Confiance et efficacité ! Pour l’enseignement supérieur et la recherche


Thème : Enseignement supérieur et recherche


L’importance et la nécessité de l’Enseignement Supérieur et la Recherche ne sont plus à démontrer : répondre aux enjeux économiques de transformation du système productif de notre pays et des besoins de formations qui s’ensuivent, écologiques pour faire face aux nouveaux défis climatiques, démocratiques pour assurer que la raison et la capacité de débattre soit la chose la mieux partagée dans notre pays, de justice et d’émancipation sociale, de développement et de sécurité de l’emploi. 

Alors que ce constat est su et reconnu, l’université et la recherche sont aujourd’hui, en France, en souffrance. Les politiques budgétaires et les réformes des six dernières années ont toutes eu comme résultat une aggravation de la situation des étudiants, un épuisement général des enseignants chercheurs, ainsi qu’une crise dans la définition des buts et des modalités de la recherche. 

Il faut d’urgence revenir sur cette politique mortifère. Ce n’est pas uniquement une question de lois – personne ne conteste que les étudiants doivent être orientés, que les budgets doivent être tenus, la recherche pilotée mais c’est avant tout une question de confiance. Le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche doit devenir une ressource pour les universités et centres de recherche publics, un lieu d’où émane une politique positive marquée dans son ensemble par la confiance accordée aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs. Ce sont eux qui font chaque jour l’université de demain : leur faire confiance, c’est garantir l’efficacité de leur action.

Fondamentaux d’une politique socialiste pour l’enseignement supérieur et la recherche 

Dans une perspective conforme aux valeurs socialistes, l’enseignement supérieur et la recherche devraient : 

- assurer l’accès à l’enseignement supérieur de tous les jeunes qui le souhaitent ; contribuer à la formation des adultes tout au long de leur vie ; 

- maintenir ou conforter la place de l’université française dans l’Europe et le monde ; en assurer son rayonnement intellectuel et affirmer ses valeurs ; accueillir les étudiants étrangers qui voient dans l’université française un espoir de formation conforme à leurs valeurs démocratiques et laïques ; 

- assurer aux étudiants d’être accompagnés sur tout leur parcours y compris lors d’une réorientation en fonction de leurs intérêts et de leurs capacités ; 

- assurer aux enseignants-chercheurs des conditions de travail dignes, efficaces et épanouissantes ; 

- mettre à la disposition du monde économique et social les connaissances et les expertises de plus haut niveau dans tous les domaines 

  1. I) Donner confiance aux étudiants pour leur propre réussite

Faire des études supérieures constitue un choix implicant de consacrer trois, cinq ou dix ans à un effort intellectuel, personnel et financier, un investissement parfois risqué, qui in fine profitera à la fois à l’adulte que sera devenu l’étudiant, mais aussi à toute la collectivité. C’est pourquoi nous devons les aider à traverser avec succès les années d’enseignement supérieur. 

Or, depuis 5 ans, la plateforme ParcoursSup telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, associée à la réforme du lycée, a accentué l’insatisfaction des bacheliers. Conçue comme une pure mécanique de gestion des flux déconnectée des désirs des élèves, elle laisse 30% des lycéens insatisfaits des formations obtenues et éjecte du système 110 000 néobacheliers. 

Trouver leur voie 

Choisir une voie professionnelle ou une spécialité au moment d’entrer dans le supérieur est, aujourd’hui, pour la plupart de celles et ceux qui y sont confrontés, une véritable épreuve, aggravée par la récente réforme du lycée qui oblige de très jeunes gens à choisir leur voie sans véritable possibilité de revenir sur leur décision. 

Mesure 1 : Redonner la compétence de l’orientation dans le secondaire à de vrais professionnels du service public connaisseurs des filières et des formations.

Une orientation lisible 

Un système d’orientation global doit être rétabli car il offre dans son principe des opportunités égales à tous les élèves mais les critères de choix des formations et les algorithmes doivent être beaucoup plus clairs et rendus publics afin de restaurer la confiance. 

Nous croyons qu’écouter et laisser le choix des études à celles et ceux qui vont les mener doivent primer sur la nécessité de remplir les rangs de formations. Leur désir doit redevenir le moteur de leur orientation ; il est même le seul chemin de leur réussite. 

Prévoir des dispositifs de réorientation 

L’orientation doit se poursuivre une fois l’entrée dans les études supérieures réalisée et permettre aux étudiants de découvrir progressivement la voie de leur réussite. 

Les premiers cycles à l’Université apportent précisément ce dont les futurs travailleurs et citoyens auront le plus besoin : savoir écrire, argumenter, raisonner. Que la discipline soit la biologie, la sociologie, une langue ou l’histoire, ce sont ces compétences générales qui, adossées à la particularité d’une discipline, sont enseignées. Changer de filière peut avoir 

des conséquences sur l’individu et pour la collectivité mais elle coûte moins cher que d’abandonner ses études ou recommencer à zéro. 

Mesure 2 : Transformer profondément Parcours Sup en donnant aux étudiants le choix de leurs études et de leur avenir 

Permettre aux enfants des classes moyennes et populaires d’avoir accès à l’enseignement supérieur 

Alors que près de 90 % des élèves dont les parents appartiennent au décile le plus élevé des revenus accèdent aux études supérieures et que cette proportion baisse à 35 % pour celles et ceux issus de familles modestes, la vocation de la gauche est de faire accéder et réussir les enfants des classes populaires et moyenne. 

Les coûts pour l’inscription dans l’enseignement public supérieur doivent rester modérés, assortis d’un système de bourse juste et efficace. Le coût de la vie étudiante (logement, repas, loisirs, santé) doit être ajusté au coût de la vie réelle. Les résidences étudiantes doivent être développées, rénovées, accessibles ; un suivi psychologique et médical doit également voir le jour. 

Mesure 3 : Pour réduire les inégalités d’accès à l’Université, ouvrir 150 000 places supplémentaires dans l’enseignement supérieur[1] ; ces places supplémentaires pourraient être réparties chaque année en fonction de l’appétence des étudiants pour les formations et en fonction des besoins du marché de l’emploi. 

Mesure 4 : Afin de permettre l’accès aux enfants des classes populaires et moyennes, revaloriser les bourses, élargir le socle des bénéficiaires et améliorer l’accès au logement étudiant pour les étudiants des classes populaires et moyennes. 

Accueillir les étudiants étrangers

Il faut avoir une véritable politique de l’accueil des étudiants étrangers et accueillir généreusement ceux qui sont inspirés par notre modèle de démocratie et de laïcité. 

  1. II) Faire confiance aux enseignants-chercheurs

Les enseignants-chercheurs sont un véritable atout national au vu de leurs compétences accumulées : ils méritent de bénéficier de notre confiance. 

Sur le plan scientifique, ce sont eux qui connaissent l’avenir de leur discipline ; sur le plan pédagogique et la vie de leurs étudiants, ce sont eux qui sont au contact permanent de jeunes filles et jeunes gens dont la culture, la formation, les aspirations changent extrêmement rapidement ; sur le pilotage de l’université, ce sont eux qui à travers les instances élues – et non pas des bureaux d’étude extérieurs – savent comment évoluent les universités dans le monde et quelle place doit et peut y occuper l’université française. 

Un statut spécifique à respecter 

L’essence même de l’université est de mettre les étudiants au contact des conceptions les plus récentes de disciplines en transformation permanente. C’est pourquoi nous continuons de défendre un statut des enseignants-chercheurs qui associe dans une même personne l’enseignement et la recherche. 

Les libertés académiques sont la condition immédiate de l’efficacité de la recherche et de la délivrance d’un enseignement du meilleur niveau. Elles sont aussi la condition de la liberté de créer, d’inventer, de critiquer, de faire évoluer les paradigmes de la connaissance et doivent être protégées vis à vis de toutes les menaces, d’où qu’elles viennent. Dans le domaine des sciences humaines nous serons vigilants vis à vis des paniques morales créées pour remettre en cause des domaines de recherche entiers. Une société démocratique a besoin de s’appuyer sur une pensée critique pour penser les défis auxquelles elle est confrontée. 

Mesure 5 : Défendre le statut spécifique d’enseignants-chercheurs.

Mesure 6 : Ne pas remettre en cause des domaines de recherche entiers.

Renforcer les pôles administratifs des universités 

Faute de services administratifs de qualité et de quantité suffisante dans les universités, les enseignants-chercheurs ont dû assurer un grand nombre de tâches administratives dans des conditions difficiles, dégradant de ce fait leurs conditions de travail. 

Il faut au contraire leur laisser le temps de travailler, c’est-à-dire de faire de la recherche et d’enseigner et assurer des services administratifs dotés de cadres dirigeants bien formés, de services informatiques disposant de ressources nécessaires…

Des conditions de travail à restaurer 

Il faut cesser d’imposer aux étudiants comme aux enseignants des conditions de travail qui ne seraient acceptées dans aucun autre contexte professionnel. La distinction entre universités d’excellence et « autres » aboutit à des financements et donc des conditions de travail anormalement disparates et dans certains cas tout à fait inacceptables 

Les bâtiments doivent répondre aux exigences de rayonnement que l’Université française porte : leurs rénovations thermiques et énergétiques à l’aune de la bifurcation écologique sont nécessaires, leurs coûts de fonctionnement et d’entretien assurés dans des plans pluriannuels. 

Les personnels contractuels : mettre fin à la précarité 

Le corps enseignant dans les universités comprend aujourd’hui en France un grand nombre de contractuels. C’est un atout qui permet de financer la recherche des jeunes chercheurs inscrits en thèse, de les soutenir dans le processus d’entrée dans la vie académique professionnelle. Les unités d’enseignement peuvent aussi s’attacher de cette façon les services de professionnels (avocats, ingénieurs, spécialistes … ) dont l’expertise est précieuse. 

La mise en œuvre actuelle dans l’université française en fait au contraire une source de difficulté. La multiplication des contrats très courts et très mal payés, encadrés par des conditions réglementaires excessivement contraignantes, crée une précarité inadmissible chez les jeunes chercheurs. Aucun pays ne devrait transformer en intellectuels précaires ceux qui portent l’avenir scientifique du pays. Par ailleurs, les conditions de rémunérations des professionnels qui apportent leur concours à l’enseignement supérieur sont en train de décrocher vis-à-vis des salaires réels dans le pays. 

Mesure 7 : Créer 1 000 postes d’enseignants-chercheurs ; réajuster les conditions de rémunérations des contractuels et leur donner un cadre réglementaire réaliste et fonctionnel ; développer les services administratifs des universités 

Un mode de pilotage des universités à réviser 

L’application de la RGPP doit être revue. Le budget global de l’université et la recherche doit être pensé comme un accompagnement positif pour les universités et centres de recherche dans un contexte associant inflation, crise énergétique et mutation des modes de production et de transmission du savoir. 

La numérisation des enseignements et l’enseignement à distance doivent être pensés au bénéfice des étudiants et sans sacrifier leur présence à l’université dont il est prouvé qu’elle est indispensable à leur réussite. 

L’autonomie des universités doit devenir un moyen de leur réussite et non un outil de contrôle budgétaire déconnecté de leurs besoins réels.

Enseignement supérieur et recherche dans l’aménagement du territoire 

La puissance publique se doit d’avoir une vision sur la répartition des centres de formations et d’enseignement supérieur sur l’ensemble du territoire et éviter les « déserts académiques ». 

La présence de lieux d’enseignement supérieur équitablement répartis sur l’ensemble du territoire garantit une pensée vivante, une diffusion du savoir pour étudiants et adultes en formation tout au long de la vie. A l’heure où la science et la raison sont concurrencées par les fake news et les croyances infondées, il est primordial qu’un accès de proximité à toutes formes d’enseignement supérieur soit assurée ; la lutte contre l’extrême-droite en dépend aussi. 

Mesure 8 : Ne pas créer de déserts académiques et répartir l’offre de formation sur le territoire 

III) Avoir confiance dans la Recherche 

La recherche académique a d’abord besoin de liberté : celle de fixer ses objectifs, de concevoir les moyens de les atteindre et responsabilité quant à l’utilisation de ses résultats. 

Redéfinir la recherche sur contrat 

La recherche sur contrat s’est au cours des trente dernières années presque entièrement substituée à la recherche sur fonds récurrents. Il faut préserver un secteur de recherche sur fonds récurrents et ne pas abandonner des secteurs entiers parce que, momentanément, ils ne semblent pas produire les résultats escomptés. 

Nous voulons un rééquilibrage des efforts de recherche au profit de la recherche fondamentale. C’est d’elle que naîtront les innovations disruptives qui permettront à la prochaine génération de vivre mieux. 

Multiplier les contrats trop courts fragmentant le temps du chercheur ou ne laissant pas à la recherche le temps de la maturation. Exercice délicat, le pilotage de la recherche doit à la fois associer au maximum les chercheurs et laisser la place à l’imprévu, à l’inattendu, au marginal. 

Il faut aussi mettre fin aux pratiques systématiques d’appel à projet. 

Les organismes nationaux de recherche, loin d’être uniquement des « agences de moyens » remplissent un rôle indispensable de mutualisation des équipements les plus sophistiqués, de structuration nationale, de coordination et de coopération avec leurs alter-ego étrangers. 

Enfin la recherche aujourd’hui s’effectue dans des partenariats internationaux associant souvent laboratoires de diverses disciplines, industriels, centre d’innovation, … Longues et délicates à monter, ces associations sont souvent le fruit de relations vieilles de plusieurs années dans lesquelles seules de grandes universités peuvent investir. Un effort tout

particulier est nécessaire pour que les contrats européens soient rendus accessibles à des laboratoires de taille moyenne qui, faute de soutien spécialisé, renoncent souvent à concourir. 

Mesure 9 : Rééquilibrer les efforts de recherche en faveur de la recherche fondamentale 

CAE, Décembre 21 – les auteures Gabrielle Fack et Élise Huillery chiffre dans leur note cette hausse de dépenses à 5,4 Milliards d’euros, soit l’équivalent de… 0,2 % du PIB. 


Les signataires :

Catherine Lavenir, Ancienne Rectrice de l’Académie de Martinique, militante de Paris

François Comet, Secrétaire National Adjoint aux questions européennes

Marine Rosset, membre du Conseil National, PS75 


 

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