Thème : Agriculture
Concilier les impératifs agricoles et les nécessités écologiques.
(Réconcilier les paysans et les écolos)
Depuis toujours, le rôle premier d’un état est d’assurer la sécurité alimentaire de la population.
L’agriculture est tributaire du climat. Sa production est saisonnière. Stocker les récoltes pour pouvoir assurer la soudure entre deux récoltes et protéger le commerce pour échanger les produits entre région aux potentiels différents sont deux interventions essentielles des états.
Ces deux fonctions sont qui sont aujourd’hui dévolues à l’Europe sont mise à mal, alors que l’agriculture doit faire face aux bouleversements que sont le réchauffement climatique et l’instabilité du commerce mondiale.
Les stocks de reports des céréales au niveau européen ne sont que de 20% de la récolte annuelle, et au niveau mondial de 30%. Ces stocks représentent la marge de sécurité en cas de mauvaise récolte. Nous vivons l’ère des flux tendus. Au temps de Colbert, les bateaux de céréales circulaient sur les canaux de France d’une région à l’autre en fonction des sécheresses locales, Et aujourd’hui, ils circulent sur les océans allant d’un continent à l’autre en fonction des perturbations climatiques d’ici et de là bas. On comprend le problème que représentent les risques actuels de la navigation en mer noire et en mer rouge. Cette navigation est vitale pour le commerce mondial et la sécurité alimentaire de la planète.
Avec le réchauffement climatique et les perturbations que celui-ci engendre, l’enjeu écologique est devenu absolument majeur. Jusqu'à présent, les paysans ne s’étaient jamais posé de questions sur la durabilité de leur pratique. Il ne faut pas mystifier l’agriculture d’autrefois qui a été responsable de nombreuses catastrophes écologique : l’érosion des sols arables (comme nous le rappelle le port ensablé de Narbonne), la baisse de leur fertilité, la déforestation excessive. Nombre de civilisations ont disparu en raison de l’épuisement des ressources sur lesquelles étaient appuyée leur agriculture. L’intensification de ces 60 dernières années a été permise par l’utilisation massive des énergies fossiles. Et elle a encore accentué ce phénomène d’érosion et d’appauvrissement de la fertilité des sols. Mais pour la première fois peut-être dans l’histoire nombre de paysans et d’agronomes, s’interrogent sur la durabilité de notre agriculture.
L’agriculture est bien sur tributaire du climat et de la géographie. Mais on se rencontre de plus en plus que l’agriculture à aussi une influence en retour sur le climat. Il n’est pas besoin aujourd’hui de prouver l’influence sur le climat du développement de l’agriculture amazonienne qui se fait au détriment de la forêt. Plus prêt de nous, des chercheurs ont montré que la canicule est accentuée dans les régions de monoculture du blé, car ces champs évaporent que très peu d’eau en été alors qu’elles sont atténuée la ou trône le maïs car cette plante évapore des quantités importantes d’eau dans la journée, ce qui a un effet rafraichissant. La présence de haie à aussi un effet important.
Les agricultures européennes sont très diverses, l’agriculture Française en particulier, et même celle de notre belle région Occitanie : Une agriculture unipersonnel, et quelque fois encore familiale ou une agriculture d’investisseur avec de nombreux emplois salariés et encore une agriculture d’entrepreneur qui travail pour le compte d’autres agriculteurs ou de pseudo-agriculteurs. Une agriculture de produits de qualité, ou une agriculture de « matière première ». Une agriculture qui commercialise elle-même ou une agriculture qui adhère à des structures de metteurs en marché. Cette disparité se retrouve aussi dans les revenus. Certains sont en dessous du smic et d’autres au niveau d’un cadre supérieur. Ces ecartssont très certainement un des moteurs essentiel de la révolte paysanne récente.
Le défit est immense : résister au changement climatique, assurer une bifurcation vers des pratiques durables, se passer des énergies fossiles qui sont aujourd’hui un facteur de production essentiel, assurer aux Français et aux européens une alimentation suffisante et de qualité, préserver notre capacité exportatrice. Et il ne reste aujourd’hui de 420000 agriculteurs et 800000 autres actifs agricole. Quand le reste de la population n’a que des notions très vagues et quelquefois très erronés du travail de la terre, de la culture et de l’élevage.
De plus les moyens à mettre en œuvre pour cette bifurcation sont controversés : faut-il plutôt changer les techniques culturales et notamment arrêter les labours pour éviter l’érosion des sols et donc continuer l’emploi de désherbant, ou au contraire revenir à des techniques plus traditionnelles afin de limiter leur emploi ? Faut-il stocker l’eau l’hiver pour en disposer pendant l’été ou au contraire, laisser les zones humides et les nappes phréatique faire leur travail et changer les assolements en privilégiant les cultures d’hiver ? Faut-il interdire l’élevage intensif (dit industriel,) au risque de devoir importer la production manquante ? Faut-il privilégier la vente directe et les circuits courts ou au contraire adhérer à un groupement de producteur et exporter ? Faut-il respecter le cahier des charges d’un signe de qualité ou privilégier l’expérimentation de nouvelles pratiques ?; Faut-il préserver les espaces naturels hors de la présence de l’homme ou réguler les populations de prédateurs, tel que le loup ou L’ours ?
A tout cela s’ajoute les tensions existant entre les agriculteurs et le reste de la population citadine ou rurale qui est souvent choquée par certaines pratiques comme l’épandage ou la pulvérisation.
Les controverses actuelles sont multiples et certaines aboutissent à des impasses démocratiques, qui ont déjà entrainé des drames. Le département du Tarn est particulièrement concerné par ces controverses notamment autour du projet de barrage sur le Tescou, et la réalisation de l’autoroute A69.
Les positions intransigeantes ne font pas avancer, bien au contraire. Une agriculture durable, c'est-à-dire sans utilisation d’énergie fossile, qui préserve les sols voire restaure leur fertilité, qui permet d’assurer la sécurité alimentaire de la population, qui donner une vie décente à ses actifs, cette agriculture n’est aujourd’hui qu’à l’état débauche. Elle ne pourra se développer que par la mobilisation des acteurs actuels de l’agriculture. Or on assiste aujourd’hui à une crispation du débat comme le montre la poussée du syndicat « la coordination rurale », qui manifeste son opposition au pacte vert de l’Union Européenne et à tout ce qui ressemble à un écologiste.
La bifurcation écologique indispensable ne pourra pas être imposé par le haut, ce serai prendre le risque d’une nouvelle révolte paysanne, et de rater le but recherché car le problème de cette bifurcation est éminemment complexe comme le sont toutes les pratiques autour du vivant.
A mon avis, se sont des compromis multiple qui permettront le développement de solutions durables comme l’a toujours été le développement des pratiques agricoles. Par exemple, historiquement le labour a malmené la vie microbienne des sols et accentué leur érosion, mais il a été pendant très longtemps la meilleure technique de désherbage.
Les techniques agricoles ont toujours nécessité des compromis.
Je pense qu’il faudrait développer cette pratique du compromis également sur le plan sociale et environnemental. Sur ce dernier point, il serait souhaitable que toutes et tous acceptent d’emblé le débat démocratique afin d’aboutir aux compromis nécessaires. De ce point de vue le recul actuel de la fédération des exploitant, est peut- être bénéfique si elle permet une respiration plus démocratique entre les différents acteurs de l’agriculture s’élaborer.
J’ai la conviction que ce sont les agriculteurs sur le terrain, chefs d’exploitation, ou gérant, ou autres statuts, qui sont les mieux placés pour chercher et trouver des solutions. Une agriculture à taille humaine me semble avoir plus d’atout ?
Si le compromis est quelque chose de familier dans les pratiques agricoles, il n’en est pas de même dans la sphère sociale et surtout politique. Pourtant je le pense consubstantiel à la social-démocratie qui diffère par là de la vision marxiste du socialisme. Marx n’a pas découvert la lutte des classes. D’autres avant lui l’avait expliqué. Son idée principale était que la lutte des classes aboutirait inévitablement à la destruction de la classe bourgeoise et à la dictature du prolétariat. Donc dans son esprit, aucun compromis n’est envisageable, il serait forcement compromission. Au delà de l’échec des sociétés communistes, où les classes sociales et les inégalités demeuraient de manière encore plus criantes, c’est encore cette vision philosophique perverse qui explique en partie le sectarisme de la France Insoumise.
La société aujourd’hui ne se résume pas à l’opposition patrons/ouvriers, elle est traversé d’intérêt très divers et quelque fois contradictoires. C’est ce que doit prendre en compte la social-démocratie si on veut progresser sur la voie d’une société plus juste, plus sociale et plus fraternelle. Favoriser la recherche de compromis entre ces différents intérêts contradictoires doit être notre boussole.
Pour finir, je voudrais citer quelques pratiques agricoles qui illustreront mon propos :
- Il n’y a pas toujours concordance entre l’agriculture bio, (ne pas utiliser de produits chimiques de synthèse) et l’agro-écologie (aller vers une agriculture durable).
- Dans les vignes de Gaillac, la pratique maintenant généralisée de l’enherbement de l’inter rang, voire la culture d’engrais vert permet de favoriser la vie microbienne du sol et d’inverser la courbe de l’appauvrissement des sols viticoles en humus sans importer d’amendement ; elle évite aussi l’érosion du au travail du sol ; mais cette pratique nécessite un désherbage sous le rang que L’interdiction du glyphosate remettrait en cause.
- La pratique des semis direct, derrière la culture précédente, favorise la vie microbienne et le développement des vers de terre mais là aussi nécessite d’utiliser un désherbage au minimum une année sur trois.
- Un prix ne se décrète pas par ordonnance, Il est le résultat d’un travail d’organisation du marché, a la fois par la transparence de celui-ci, par les maitrise des quantités mis en marché, et dans le cas de produit labélisé de la qualité résultant d’un cahier des charge et de sa promotion. dans cette construction du prix, les interprofessions ont un rôle primordial, à condition qu’elles soient réellement représentatives.
- Le développement de l’agriculture bio sans réel contrôle des volumes produits notamment en lait, a déstabilisé ce marché mettant de nombreux producteurs en grande difficulté.
- Il me parait nécessaire d’introduire plus de régulation dans la politique agricole commune de l’Union Européenne. Sans remettre en cause la nécessité du commerce international, on peut des clauses de protection : des clauses miroir, des quotas d’importation)
- L’Office Français de la Biodiversité est décrié par beaucoup d’agriculteur et maintenant même par certains politiques. Son rôle est pourtant capital et il faudrait soutenir le rôle pédagogique que ses agents.
Pour finir n’oublions pas qu’une mesure n’est efficace que si une grande majorité de la population l’approuvent. la coercition ne peut s’appliquer qu’a une très petite minorité.
Et Il resterait un point capital à traiter : alors que près de la moitié des exploitations n’ont pas de successeur, comment permettre à des jeunes de s’installer hors cadre familial.
Cette modeste contribution n’est qu’une ébauche. Elle demande à être confrontée à d’autres points de vue. il me semble impératif reconstruire un lien entre le point de vue écologique et la profession agricole. Cette dernière est centrale dans l’alimentation et dans l’espace rurale et elle me semble incontournable.
Alain Boullenger 3 Avril 2025
Contributeurs : Alain Boullenger, Vigneron retraité, Section de Lisle sur Tarn
Francine Bosc, Enseignante retraité, section de Lisle sur Tarn