Chronique de trois ans de combats des députés socialistes : De nouveaux outils contre la désertification médicale

Jamais depuis trois ans, en dépit de son affaiblissement considérable après la double défaite de 2017, le groupe des députés socialistes et apparentés ne s’est résigné à abandonner le combat pour la Justice qui est le sien depuis plus d’un siècle à l’Assemblée nationale. Fidèle à la mémoire et aux combats de Jaurès, de Blum, de Mendès-France, ou de Mitterrand, les députés socialistes et apparentés ont tenu. La justice comme réponse aux désordres du capitalisme financiarisé, la justice comme moteur de la grande transformation écologique et sociale à laquelle notre pays est appelé, la justice contre toutes les dominations, les relégations, les discriminations, les inégalités. Dans un contexte inédit de perte de repères et de déstructuration de la vie politique,  nous nous sommes rangés dans une opposition ferme à chaque fois qu’il en allait des principes et de la défense des grands compromis républicains patiemment construits.  

Mais parce que nous nous vivons comme membres d’un parti qui a vocation à gouverner, notre démarche d’opposition ne s’est jamais abandonnée à la facilité de la seule critique. Inlassablement, méthodiquement, nous avons systématiquement formulé des propositions alternatives. Ces propositions ont été construites sur la base d’un travail de fond, sérieux, nourri par de nombreuses rencontres et consultations, par l’audition de chercheurs, d’ONG, de syndicats, d’associations, de citoyens, d’entreprises, ... Un groupe à l’écoute de la société, à l’écoute des Françaises et des Français dans une époque marquée notamment par la crise des gilets jaunes rappelant à chacun la dureté de la vie de tant de nos compatriotes et la nécessité d’une lutte acharnée contre les inégalités, par l’angoisse climatique d’une jeunesse qui peine à s’inventer un avenir et interpelle les responsables politiques, par une pandémie qui dure et sonne comme un ultimatum sur le plan social, par un attentat (encore) qui ébranle la République et ses promesses et exige de défendre en acte et au quotidien ses valeurs…

Nos deux groupes parlementaires, « Socialistes & apparentés » à l’Assemblée nationale et « Socialistes, écologiste et républicain » au Sénat, représentent la première force d’opposition de gauche au sein du Parlement avec 95 parlementaires. C’est grâce à ce poids politique que nous avons pu porter, députés et sénateurs unis, un certain nombre de combats comme par exemple celui sur le Référendum d’Initiative Partagée qui a au final bloqué la privatisation des aéroports de Paris. A l’aune de ce 79ème congrès, nous souhaitons partager avec vous les 79 propositions que les députés socialistes ont élaborées et défendues à l’Assemblée nationale au cours des 3 dernières années. Ces propositions pourraient être classées en 3 catégories : 

* Celles pour lesquelles nous avons été des précurseurs, c’est à dire celles qui n’ont jamais été formulées auparavant et qui visent à transformer la société. Il s’agit par exemple du crime d’écocide, de la création d’un revenu de base et d’une dotation universelle, de la définition d’un nouveau capitalisme, d’une révision de l’imposition des multinationales pour leur faire payer leur impôt sur les bénéfices là où elles font leur chiffre d’affaire, etc.

* Celles qui visent à répondre à une urgence et proposent des solutions pour maintenant. Il s’agit par exemple du plan de rebond économique, social et écologique présenté pendant la crise sanitaire, d’un plan pour sortir de la crise des gilets jaunes, que nous avons été les premiers à mettre en relief avec notre simulateur de taxes énergétiques, d’un plan pour l’hôpital et l’autonomie, d’un plan pour faire face aux déserts médicaux, de notre combat contre la privatisation d’ADP et pour la défense de nos services publics.

* Celles qui visent à démontrer au Gouvernement et à sa majorité, qu’à contexte donné, une autre politique est possible. Il s’agit par exemple de nos contre-budgets où nous proposons des choix fiscaux plus justes avec le rétablissement de l’ISF, de nos propositions pour l’agriculture et l’alimentation, pour le transport et les mobilités, de notre “vrai” projet pour la recherche, de notre plan alternatif à la réintroduction des néonicotinoïdes et de notre défense du dialogue social.

En pièce jointe, vous trouverez une contribution de Guillaume GAROT sur les nouveaux outils pour lutter contre la désertification médicale.

Nous sommes à votre disposition pour en débattre avec vous !!!

Guillaume GAROT le 17 novembre 2019

 

Le Grand débat national a souligné une réalité longtemps sous-estimée : notre système de santé est en souffrance.

En souffrance, alors que nous bénéficions d’un legs magnifique issu de la Résistance, la Sécurité sociale pour tous ; alors que nous pouvons être fiers d’une médecine performante qui nous permet de vivre plus longtemps que nos aînés.

Pourtant aujourd’hui, nous avons le sentiment que le système craque, qu’il ne remplit plus tout à fait sa mission de garantir l’égal accès de tous à la santé.

C’est ce qu’éprouvent les soignants à l’hôpital.

C’est ce qu’éprouvent nos concitoyens lorsqu’ils vivent dans des départements où les médecins partent à la retraite et ne sont pas remplacés.

L’urgence est là aussi, et c’est notre responsabilité d’y répondre.

Nos concitoyens nous disent qu’il y a urgence à agir. La réforme des études médicales portée par la loi Santé de 2019 n’emportera des effets que dans dix ans. Or, le creux démographique de la présence médicale interviendra en 2025, dans cinq ans. Il ne suffit pas de serrer les dents pour passer ce cap. Le plus dur est devant nous.

Nos concitoyens nous disent qu’il y a matière à s’interroger sur les mesures d’incitation financière. Tout a été essayé, sans résultat probant sur la répartition de l’offre de soins. Les élus locaux, qui bataillent dur pour attirer des médecins, en savent quelque chose et en connaissant les limites. Par ailleurs, des analyses très fines ont déjà démontré le faible impact de ces mesures. Déjà en 2006, une publication de l’IRDES en relativisait les effets. Plus récemment, une note de la Direction générale du Trésor juge inefficaces les aides financières mises en place depuis 2013.

Alors qu’il n’y a jamais eu autant de médecins, des portions entières du territoire ne sont plus couvertes. On connait les zones blanches en matière de couverture téléphonique : ce sont maintenant les zones « sans blouses blanches », faute de médecins libéraux ou d’hôpitaux de proximité.

Fondamentalement, il y a un problème de répartition territoriale que les incitations financières n’ont pas suffi à juguler. Alors, encore une fois, je voudrais vous rappeler quelques chiffres importants.

Le nombre de médecins a augmenté entre 2010 et 2018 : 297 000 médecins en 2018, soit 35 000 de plus qu’en 2010. Mais, en même temps, le nombre de médecins en activité régulière a reculé : 68% en 2018 contre 76,5% en 2010.

Et ce qui marque aujourd’hui, c’est une aggravation des inégalités territoriales.

S’agissant des seuls médecins généralistes et libéraux, le rapport entre le département le moins bien doté et le département le mieux doté est de 2,2 (et il s’agit d’une moyenne à l’échelle de départements entiers, les inégalités sont bien plus graves à l’échelle de territoires plus réduits).

Cet écart est encore plus criant pour certaines spécialités. Le rapport est de 1 à 12 pour les ophtalmologistes et de 1 à 24 pour les pédiatres. Pour les dermatologues, il est de 1 à 23…si l’on exclut les deux départements qui en sont totalement dépourvus !

Face à cette réalité, les gouvernements successifs ont misé sur des politiques d’incitation, pour convaincre les médecins de s’installer dans les zones les moins bien dotées. La loi Santé de 2019 s’inscrit dans cette logique, mais ce texte, même s’il comporte des avancées intéressantes, risque fort de ne pas être plus efficace que les précédents.

Alors, comment agir ? Il faut élargir la palette des mesures destinées à mieux répartir la population médicale. La direction du Trésor ne dit pas autre chose, lorsqu’elle avance l’idée d’une « adaptation temporaire et ciblée du principe de libre installation ». C’est ce que nous proposons.

Nous voulons réguler l’installation des médecins selon une idée simple : ne plus autoriser l’installation là où les besoins de santé sont déjà pourvus. Libres à eux bien entendu de s’installer partout ailleurs, là où l’on a besoin d’eux, là où les patients les attendent.

Rappelons que cet outil de la régulation existe pour d’autres professions médicales, comme les infirmiers ou les pharmaciens, sans que cela pose problème.

Mais encore faut-il que nous ayons une vision précise de la réalité médicale de tous les territoires de France. Car on entend souvent : « il y a des zones sous-denses, soit, mais pas de zones denses, a fortiori sur-denses ».

Dans ce cas, donnons-nous les moyens de regarder la réalité en face, en créant un Indicateur Territorial d’Offre de Soins (ITOS). Avec cet outil, nous proposons d’évaluer la densité de l’offre de soins médicaux des territoires en la pondérant par leur « situation démographique, médicale, économique et sociale ».

Il s’agit en de mieux circonscrire les besoins de santé en tenant compte de l’âge de la population, de la prévalence des risques, de situations de non-recours aux soins et des situations sociales. En inscrivant dans la loi cet ITOS nous pouvons en faire un outil public et transparent : chacun sera ainsi fixé sur les inégalités de densité médicale.

On l’aura compris : le cœur de notre proposition, c’est d’actionner sans attendre tous les leviers pour combattre la désertification et répondre aux attentes des citoyens.

Ce qui est en jeu, c’est notre Pacte social, notre Pacte Républicain.

L’accès de tous à la santé, c’est le ciment de notre cohésion nationale.

Nous ne pouvons pas décevoir, sauf à prendre le risque d’aggraver le sentiment de délaissement, d’abandon, et donc de faire le lit de l’extrémisme.

À nos yeux, ces propositions dépassent les clivages politiques. Ce sont des mesures républicaines, pour que nos concitoyens retrouvent confiance dans le modèle social qui a fait la force de notre Nation.

La contribution en PDF

 

Signataires : 

Guillaume GAROT, député de la Mayenne

Boris VALLAUD, député des Landes, porte-parole du groupe socialistes et apparentés à l'Assemblée

Valérie RABAULT, députée du Tarn-et-Garonne, présidente du groupe socialistes et apparentés à l'Assemblée

 

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