Agissons pour une école vraiment émancipatrice !


Thème : Éducation


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Devant l’hypocrisie de notre école qui promet une égalité des chances, mais qui abandonne à leurs difficultés la plupart de celles et ceux qui ont du mal à apprendre,

Devant l’hypocrisie de notre école et de notre société qui promettent d’aider à l’émancipation de chacun mais qui sont incapables de diffuser les codes nécessaires à la réussite scolaire et professionnelle à celles et ceux qui ne les ont pas,

Nous, socialistes, nous devons agir.

 

Nous devons agir, pour faire connaître aux citoyens les enjeux de donner à toute une génération, les compétences et les codes de la société nécessaires pour que chaque jeune homme et chaque jeune fille soit à égalité pour construire et développer son projet de vie.

Nous devons agir, pour faire connaître les résultats des comparaisons des études internationales qui préconisent pour la période entre 7 et 15 ans une école inclusive, avec les moyens humains nécessaires pour assurer un climat de tolérance et de coopération et pour faire progresser chaque élève sans jamais lâcher sur ce qui est essentiel.

Nous devons agir, pour que, dans les esprits, le modèle normal d’orientation, de formation et de choix de son projet de vie après la troisième, soit un parcours non-linéaire, en essai-erreur avec un droit effectif de changer d’orientation au cours de la formation initiale, avec un droit de reprendre une formation tout le long de sa vie.

 

Ces actions sont essentielles pour la cohésion sociale des personnes habitant en France.

L’hypocrisie structurelle du système éducatif français a créé un sentiment de tromperie chez celles et ceux qui, non seulement, sont exclu·es d’une partie des possibilités de la société, mais en plus, ne connaissant pas les règles de celle-ci, n’ont pas les moyens de comprendre pourquoi. Elles et ils ne peuvent pas savoir ce qui vient du fait que leur comportement est inadapté par rapport aux attentes scolaires ou sociétales, ce qui vient du fait de mécanismes inconscients de discriminations liés aux stéréotypes ou ce qui vient de comportements volontaires discriminants qui sont en réalité très rares.

Pour agir contre cette hypocrisie, trois champs d’action complémentaires sont à traiter prioritairement :

  • La gouvernance de l’école car, actuellement, elle freine l’engagement pour la réussite de tous,

  • La communication sur ce qui est essentiel pour que chaque élève soit en mesure de faire ses propres choix de manière éclairée,

  • Nos actions en tant que socialistes.

 

1 - La gouvernance de l’école

Traditionnellement en France, la gouvernance (ou la manière de diriger l’école au plus haut niveau) est bureaucratique. Ceci n’est pas favorable aux enfants qui ont une façon d’aborder les apprentissages éloignée de la moyenne des élèves. En effet, l’adaptation aux besoins de ces jeunes dans une classe surchargée est une expertise qui s’apprend par l’expérience à leur contact, par les discussions avec des collègues qui qui sont dans des situations similaires et par la connaissance des fondamentaux de la psychologie cognitive en fonction des étapes de maturité de l’enfant. Il s’agit de pratiques pédagogiques fines qui ne peuvent pas être dans des procédures.

Nous devons prendre conscience que ce sont les adultes dans les établissements qui créent un climat propice aux apprentissages et qui accompagnent la progression de la classe en général et chaque élève en particulier.

Une enquête réalisée en mai 2022, indique que plus de 80 % des enseignants sont à un niveau d'épuisement émotionnel moyen ou fort (La santé mentale, Ecolhuma, 2022) : Cela ne peut plus continuer. Il est nécessaire de changer de gouvernance : de clarifier le rôle de l’école, de clarifier les missions de chaque entité, de donner les moyens d’accomplir les missions, de considérer les adultes en contact avec les jeunes en leur donnant un salaire décent, en garantissant des libertés pédagogiques et en les soutenant vis-à-vis des enfants très perturbateurs et des parents consommateurs.

 

2 - La communication de ce qui est essentiel pour une école sans hypocrisie

Affranchissons-nous de tous les non-dits car ils désinforment celles et ceux qui n’ont pas le réseau pour s’informer par eux-mêmes ou par elles-mêmes !

Proclamons, haut et fort, que tous les systèmes éducatifs du monde ont des parcours sélectifs généralement après 12 ans ou après 15 ans. Le nier ne supprime pas la sélection mais la rend indirecte et alimente un sentiment de tromperie, car les jeunes de milieu social modeste en prennent conscience au moment où ils ou elles la subissent. Seules les classes sociales « informées » peuvent anticiper.

Chaque jeune habitant en France doit pouvoir choisir un parcours de formation qui lui convient, qu’il ou elle peut réussir et qui lui permettra de progresser vers le but qu’il ou elle s’est fixé. Cela suppose une écoute des jeunes qui sont mécontents ou mécontentes de leur orientation, une lisibilité des parcours possibles, une transparence dans les règles d’affectation et l’existence réelle de passerelles qui permettent à ceux qui le veulent et qui sont prêts à fournir des efforts de continuer vers des parcours exigeants alors qu’il ne s’agissait pas de la première orientation.

Proclamons que le premier pas d’orientation en France est après la 3ème à 15 ans pour près de de la moitié de jeunes de la cohorte. Et une partie de ces jeunes n’ont pas acquis les pratiques de mémorisation et d’expression littéraire qu’on exige pour des parcours académiques supérieurs. Non pas, parce qu’ils ou elles en seraient incapables mais parce, pour de multiples raisons, ils ou elles n’étaient pas en condition pour apprendre. Certains et certaines ont besoin de passer par du concret avant de revenir ou non vers des apprentissages plus théoriques, d’autres subissent les choix car aucun parcours possible ne correspond à leurs envies. Pour cela, il faut proposer suffisamment de formations pour que chaque jeune puisse trouver une formation qu’il ou elle peut réussir et qui ouvre un avenir qui lui convient. Le lycée professionnel aujourd’hui effectue un travail de remédiation formidable auprès des jeunes qu’il accueille. Il doit continuer à pourvoir le faire.

Reconnaissons que la compétence la plus structurante est la lecture automatique avec construction de sens. C’est-à-dire lorsqu’on parcourt des yeux un texte, le sens vient automatiquement au cerveau. Pour obtenir ce résultat, il faut que l’enfant apprenne à lire en recherchant systématiquement le sens ce qu’il ou elle lit, puis qu’il ou elle répète la pratique jusqu’à ce que la lecture devienne un automatisme. D’après l’étude Cedre 2021 (DEPP 22-29), environ un tiers des élèves de fin de troisième se disent découragé·es d’avance quand le texte fait plus d’une page. 17 % des élèves ne dépassent pas le niveau du groupe 1 (sur une échelle de 1 à 5), c’est-à-dire qu’ils ou elles sont incapables de repérer une information qui n’est pas explicite dans un texte court. Ces élèves doivent utiliser de la charge mentale pour arriver à déchiffrer, charge mentale qu’ils ou elles n’ont plus pour interpréter le contenu du texte.

Ces élèves se retrouvent en échec au collège où ils perdent leur confiance en leur capacité de réussir un devoir scolaire.

Pourtant les moyens ne sont pas mis pour apprendre cette compétence à la quasi-totalité des jeunes. Les moyens ne sont pas mis pour que le collège permette aux plus faibles scolairement de progresser. Sauf en éducation prioritaire pour le cycle 2 (CP-CE2), les classes sont surchargées, or environ 70% des élèves de milieux défavorisés du public ne sont pas scolarisé·es en éducation prioritaire. Nous n’avons pas d’enseignant·es en surnombre pour travailler avec les enseignant·es titulaires en co-intervention comme dans les pays qui réussissent. Enfin, les AESH (accompagnants ou accompagnantes d'élèves en situation de handicap) ne sont pas assez nombreux pour accompagner tous les élèves qui en ont besoin. Nombre de ces élèves seront pénalisé·es toute leur vie pour ne pas posséder cette compétence de base qu’ils ou elles avaient pourtant la capacité d’apprendre avec un accompagnement adapté.

Reconnaissons que la capacité de donner du sens aux quatre opérations est une compétence primordiale. Elle est importante car elle permet de suivre son budget dans la vie personnelle. Elle importante car savoir doser des quantités est une compétence demandée dans de nombreux métiers. Pourtant, environ 20% des élèves n’ont pas les compétences de base en mathématiques. De la même manière que la lecture automatique avec construction de sens, il s’agit d’une pratique qui s’apprend dans la durée. Le jeune qui ne la possède pas se retrouve en échec dans toutes les matières techniques après la sixième. Comme pour la lecture automatique, les moyens ne sont pas mis pour apprendre cette compétence à la quasi-totalité des jeunes.

Reconnaissons qu’il existe deux matières, dont le niveau de maîtrise ouvre et ferme les portes des filières des études supérieures : l’expression écrite et les mathématiques. La sélection peut se faire avant l’entrée dans la filière de l’enseignement supérieur ou au bout d’un an (Le taux de réussite en licence à l’université en 4 ans est de 42%, voir RERS 2022 page 245). A ces matières, deux compétences s’ajoutent : la capacité de savoir approfondir un domaine de manière cohérente (par exemple scientifique, littéraire ou technique) et l’anglais de communication internationale.

La France effectue d’abord un « tri » sur le niveau en Français, entre les trois filières du lycée : la filière professionnelle la filière technologique et la filière générale. Chacune des filières a un programme de Français-Histoire-Géo-Philosophie différent. Il y a une hiérarchie des acquis moyens des lycéens de chaque filière à l’entrée en seconde et donc au moment du baccalauréat. Ceci est souvent invisibilisé dans les discours, mais se retrouve dans les statistiques qui arrivent à être publiées. En outre, il est fonctionnellement nécessaire d’avoir au choix, au lycée général, plusieurs parcours en mathématiques qui donnent les clés pour être accepté·e dans certains parcours du

supérieur ou pour y réussir. Le choix entre plusieurs parcours de mathématiques contribue à l’entrainement à la logique d’une partie de la population, indispensable à la régulation des fake news dans la société.

Reconnaissons aussi l’importance pour chaque élève d’être en situation de développer un imaginaire autour du fonctionnement du monde et de sa vie future

Ceci est fondamental pour éveiller la curiosité et donner du sens aux exercices scolaires.

Pour développer cet imaginaire, il faut être confronté au monde, lire, rencontrer des personnes ayant des métiers qui les passionnent, aller dans les lieux culturels et ce, de préférence, en donnant l’habitude avant l’âge de 12 ans qui correspond à l’entrée dans l’adolescence.

Pour cela, l’école doit s’ouvrir à l’environnement et plus particulièrement dans les établissements où une majorité de parents ne peuvent pas le faire ou ne le font pas spontanément.

Le brassage social des élèves dans un même établissement favorise le développement de cet imaginaire et ce, au bénéfice de tous.

Enfin prenons conscience que le regroupement d’adolescents ou de pré-adultes de milieu défavorisé dans un même établissement entraine une spirale négative : une attirance vers le découragement, un manque d’ouverture au monde. La création d’une dynamique valorisant le travail scolaire dans l’établissement est plus difficile. Or, il existe des systèmes de cartes scolaires dynamiques, comme à Boston, qui permettent des répartitions mieux équilibrées. Ceci sans encourager un comportement consommateur des parents (qui comparent également les établissements privés sous contrat quand on leur demande une préférence) et sans créer d’autres déséquilibres dans les établissements peu souhaités.

Nous socialistes, nous devons avoir le courage de rendre hétérogène socialement tous les collèges et les lycées publics et de moduler le financement des établissements sous contrat à l’hétérogénéité de la population de leur établissement. Quand ce n’est pas possible pour des questions géographiques, il faut que les établissements aient une politique et les moyens pour compenser.

 

3 – L’action

En tant que socialistes, nous devons agir pour une école qui permet à tous de progresser afin que chaque jeune ait accès à une vie d’adulte autonome et épanouie :

Pour cela, nous devons soutenir l’éducation populaire, celle qui accompagne pour donner les clés de compréhension du monde et l’entrainement à la prise de parole en respectant les codes des personnes à qui on s’adresse.

Pour cela nous devons refuser les explications simplistes et prendre le temps de connaitre et comprendre les mécanismes qui sont à l’origine des inégalités scolaires puis utiliser cette connaissance pour rester ferme sur les valeurs socialistes.

Pour cela nous devons être vigilant et vigilante sur ce qui se passe dans les collèges, écoles et lycées professionnels de nos quartiers, et soutenir dans leurs actions, celles et ceux qui connaissent les jeunes et leurs attentes.

Pour cela nous devons participer à l’information sur les métiers en allant dans les classes ou les forums pour parler de notre métier et, si nous n’en avons la possibilité, en proposant des stages.

Pour cela enfin, le parti socialiste doit animer un « laboratoire de l’école du socle » pour la période couvrant l’école primaire et le collège, de manière à réfléchir :

  • À une future gouvernance rénovée des écoles et des collèges, basée sur la confiance, respectueuse de son personnel, avec pour but la facilitation de l’intelligence collective des adultes de chaque établissement,

  • À la construction d’une communication vers les parents des élèves de collège pour qu’ils ou elles soient convaincu·es que le collège socialement hétérogène est mieux pour leur enfant, y compris dans les familles qui projettent leur enfant au lycée général. En effet, si chaque enfant est accompagné·e efficacement pour progresser sur les matières structurantes, rien ne lui manquera quel que soit son parcours ensuite. Cependant, grâce à cette hétérogénéité, il ou elle acquerra des compétentes psychosociales indispensables au monde de demain.

Nous, socialistes, nous devons agir car :

  • L’hypocrisie de notre système éducation est une source d’injustices inadmissibles que, nous socialistes, nous ne pouvons pas accepter.

  • L’hypocrisie de notre système éducation est aussi un moteur du repli communautaire que l’on observe sur certains territoires, repli avec comme conséquences la montée des attitudes de rejet de la nation, le désintérêt vis-à- vis de la politique ou le vote extrémiste. Avec la montée du Rassemblement national, nous ne pouvons plus regarder ailleurs.


Signataires :

Véronique Gignoux-Ezratty (PS92)


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