Contribution fédérale sur la sécurité et la prévention de la délinquance


Thème : Réflexion militante


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Introduction

 

La sécurité est un droit fondamental, trop souvent oublié dans les débats de gauche, mais pourtant au cœur des attentes citoyennes. Elle ne peut être pensée sans être adossée à la justice sociale, à l’égalité des droits, à l’équité territoriale. Elle suppose un engagement clair et volontariste de l’État dans ses fonctions régaliennes, à savoir garantir la tranquillité publique, protéger les biens et les personnes, et prévenir les atteintes à l’ordre social.

 

Le Parti Socialiste (PS) revendique une position d’équilibre : refuser le tout-répressif porté par la droite et l’extrême droite, mais aussi se démarquer d’une vision parfois angélique ou naïve d’une certaine gauche. Dans un contexte marqué par la défiance démocratique, les violences sociales ou politiques, et une montée du repli sur soi, le PS propose une alternative républicaine, responsable et efficace. Cette approche exige lucidité, courage politique et sens du réel.

 

 

Constats

 

  1. Une violence en augmentation, un sentiment d’insécurité renforcé

 

Les données statistiques, bien que parfois instrumentalisées, montrent une augmentation des violences, en particulier intrafamiliales, sexuelles ou liées au trafic de stupéfiants. Les coups et blessures volontaires, notamment dans la sphère familiale, sont en hausse constante depuis plus d’une décennie.

 

Mais au-delà des chiffres, c’est le ressenti des citoyens qu’il faut entendre. Le traitement médiatique des faits divers, l’instantanéité des réseaux sociaux et la visibilité des actes de violence (agressions d’élus, émeutes, actes antisémites ou racistes) nourrissent un climat d’insécurité généralisée, y compris dans les zones rurales.

 

  1. Une justice plus sévère qu’on ne le croit

 

Contrairement à une idée reçue, la justice française est de plus en plus sévère. Le nombre d’années de prison ferme prononcées a presque doublé depuis 2000, et le taux d’incarcération est aujourd’hui dans la moyenne haute des pays européens. Pourtant, cette sévérité accrue ne produit pas les effets escomptés. En cause : une chaîne pénale sous-dimensionnée, incapable de juger à temps ou de suivre les condamnés.

 

  1. Une chaîne pénale engorgée et déséquilibrée

Chaque année, près de 4,5 millions de procès-verbaux sont dressés par les forces de l’ordre. Mais la machine judiciaire n’arrive pas à suivre : retards de jugement, correctionnalisation des crimes, tribunaux surchargés, surpopulation carcérale chronique. Le système pénitentiaire français est en état de saturation, avec des établissements dépassant 150 % de leur capacité.

  1. Les conséquences : lenteur, récidive et défiance Cette saturation provoque un triple échec :
    • Lenteur : des années peuvent s’écouler entre l’infraction et le jugement.
    • Récidive : plus de 50 % des sortants de prison récidivent, faute de suivi ou de réinsertion.
    • Défiance : les citoyens ne croient plus en la capacité de la justice à protéger ou à sanctionner. Cette crise de crédibilité nourrit le populisme et le repli sécuritaire.

 

 

Réponses et Propositions

 

  1. Replacer la prévention au cœur de la politique de sécurité

 

La prévention est la grande absente des discours sécuritaires actuels. Elle est pourtant essentielle pour garantir une paix durable. Il ne s’agit pas d’excuser les actes délinquants, mais de comprendre, anticiper, et agir sur leurs causes. La prévention doit mobiliser toute la société : familles, enseignants, éducateurs, associations, collectivités, travailleurs sociaux et forces de l’ordre.

 

Le PS prône une approche territoriale, appuyée sur la police de proximité et les partenariats locaux. L’objectif : intervenir en amont, repérer les signaux faibles, prévenir les ruptures, restaurer le lien social.

 

  1. Réaffirmer le rôle régalien de l’État

 

La sécurité est historiquement une compétence de l’État. Or, depuis plusieurs années, celui-ci se désengage, transférant sans le dire des responsabilités aux communes, sans moyens ni cadre clair. Résultat : inégalités croissantes entre territoires, tensions sur le recrutement des policiers municipaux, multiplication des initiatives privées (voisins vigilants, sociétés de sécurité, etc.).

 

Le PS défend une recentralisation coordonnée, avec un État garant de l’égalité républicaine, mais travaillant de concert avec les collectivités. Il appelle aussi à encadrer les dérives liées à la privatisation sécuritaire.

 

  1. Réformer en profondeur la chaîne police-justice-pénitentiaire

 

    1. Rattrapage budgétaire : La France investit moins dans sa justice que ses voisins européens. Il faut doubler le budget judiciaire sur 10 ans pour rattraper le retard structurel.

b)Déjudiciarisation intelligente : Certaines infractions mineures (première conduite en état d’ivresse,conflitsdevoisinage,infractionsadministratives)peuventêtretraitéesautrementque par le juge, afin de désengorger les tribunaux.

 

    1. Police de proximité : Revaloriser la présence de terrain, renforcer les groupes de partenariat opérationnel, restaurer la confiance entre population et institutions.

 

    1. Peines rénovées : Les peines alternatives doivent être visibles (communiquées publiquement), afflictives (impliquant des contraintes réelles), et effectives (avec un suivi renforcé). Le travail d’intérêt général ou les peines sous surveillance doivent être mieux dotées.

 

    1. Une prison utile : Le PS propose le numerus clausus inversé, où toute entrée en surnombre en prison impose une libération anticipée d’un détenu proche de sa fin de peine, sous conditions strictes.

 

    1. Lutte contre la criminalité organisée : Création d’un parquet national dédié aux réseaux mafieux, réforme du statut des repentis, stratégie de démantèlement économique du trafic.

 

 

Ouvertures et perspectives

 

  1. Dimension humaine de la sécurité

 

La sécurité ne doit pas être pensée uniquement comme un enjeu d’ordre. Il s’agit aussi de protéger les plus vulnérables, notamment les femmes (violences sexuelles, harcèlement), les personnes précaires ou les jeunes en rupture. La santé mentale, grande oubliée des politiques publiques, doit être intégrée à la réflexion sécuritaire.

 

Il faut aussi restaurer une relation de confiance entre citoyens et forces de l’ordre, par une formation renforcée, des outils de contrôle démocratique (organes indépendants, récépissés de contrôle), et une transparence accrue.

 

  1. Technologies et libertés

 

Le développement de la vidéosurveillance, des algorithmes prédictifs ou de la reconnaissance faciale pose des questions majeures de libertés publiques. Le PS plaide pour une vigilance active : pas d’outils automatisés sans cadre légal clair, sans contrôle parlementaire, ni garanties pour les citoyens.

 

  1. Délinquance financière : l’angle mort à combattre

 

La délinquance en col blanc reste peu poursuivie, peu visible, peu condamnée. Pourtant, elle coûte des milliards à la collectivité. Le PS propose un renforcement des outils de lutte contre la fraude fiscale, la corruption et le blanchiment, notamment par des conventions judiciaires d’intérêt public plus nombreuses et transparentes.

 

Conclusion

 

Le Parti Socialiste porte une vision de la sécurité à la fois républicaine, humaine et efficace. La sécurité ne doit pas être instrumentalisée par la peur, ni abandonnée par la gauche. Elle est un pilier de l’État de droit et du vivre-ensemble.

 

Réformer la sécurité, c’est :

  • Investir massivement dans la justice,
  • Prévenir avant de punir,
  • Sanctionner de manière cohérente,
  • Rendre la prison utile,
  • Protéger les libertés,
  • Restaurer la confiance.

 

Cette politique nécessite des moyens, du temps, et surtout un discours clair, incarné par les responsables politiques, relayé par les procureurs, expliqué aux citoyens. Face à la montée des extrêmes et à la fragmentation sociale, seule une gauche responsable, sociale et républicaine pourra proposer une voie de sécurité équitable et durable.


Contributeur : Dominique Raimbourg secrétaire fédéral à la justice, Driss Saïd secrétaire fédéral à la sécurité


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