Combats socialistes : Prostitution : en parler pour aller de l’avant !


Thème : Lutte contre les discriminations


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Débat

La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et accompagner les personnes prostituées était pour le gouvernement socialiste de l’époque une promesse forte : celle de la concrétisation de l’engagement abolitionniste de la France, longtemps affirmé, mais plus ambigu dans les textes. En abrogeant le délit de racolage et en instaurant la pénalisation des clients, la loi de 2016 a eu le mérite de replacer les responsabilités à leur bonne place.

Ce chemin abolitionniste s’était imposé comme une évidence, dans la continuité de l’engagement clair du Parti Socialiste en faveur de la dignité humaine et de la lutte pour l’égalité femmes-hommes. Rappelons quelques chiffres :  85 % des personnes prostituées sont des femmes, 99 % des clients sont des hommes. En un an, 51 % des personnes prostituées auront subi des violences physiques dans le cadre de la prostitution ; 64 %, des insultes et actes d’humiliation dans le cadre de la prostitution.

Cependant, plus de six ans après son vote, force est de constater que cette évidence ne l’est pas pour toutes et tous. Loin de s’apaiser, les critiques contre les dispositions prévues par ce texte, et en premier lieu, la pénalisation des clients, se sont au contraire cristallisées, portée par une lame de fond : celle d’un discours libéral de plus en plus répandu, médiatiquement et dans certaines sphères militantes, défendant de façon vigoureuse le “travail du sexe” comme une profession comme une autre. Cette remise en cause, parfois très virulente, doit toutefois être nuancée au regard de l’écho qu’elle rencontre auprès de la population dans son ensemble : un sondage de 2019 montre ainsi que près de 80% des Français·es soutiennent la loi de 2016.

Dans le même temps, le système prostitutionnel a évolué. Dans ses lieux de pratique, d’une part. Au moment du vote de la loi de 2016, la prostitution sur la voie publique représentait plus de la moitié de la pratique prostitutionnelle en France ; désormais, la prostitution est  pratiquée à plus de 90 % dans des hôtels ou des appartements privés, avec une mise en relation entre les clients et les personnes qui se prostituent qui s’opère majoritairement en ligne. Dans sa démographie d’autre part :  entre 2016 et 2020, on observe une augmentation de plus de 300 % du nombre de victimes mineures de proxénétisme et de plus de 90 % entre 2019 et 2020. 

Autant de mécanismes et de constats qui doivent nous interroger sur le discours et les mesures que nous devons porter pour donner toujours plus de force à notre discours sur le sujet, en cohérence avec notre ambition première - celle d’offrir à toutes les victimes du système prostitutionnel le soutien et l’assistance dont elles ont besoin. 

Propositions

Au-delà de la défense du dispositif en lui-même, il est donc essentiel de continuer à porter de nouvelles mesures concrètes, pour approfondir ce qui a déjà été porté.

Le défi est d’autant plus grand que l’application de la loi reste, faute de volonté politique des gouvernements qui se sont succédés depuis 2017, au milieu du gué. Le gouvernement actuel se fixe ainsi comme objectif pour l’année 2023 de financer 550 parcours de sortie de la prostitution : une goutte d’eau, considérant le nombre estimées de 40 000 personnes en situation de prostitution.

L’aide à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS) pour les personnes engagées dans un parcours de sortie de prostitution, clé de voûte sociale du texte de 2016, mérite à ce titre toute notre attention : garantir la sécurité économique des bénéficiaires est indispensable pour ne pas les dissuader de s’engager dans ce processus.

Son montant (330 euros pour une personne seule) apparaît en effet largement insuffisant pour garantir des conditions d'existence décentes à la personne qui le sollicite. 

 

  • Proposition 1 : revalorisation de l’aide à l’insertion sociale et professionnelle, a minima à hauteur du RSA, et autorisation de son cumul avec d’autres aides

 

Par ailleurs, agir efficacement contre le système de traite suppose de lutter contre les ressorts sous-jacents.

N’oublions pas que 90 % des personnes prostituées sont de nationalité étrangère : parmi elles, une majorité de personnes sont dépourvues de titre de séjour. Or, la crainte d’une expulsion du territoire français constitue un obstacle majeur à l’entrée dans un parcours de sortie de la prostitution. Face à leur situation de grande vulnérabilité et d'insécurité, aussi bien juridique qu'économique, toutes les solutions doivent être envisagées.

Le levier mis en oeuvre par la loi de 2016, à savoir l'autorisation provisoire de séjour de six mois pour les personnes qui entrent dans un parcours de sortie de prostitution n’offre pas, en raison de sa difficulté d'accès, la sécurité nécessaire. Sa durée et ses modalités régulières de renouvellement constituent par ailleurs un frein dans l'accès à un nouveau parcours professionnel, aussi bien auprès de Pôle Emploi que de potentiels employeurs. 

 

  • Proposition 2 :  délivrance de plein droit d’une autorisation provisoire de séjour d’un an, non conditionnée à la cessation stricte de l’activité de prostitution

 

Agir

Au-delà de ces propositions que nous pouvons porter dans le débat public, en attendant de les concrétiser une fois au pouvoir, quels sont les leviers d’actions d’ores et déjà accessibles à notre échelle de militant·es ?

Au regard des éléments évoqués en première partie, nous avons tout à gagner à nous emparer davantage du sujet et à le faire vivre au sein de notre parti, au-delà de ses réseaux féministes et des parlementaires très engagées sur le sujet. 

Par l’organisation de débats, d’abord : la “controverse” des jeunes socialistes sur le sujet lors du dernier campus de Blois est ainsi un exemple de bonne pratique à répliquer, qui sera d’autant plus efficace si nous veillons à associer à ces temps d’échanges des porteurs de la contradiction afin de nourrir notre réflexion.

Face à une communication étatique quasi muette sur le sujet, l’organisation de campagnes de sensibilisation, orientées principalement à destination des jeunes, de plus en plus touchés par ce phénomène, en lien avec des partenaires associatifs mobilisés sur le sujet, apparaît comme une autre piste à explorer.


Premières signataires : Estelle Naud, Yasmine El Jaï


Signataires : Bassem Asseh (44 - Loire-Atlantique) ; Sebastien Baranger (75 - Paris) ; Jonathan Baum (44 - Loire-Atlantique) ; Mathieu  Bogros (03 - Allier) ; Alexis  Bouchard  (35 - Ille-et-Vilaine) ; Soen Boulligny (14 - Calvados) ; Romain Boutholeau (44 - Loire-Atlantique) ; Dorine Bregman (75 - Paris) ; Hugo Canesson  (29 - Finistère) ; Rémi Carton (99 - Français de l'étranger) ; Arnaud  Chaboud (26 - Drôme) ; Baptiste Chapuis (45 - Loiret) ; Beatrice Coste (29 - Finistère) ; Louisa  Debris  (87 - Haute-Vienne) ; Guillaume Delaire (59 - Nord) ; Valérie  Delestre  (75 - Paris) ; Aurore  Djerbir Lignière  (41 - loir-et-Cher) ; Victoria Domenech (75 - Paris) ; Moschovia  Dr. Kaskoura-Schulz  (99 - Français de l'étranger) ; Yasmine El Jaï (75 - Paris) ; Ilyes  El Othmani  (75 - Paris) ; Clément Foutrel (76 - Seine-Maritime) ; Julien Gettliffe (82 - Tarn-et-Garonne) ; Gilles Gony (75 - Paris) ; Liliane Govart (59 - Nord) ; Franck Guillory (75 - Paris) ; Elias H'Limi (94 - Val-de-Marne) ; David Huberdeau (89 - Yonne) ; Arthur Job (59 - Nord) ; Louis L'Haridon (95 - Val-d'Oise) ; Chloé  Laurent  (33 - Gironde) ; Luc Lebon (75 - Paris) ; Augustin Lechat-Blin (44 - Loire-Atlantique) ; Rémy Lorblancher (75 - Paris) ; Ézékiel Lucas (59 - Nord) ; Antonin Mahé (22 - Côtes-d'Armor) ; Yannick  Matanda (74 - Haute-Savoie) ; Sarah  Metennani  (59 - Nord) ; Quentin Pak (69 - Rhône) ; Quentin   (69 - Rhône) ; Estelle Picard (79 - Deux-Sèvres) ; Adrien Pourrat (63 - Puy-de-Dôme) ; Emma  Rafowicz  (75 - Paris) ; Paul Rafroidi (95 - Val-d'Oise) ; Loïck Rauscher-Lauranceau (75 - Paris) ; Eliott Roig (42 -Loire) ; Clarisse Roy (60 - Oise)


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