Cantine gratuite : pour un nouveau droit universel au bien-manger dans les écoles publiques


Thème : Ecole


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Notre école publique est gratuite… sauf sur le temps de la pause méridienne. La cantine scolaire continue à peser sur le budget des ménages français, et, selon une enquête de l’AMF, depuis 2022, 63% des communes ont même dû augmenter les tarifs face à l’inflation.

A Saint-Denis, nous avons fait un autre choix : celui de la gratuité de la pause méridienne pour toutes les familles dans les écoles primaires, quel que soit le niveau de revenu. La mesure a été progressivement appliquée depuis 2021 à tous les niveaux de classes, et elle est actuellement en déploiement à Pierrefitte-sur-Seine, devenue commune déléguée de Saint-Denis. Chaque jour, 9000 repas sont préparés par notre cuisine centrale et servis aux enfants sans contrepartie financière des familles.

Bien sûr, cette mesure forte vise à protéger le pouvoir d’achat des ménages, et à garantir l’égalité d’accès des enfants à ce qui, parfois, est leur seul repas chaud de la journée. C’est une mesure de justice sociale qui poursuit l’intention de l’école républicaine, permettant à tous les enfants de réussir dans les mêmes conditions… et donc d’aller en cours avec le ventre plein.

Mais la cantine gratuite est aussi une mesure éducative. Elle permet de mettre davantage d’enfants autour de la table (+8% depuis 2021), et de proposer un temps d’éducation au goût, à l’alimentation durable, à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Au gré des saisons, les élèves de nos écoles publiques découvrent de nouvelles saveurs, ils mangent des produits non transformés, goûtent au bio, aux plats végétariens servis trois fois par semaine, à des spécialités de tous les pays. Après chaque repas, ils trient leurs déchets et mettent les restes au compost. En proposant des portions adaptées à la demande des enfants, ce sont 370 kilos de nourriture qui sont sauvés du gaspillage chaque jour. Les économies ainsi réalisées sont réinvesties dans des produits AOP, AOC, bios, et permettent de solliciter des producteurs locaux. Les déchets alimentaires sont compostés ou utilisés pour la production de biogaz.

Notre cantine est gratuite, et elle permet de proposer une autre vision de l’alimentation aux citoyens de demain. Une telle ambition devrait sortir des cuisines locales, et être portée par le PS.
Les socialistes doivent continuer à porter de nouveaux droits universels et de nouveaux services publics pour toutes les Françaises, et pour tous les Français. Parmi ces droits et ces services élargis, nous pensons qu’ils doivent défendre le droit au bien-manger, l’accès de chaque enfant, de la maternelle au lycée, à une alimentation saine et durable, élargissant ainsi le champ du service public de l’éducation.

La gratuité de la cantine n’est que la première étape vers une plus grande égalité face à l’alimentation, une première étape forte pour une vraie politique publique de gauche. Il faut aussi avoir un véritable projet alimentaire, parce que c’est un enjeu environnemental, et un enjeu de santé publique. A l’heure actuelle, 20% des petits Français sont en surpoids, et les enfants d’ouvriers sont 4 fois plus touchés que la moyenne. Proposer une cantine gratuite à vocation éducative est aussi une façon de lutter contre la malbouffe, et d’autonomiser les enfants dans un rapport apaisé et assaini à la nourriture.

C’est, enfin, une mesure de raccrochage scolaire pour les élèves, car, en incitant les familles à laisser leurs enfants à l’école sur la pause méridienne, la cantine gratuite offre aussi une véritable continuité éducative. Elle diminue notamment la probabilité que les enfants déjeunent devant un écran, les parents étant souvent trop occupés pour partager un véritable temps de pause avec eux pendant leur journée de travail.

La cantine gratuite n’est pas une utopie, ou un luxe financier qui ne serait réservé qu’aux pays nordiques. Si nous avons réussi à le faire dans la première ville de banlieue populaire française, on peut penser que c’est aussi possible partout ailleurs, avec de la volonté politique, et une stratégie de maîtrise des dépenses de restauration. A l’échelle nationale, la gratuité de la cantine pourrait aussi être financée grâce à une taxe sur la malbouffe, qui, à défaut de changer les burgers en citrouilles, permettrait d’améliorer la provenance et la qualité des produits servis à nos enfants.

Car l’approvisionnement de nos cantines est aussi politique. La responsabilité de la commande publique est immense, nous le savons. En la redirigeant vers les producteurs locaux, nous pouvons redonner du sens et de la fierté à nos agriculteurs, les soutenir financièrement, et ainsi, les inciter plus légitimement à se mettre au bio et à la production raisonnée. Changer le contenu des assiettes peut sembler trivial, et pourtant, le PS a ici l’opportunité de réconcilier la France des bourgs et la France des tours, de réparer le circuit qui va de la fourche à la fourchette.

Pourquoi cette gratuité absolue, alors que beaucoup estiment plus juste d’indexer la tarification du repas sur le quotient familial ? Parce que même en reportant la charge principale sur les foyers les plus aisés, le reste à payer compte pour les familles plus modestes. Parce que l’alimentation de nos enfants devrait être financée par des taxes sur les géants de la malbouffe, et par une fiscalité plus juste à l’échelle nationale. Parce que c’est à l’Etat d’opérer la répartition des richesses, à la racine, et pas aux communes d’ajuster les inégalités avec des calculs d’épiciers. Parce que la gratuité possède un pouvoir que les tarifs adaptés n’ont pas : elle rend la cantine publique universelle. Elle redonne à ce temps scolaire la générosité et la convivialité du repas partagé, elle lui rend son rôle rassembleur, créateur de lien social. Elle doit permettre aux socialistes de faire ce qu’ils font de mieux : nourrir de grandes ambitions, pour nos enfants, pour l’école publique et pour notre République.


Contributeurs : Leyla Temel - Maire adjointe de Saint-Denis chargée de l'éducation, enfance, restauration et vie scolaire, Corinne Narassiguin – Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Secrétaire nationale à la Coordination et aux moyens du Parti, Mathieu Hanotin – Maire de Saint-Denis, Yannick Trigance – Conseiller régional Ile-de-France - Secrétaire national à l'Éducation, Corentin Duprey – Vice-Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Habib Gniengue – Membre du Conseil National, Benjamin Meura – Adjoint au maire de Saint-Denis – Secrétaire fédéral en Seine-Saint-Denis, Benjamin Derothe - Secrétaire fédéral en Seine-Saint-Denis


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