus consacrés au loyer est passée de 20% en 2013 à 35% en 2023. Pervers, ce mécanisme l’est d’autant plus qu’il fait augmenter artificiellement le prix des biens rendant encore plus complexe l’accession à la propriété des ménages résidents.
Cette évolution du marché de l’immobilier est permise par une politique de l’habitat libérale construite selon le postulat de l’offre et de la demande. Contreproductif, laisser le marché de l’immobilier entre les mains de la finance ne permet pas une accession massive à la propriété résidentielle de toutes et tous mais conduit à une concentration des biens entre les mains de quelques-uns. Face au mantra de la droite qui, pour citer Gérald Darmanin “rêve d'une France où tous les travailleurs sont propriétaires”, nous, socialistes, devons construire un nouvel imaginaire : celui du préambule de la constitution d’octobre 1946 qui garantit à tous un logement digne, décent et adapté à sa vie
1) Lutter contre la financiarisation de l’immobilier et contre l’idée reçue des “petits propriétaires”
La financiarisation du marché de l’immobilier est une tendance mondiale. Rappelons nous, la crise de 2008 a éclaté suite à la “titrisation” de prêts immobiliers accordés en très grand nombre à des ménages non solvables uniquement dans le but d’améliorer le rendement de portefeuilles financiers à haut risque. Plus récemment à Madrid le premier propriétaire de logements est devenu le fonds d’investissement BlackStone qui a su profiter de la vente forcée du parc social madrilène à la suite de la crise des dettes souveraines en rachetant les logements sociaux à petit prix pour ensuite les remettre sur le marché avec des loyers très élevés. Cette pratique a conduit à un doublement du loyer moyen à Madrid entre 2013 et 2023 mais aussi de Madrid la ville en Espagne où la part du revenu consacré au logement est la plus élevée d’Espagne (60%).
En France cette financiarisation existe bel et bien. Si les acteurs institutionnels privés sont peu présents sur le marché résidentiel, elle prend la forme de « maxi-propriétaires », c'est-àdire des ménages détenant 5 logements ou plus. Cette pratique conduit à une forte concentration de la possession immobilière : 1% de la population Française détient 37% du parc résidentiel des agglomérations de plus de 700 000 habitants. Ils concentrent 58% des logements en location à Paris, 57% sur Lyon, 56% sur Marseille et même jusqu’à 62% sur Lille. Mais cette problématique ne touche pas que nos centres urbains, avec le développement des plateformes de location saisonnières (AirBnB par exemple), les multipropriétaires s’étendent aussi sur des territoires touristiques, voire ruraux.
Loin d’être anodine, l’hyper-concentration est structurante pour bien comprendre les dynamiques résidentielles en cours. Comme l’explique Saskia Sassen, une sociologue Américano-Hollandaise, les stratégies d’investisseurs dans l’immobilier diffèrent grandement de celles des occupants. Ces derniers vont essayer d’extraire au maximum la valeur d’un bien sans pour autant penser aux populations. Les stratégies mises en place par ces investisseurs immobiliers se ressemblent, et se matérialisent par l’éviction des locataires en place, le rehaussement des loyers ou la non-réalisation des travaux nécessaires.
Afin de résoudre la crise du logement le parti socialiste doit donc commencer par limiter au maximum l’immobilier capitalistique en taxant davantage les multipropriétaires dans l’objectif de rediriger les capitaux disponibles vers l’économie réelle et non la pierre.
2) Faire du logement social un levier majeur de lutte contre la crise du logement
Selon une étude réalisée en 2023 par HTC pour le compte de l’Union Sociale pour l'Habitat, il faudrait construire ou remettre sur le marché environ 500 000 logements par an jusqu’en 2040 pour subvenir aux besoins de la population. La construction de nouveaux logements est donc une priorité absolue. Le Parti Socialiste doit se doter d’un discours pragmatique et volontariste permettant de favoriser la filière du logement social qui est bien plus rentable que la filière de la promotion immobilière privée. Car n’en déplaise à certaines idées reçues, depuis les années 1960, la France a opté pour une multiplication de dispositifs fiscaux incitant les classes moyennes à investir dans la pierre afin de construire ou de rénover de nouveaux logements. Depuis, deux modèles cohabitent et semblent opposés : d’une part le logement privé et d’autre part le logement social. Mais ces deux approches in fine se retrouvent : ce sont des modèles administrés, mobilisant de l’argent public et répondant à des objectifs de politiques publiques d’intérêt général. À titre d’exemple, le dispositif Pinel, visant à favoriser la construction privée, aurait couté, en cumulé, 7,3 milliards d’euros à l’Etat sur la période 2014- 2023 selon la Cour des Comptes (2024), soit bien plus que le logement social qui lui génère des recettes publiques. Nous, socialistes, devons être fiers de promouvoir le logement social comme étant la meilleure solution afin de faire face à la crise du logement.
A commencer par le renforcement de la loi SRU. Aujourd’hui les villes de plus de 3 500 habitants (1500 en région Parisienne) ont l’obligation de disposer d’au minimum 25% de logements sociaux. Demain ce seuil devra être porté à 30%, en incluant dans le décompte SRU les hôtels sociaux, avec la mise en place de sanctions ajustées et plus dissuasives qu’elles ne le sont aujourd’hui. De même, nous devons durcir les cas de dérogation au respect de la loi SRU, il n’est pas normal qu’au titre du foncier indisponible la ville de Neuilly-sur-Seine soit exemptée de la loi SRU alors que Paris, soumise aux mêmes contraintes foncières, vise 40% de logements sociaux à l’horizon 2035.
Mais la contrainte législative ne pourra pas à elle seule permettre la construction massive de nouveaux logements sociaux, il faut fiabiliser un modèle économique déjà très performant et offrir les opportunités foncières pour les bailleurs. Pour cela l’Etat devra construire avec la Caisse des Dépôts de nouveaux produits financiers à l’amortissement allongé permettant aux opérations d’atteindre plus facilement l’équilibre économique - surtout en zone tendue-. Enfin, au même titre qu’un droit de préemption commercial existe, nous socialistes devons porter un droit de préemption résidentiel permettant aux bailleurs sociaux de se porter acquéreurs du foncier disponible au prix du marché.
3) Demandons des contreparties aux propriétaires bailleurs !
Comme évoqué précédemment l’Etat a distribué de nombreuses aides publiques dans l’objectif de favoriser l’accès à la propriété, les investissements locatifs, la rénovation thermique des logements et même la location saisonnière ! Les gains et plus-values générées par ces investissements ont été réalisées en partie grâce à l’impôt des Français, par conséquent il est normal de mieux réguler ce marché en demandant des contreparties plus fortes aux ménages bénéficiaires.
Nous, socialistes, devons avoir un discours clair là-dessus et préparer des propositions fortes en prévision des futures élections présidentielles et législatives :
- Rendre obligatoire la taxe sur les logements vacants en zone tendue et augmenter le taux d’imposition
- Taxer la multipropriété afin de limiter le nombre de biens en location par habitant et rediriger les capitaux vers l’économie réelle
- Mettre en place une progressivité des frais de notaire afin de permettre de faciliter l’accès à la propriété des primo accédants
- Encadrer strictement la location saisonnière dans les zones tendues en manque de logements permanents
Afin de venir compléter ces mesures coercitives le Parti Socialiste devra aussi porter des mesures permettant de protéger les propriétaires et les locataires. Il est inacceptable qu’aujourd’hui dans certaines villes il faille des cautions et garants quand bien même les revenus du demandeur sont suffisants. De même l’accès à la location est un moment particulièrement propice à la ségrégation et au racisme, selon les testings réalisés régulièrement par SOS racisme les profils « d'origine française ancienne » ont obtenu le plus grand nombre de retours positifs (48%), suivis de près par les personnes d'origine asiatique (46%). En revanche, le taux de réponse plonge pour les profils d'Outre-mer (31%), maghrébins (15%) et d'Afrique sub-saharienne (12%).
Face à ces difficultés rencontrées par les demandeurs, les propriétaires peuvent avoir des craintes légitimes : impayées, dégradations et complexités administratives. De plus, le parc résidentiel est en concurrence avec d’autres usages comme les bureaux ou encore la location saisonnière. Une partie des propriétaires de bonne foi souhaite remettre leur bien sur le marché locatif classique. C’est pourquoi nous souhaitons construire une garantie étendue allant jusqu’à la prise en charge de la vacance locative résiduelle (par exemple les mois impayés lors des changements de locataires). En contrepartie de l’accès à cette garantie les propriétaires doivent s’engager à recevoir des dossiers anonymes, sans garant (la garantie faisant office de garant) ou la solvabilité du demandeur est garantie par un organisme indépendant.
4) Une politique du logement ne peut se faire sans penser à un urbanisme plus solidaire
La politique volontariste en matière sur le bâti ne doit pas se faire sans tenir compte de la transition écologique. L’habitat détermine le mode de vie, on le sait, l’étalement urbain est une des premières causes d’émission de gaz à effet de serre et dégradation de la biodiversité. Nous devons lutter contre des modèles résidentiels qui entraînent la nécessité d’avoir deux voitures, qui consomment de la ressource naturelle et des sols naturels. Notre parti doit être en mesure de poser les termes d’un débat nouveau en prenant des mesures permettant de préserver les sols, garantir l’objectif de zéro artificialisation nette et lutter contre l’urbanisme de la maison individuelle.
Des solutions existent et les différentes aides en place doivent favoriser des modèles de densification douce, à l’échelle des îlots urbains, penser à un urbanisme intégré : aux transports, aux commerces de proximité et aux bassins d’emploi.
Conclusion :
Cette contribution générale s’inscrit dans une invitation à penser le logement autrement. Nous sommes convaincus que pour sortir de la crise du logement un nouveau logiciel doit venir irriguer le parti socialiste. Prendre en compte le vivant, lutter contre la financiarisation de l’immobilier et favoriser le logement social sont selon nous les 3 piliers clé garantissant la réussite de notre politique publique.
Contributeurs : Arthur Courty, Militant du PS-Paris 11
Patrick Bloche, Premier adjoint à la maire de Paris, député honoraire Arthur Delaporte, Député du Calvados, secrétaire national travail emploi Inaki Echaniz, Député des Pyrénées-Atlantiques, secrétaire national au logement Emmanuel Grégoire, Député de Paris Ahlem Girard, Co-Secrétaire de section PS-Paris 11 Céline Hervieu, Députée de Paris Johanne Kouassi, Conseillère de Paris déléguée, PS-Paris 13 Emma Rafowicz, Députée européenne Alexane Riou, Secrétaire nationale adjointe, PS-Paris 11 François Vauglin, Maire du 11e arrondissement de Paris