Depuis plus de deux mois maintenant, la Martinique connaît une mobilisation citoyenne contre la vie chère, marquée par une colère sociale inédite sur cette île. Hier après-midi, à Paris, plusieurs milliers de manifestants ont marché jusqu’au ministère des Outre-mer en soutien à ce mouvement.
Cette mobilisation fait suite à des mouvements de forte contestation contre la vie chère ces dernières années en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique déjà, à Mayotte ou encore à La Réunion. Ces manifestations cycliques témoignent d’un profond sentiment d’injustice.
Si l’on se focalise uniquement sur le volet alimentaire, les écarts de prix pratiqués dans l’Hexagone et dans les départements d’Outre‑mer atteignent des niveaux vertigineux : +42 % entre la Guadeloupe et la France hexagonale, +40 % pour la Martinique, +39 % pour la Guyane, +37 % pour La Réunion et +30 % pour Mayotte.
La cherté de la vie dans les territoires dits d’Outre‑mer, couplée à une situation de précarité sociale d’une partie importante de la population ultramarine forme un cocktail explosif qui met à mal la cohésion sociale et la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics.
Si nous avons obtenu de premières victoires lors des débats budgétaires en adoptant plus de 815 millions de crédits supplémentaires sur la mission Outre-mer, nous savons qu’elles peuvent à tout moment être balayées par le gouvernement. Or, dans le combat contre la vie chère, les Ultramarins ne veulent plus de promesses sans suite ni d’accords sans effet réel. Ils exigent des mesures concrètes et immédiates.
C’est le sens de la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer, déposée par les députés socialistes et apparentés. Ce texte sera inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dans le cadre de notre journée réservée, le jeudi 12 décembre prochain.
Cette proposition de loi fait suite à la commission d’enquête initiée par les députés socialistes et apparentés en 2023, qui a confirmé que la différence de prix avec l’hexagone n’est pas liée à une réalité économique inévitable, mais bien souvent à des pratiques commerciales abusives, permises par des monopoles de fait, des ententes tacites, une diversité biaisée d’acteurs qui ne se font pas réellement concurrence.
Ainsi, nous proposons de réglementer les prix en rendant effectif le bouclier qualité prix (BQP) afin d’obtenir des prix sur des biens de première nécessité et de consommation courante équivalents à ceux pratiqués en moyenne dans l’hexagone.
Concrètement, l’État fixera, dans le cadre des négociations sur le bouclier qualité prix (BQP), un objectif de diminution des prix des produits de première nécessité et consommation courante de l’ordre de 40% au regard des prix pratiqués en hexagone. Aujourd’hui, aucun objectif clair n’est fixé en amont de ces négociations. En l’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations, le préfet réglementera les prix sur la base des prix les plus bas pratiqués dans l’hexagone.
Deuxièmement, nous voulons faire la transparence sur les prix. Connaître les marges et les revenus des différents acteurs économiques est essentiel à la compréhension de la cherté de la vie en Outre‑mer et donc au contrôle des prix. Nous proposons de renforcer les sanctions en cas de non‑publication des comptes par les sociétés, qui est aujourd’hui une obligation trop peu respectée.
Enfin, nous voulons lutter contre la formation de monopoles ou d'oligopoles, en partie à l'origine de la cherté de la vie dans les territoires ultramarins. Pour cela nous proposons que l’Autorité de la concurrence examine l’ensemble des projets de rachat et fusion supérieurs à 5 millions d’euros, contre 15 millions aujourd’hui, dans tous les secteurs économiques pour lutter contre les situations monopolistique, duopolistique ou oligopolistique.
Nos territoires dits d’Outre-mer ne sauraient être plus longtemps captifs d’un modèle économique et social hérité de l’époque des colonies où ces dernières avaient vocation à ne servir que « la métropole » et à ne s’alimenter que du marché « métropolitain ». Il en va de la paix sociale et civile durable dans ces territoires de la République, du développement de leurs économies et surtout de la capacité d’émancipation humaine et sociale des populations qui les habitent.