Thème : Économie et travail
Débat
Les idées de gauche pour répondre à l’accumulation des richesses
Plusieurs réformes de la fiscalité des transmissions ont eu pour objectif de modifier le barème de taxation. Notamment en supprimant les barèmes en fonction du lien de parenté, pour n’en avoir plus qu’un seul ou encore en instaurant le rappel fiscal à vie. C’est en ce sens que notre camarade, Christine Pires Beaune a déposé en 2020 une proposition de loi.
Cette proposition de loi fait le constat d’un début de retour à la société de rentiers que l’on a pu avoir au XIXe siècle et à la Belle Époque. Cela s’explique par plusieurs facteurs mais surtout par l’augmentation des politiques en faveur de la détention du capital à commencer par la suppression de l’ISF en 2017 par le gouvernement en place. La mise en œuvre d’un impôt proportionnel (flat-tax) sur les revenus du capital a favorisé une évolution en ce sens. De ce fait, les bénéficiaires de ces allègements de charge ont été les catégories les plus aisées de la population.
La part des rentiers dans la population française augmentera s’il n’y a pas de lutte contre la concentration des richesses. Elle représente d’ores et déjà 12 % des individus nés dans les années 1970 (les rentiers étant des individus recevant plus en héritage que ce que la plupart des Français perçoivent en une vie de travail.) La question a une forte dimension idéologique qui favorise l’échange d’arguments non corrélés à la réalité. Ainsi, certains affirment que la fiscalité des transmissions en France pourrait favoriser le départ des plus hauts revenus dans des pays ayant une fiscalité privilégiée. Pourtant, en Suisse ou aux États-Unis, l’imposition successorale varie entre les cantons ou les États. Or, il n’y a pas de migrations massives vers les régions plus intéressantes fiscalement.
C’est donc dans l’objectif de réduire les inégalités de destin que cette réforme avait été proposée à l’Assemblée nationale en 2020.
Si la question de la modification des droits de transmission est largement portée par les élus politiques, il faut souligner que l’OCDE réalise, elle aussi, un travail important sur le sujet et s’est posé la question de comment faire évoluer le droit des successions.
Les idées de droite pour faciliter la détention de patrimoine par les plus aisés
On trouve un exemple de volonté de réduire de façon drastique les droits de transmission dans le programme de Valérie Pécresse pour l’élection présidentielle de 2022. Sa mesure phare était de faciliter les donations, avec la possibilité de transmettre 100 000 euros tous les 6 ans sans qu’il n’y ait d’impôt à payer pour le bénéficiaire. Rappelons qu’actuellement, il n’est possible de transmettre cette somme que tous les 15 ans.
Les députés Les Républicains avaient déposé une proposition de loi en ce sens pendant la précédente mandature pour alléger les droits de successions et de donations. Ils faisaient le constat que l’imposition des transmissions allait jusqu’à 45 % en ligne directe, et que la France était le troisième pays du monde en termes de taxation de ces revenus. Cette proposition de loi considérait aussi que l’abattement en ligne directe pour les successions était très faible comparé à certains autres pays : 100 000 euros en France entre parents et enfants, alors qu’il est de 11 200 000 euros aux États-Unis. Ils argumentaient en soulignant que cette fiscalité importante sur les donations dissuade la transmission intergénérationnelle de patrimoine et empêche d’entreprendre ou d’investir. Pourtant, dans le même temps, la Banque de France estimait à plus de 157 milliards d’euros le surplus d’épargne à la date du 7 septembre 2021. Cela ne valorise pas les valeurs de filiation ni de transmission.
Si la volonté de réduire les droits de transmission est réelle, certains souhaitent aller plus loin en supprimant totalement ces droits.
Propositions
Face à ces constats, il est donc important de porter des propositions fortes pour réduire les inégalités. L’idée d’un patrimoine républicain, versé à chaque français lors de sa majorité est une solution. Il permettait de réaliser un stock patrimonial à chaque citoyen, avec la possibilité d’utiliser cette somme de la manière qu’il souhaite, son utilisation étant libre et inconditionnelle. La somme diffèrerait en fonction des situations des citoyens :
- 10 000 euros à chaque citoyens ;
- 20 000 euros pour les jeunes issus d’un foyer de pauvreté ;
- 30 000 euros pour les pupilles de la nation.
Pour financer cela, il serait possible de mettre en place une réforme du droit des transmissions et des donations. Actuellement, le délai de reprise est de 15 ans, et s’applique par binôme donateur/donataire. Nous proposons un rappel fiscal à vie, avec un abattement de 300 000 euros sur l’ensemble des successions ou donations que la personne touchera au cours de sa vie et ce, quel que soit le lien de parenté entre le défunt et l’héritier. De plus, le barème de taxation des transmissions serait unifié comme suit :
Nouveau barème du droit des transmissions |
|
Fraction de part nette taxable |
Tarif applicable |
Jusqu’à 300 000 € |
0 % |
Entre 300 000 € et 1 100 000 € |
30 % |
Entre 1 100 000 € et 1 900 000 € |
45 % |
Au-delà de 1 900 000 € |
60 % |
L’objectif de cette réforme n’est pas budgétaire, il a pour objectif de contrer l’augmentation de la part des rentiers au sein de la population française. Autre point important l’alignement de la fiscalité de l’assurance-vie sur celle du droit commun. De fait, l’assurance-vie est un actif très prisé notamment des ménages les plus aisés. Les 1 % les plus riches détiennent un quart des encours. Cette fiscalité privilégiée bénéficie donc aux personnes les plus aisées, comme le montre le graphique ci-dessous. C’est ainsi que les actifs exonérés comme l’assurance-vie ont permis de réduire de 6 points de pourcentage le taux d’imposition des successions du millime supérieur (C99,9).
De plus, il semble important de revenir sur le mode de taxation des plus-values latentes. En effet, lors d’une succession ou d’une donation, les plus-values ne sont pas taxées et ne le seront qu’au moment de la revente de l’action. Cependant, lors du calcul de la plus-value, il faut soustraire le montant de la vente à celui de l’action au jour de la succession. La valeur historique (lors de l’achat de l’action) est effacée. De ce fait, il faudrait alors soit :
- Taxer la plus-value au moment de la succession (prix de vente - prix d’achat historique) ;
- Taxer au moment de la revente de l’action mais en partant du prix historique, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Par exemple, une action est achetée 10 euros en 2006. Au moment de la succession, en 2020, elle vaut alors 50 euros, et est vendue en 2022 pour 100 euros.
- Avec la loi actuelle, la plus value taxable est de 50 euros (100 - 50) ;
- Avec la nouvelle réforme elle sera de 90 euros (100 - 10) ;
Pour finir, nous soutenons la remise en place de l’ISF, pour des raisons de justice sociale, qui génèrerait 3 milliards d’euros supplémentaires par rapport à l’IFI (5,3 milliards pour l’ISF en 2017, contre 2,3 milliards pour l’IFI en 2022).
Agir
- Améliorer la justice sociale et éviter le retour à une société de rentiers ;
- Taxer d’avantages les hauts revenus ;
- Mettre en place un patrimoine républicain versé à la majorité ;
- Réinstaurer l’ISF ;
- Mise en place d’un rappel fiscal à vie ;
- Aligner la fiscalité de l’assurance vie sur celle du droit commun ;
-
Réformer la taxation des plus-values latentes.
Contributeurs : Augustin Lechat-Blin, Jean-Noël Vieille, Théo Iberrakene, Alexandra Jardin, Alizée Ostrowski, Paul Degruelle.