Thème : Psychiatrie
Il y a en France plus de 12 millions de personnes qui vivent avec des troubles psychiques. Parmi elles, 3 Millions doivent bénéficier d’un accompagnement qui leur permette de rester durablement dans leur logement, d’éviter des ré-hospitalisations coûteuses et de faciliter ainsi leur retour dans la Cité.
Or, le coût d’une hospitalisation temps plein est de 650 euros/jour, tandis que la prise en charge en Résidence Accueil (voir ci-dessous) est de 18 euros
Résidence Accueil : certains adhérents de l’Union Nationale des Amis et Familles de Malades Psychiques, ou d’autres associations créent des maisons relais avec éducateurs, adossées à des SAVS (Services d’ Accompagnement à la Vie Sociale, non médicalisés, qui peuvent aider à l’insertion professionnelle, à la poursuite d’études…) et parfois avec un SAMSAH (avec quelques heures de psychiatrie) représentant ce qu’on appelle le logement accompagné, type de logement permanent pour malades psychiques stabilisés. Il y a parfois un Groupement d’Entraide Mutuel greffé sur certaines Résidences et quand elles ne sont pas médicalisées avec un SAMSAH, les patients sont suivis par un psychiatre libéral ou du pôle.
Ces Résidences sont prévues par les textes depuis une circulaire de novembre 2016 après une première circulaire de décembre 2002 créant les « Maisons Relais » qui s’adressaient à un public plus large, puis une circulaire d’avril 2017 relançant les Pensions de Famille (exclus, SDF…) et les « Résidences d’Accueil » et dotant chaque Région d’un certain nombre de places.
19 154 places de pensions de famille existaient au 1/6/2020 dont 3 944 en Résidence Accueil, et le gouvernement Macron a alors mis en place un programme « Logement d’abord » avec un objectif de 10 000 places supplémentaires dont un tiers en Résidence Accueil d’ici 2022. Seules, 1 200 places ont été créées chaque année en 2017 et 2018 et on comptait 23 952 places en pensions de famille au 31/12/2023 soient moins de 5 000 places créées depuis 2020 contre 10 000 prévues. La création de 10 000 places supplémentaires est de nouveau prévue pour la période 2023-2027.
L’UNAFAM demande à terme la création de 150 places en Résidence Accueil et 200 en habitat inclusif (logement personnel avec accompagnement) pour 100 000 habitants.
Hospitalisation psychiatrique : il faut savoir que 300 000 personnes sont hospitalisées à temps plein dans les services de psychiatrie chaque année dans des conditions souvent inhumaines avec des pratiques indignes…ou dignes du Moyen-Age et de la camisole de force : généralisation des mises en chambre d’isolement et sous entraves (patients entravés pendant des heures et parfois pendant des jours sur leurs lits), pas de soins psychothérapeutiques dignes de ce nom dans la plupart des établissements.., alors que la psychiatrie bénéficie de l’aide des psychotropes. Ceci est lié aux sous effectifs chroniques des services de psychiatrie et des hôpitaux spécialisés, à la suppression du diplôme d’infirmier spécialisé en psychiatrie, au manque de lits qui conduit à placer parfois certains patients dès leur arrivée dans le service directement en chambre d’isolement faute de place en chambre ordinaire, au manque de budgets pour organiser des activités afin d’ occuper les malades qui, livrés à l’ennui, finissent par s’agiter mais aussi au manque de places dans les structures de prises en charges alternatives à l’hospitalisation temps plein : Hôpitaux de Jour et Centres d’Accueil Thérapeutiques à Temps Partiel, qui pratiquent de véritables soins psychothérapeutiques mais avec seulement 35 à 40 000 places environ pour 2 Millions de patients suivis en psychiatrie générale publique. Sans compter, dans le domaine de la prévention, la faiblesse des moyens alloués aux CMP, conduisant à des premiers rendez-vous très éloignés de la date de la demande puis à des rendez-vous parfois trop espacés peut-être, et avec des inégalités géographiques.
A l’inverse, le secteur G21 de l’EPSM de Lille, Etablissement Public de Santé Mentale Lille Métropole, a mis en place depuis 1979 et dans la foulée de mai 68 une psychiatrie citoyenne sur le modèle italien, puisqu’en Italie, en 1978, la loi Basaglia, du nom d’un des médecins psychiatres réformateurs, a fermé les 55 000 lits d’hospitalisation temps plein pour les remplacer par une psychiatrie communautaire avec des soins en ville, des clubs, des coopératives… et où ne subsistent plus que quelques 200 lits environ. La psychiatrie communautaire s’est aussi implantée au Royaume-Uni, où ne subsistent plus que 2 000 lits d’hospitalisation temps plein. En France, on compte environ 60 000 lits d’hospitalisation temps plein secteurs public et privé confondus.
La psychiatrie dite « citoyenne » comprend très peu d’hospitalisations temps plein « dans les murs », avec seulement une dizaine de lits, et offre des soins psychothérapeutiques diversifiés en milieu ordinaire, y compris par exemple de l’ethno-psychothérapie pour les migrants et les immigrés de deuxième génération ; un habitat en milieu ordinaire en accueil familial thérapeutique, dans des Résidences associatives, des appartement thérapeutiques et des logements indépendants personnels ; une aide à l’insertion professionnelle tous azimut en milieu ordinaire et protégé, avec des passerelles du milieu protégé vers le milieu ordinaire ; un accompagnement pour s’insérer avec des activités artistiques, sportives, culturelles, et de loisirs en milieu ordinaire dans des associations fréquentées par tous, patients et non-patients.
Le financement de la psychiatrie citoyenne s’opère par redéploiement des budgets de l’hospitalier temps plein vers l’extrahospitalier.
Le Docteur Roelandt, artisan de la transformation de l’ancien secteur G21 où autrefois un système asilaire enfermait à vie plusieurs centaines de personnes, est l’auteur, avec le Dr Eric Piel, d’un rapport remis en 2001 à Bernard Kouchner, alors Ministre de la Santé de Lionel Jospin, pour la fermeture des lits d’hospitalisation et leur remplacement avec une prise en charge par la psychiatrie « citoyenne ».
Dans son « Manuel de psychiatrie citoyenne » (Editions In Press, 2002), il écrit que les prises en charge extrahospitalières, y compris avec versement de l’AAH, Allocation Adulte Handicapé, coûtent 6 fois moins chères que les hospitalisations temps plein, qui se déroulent sans prises en charges psychothérapeutiques, activités, ou aides à l’insertion et induisent chez les patients des rechutes, des errances et des souffrances interminables pendant des années. Cet avantage financier autant qu’humanitaire de la psychiatrie citoyenne est confirmée par un des derniers rapport/s de la Cour des Comptes sur la Santé Mentale, datant de 2011.
Jean-Luc Roelandt est aujourd’hui et était il y a encore peu Directeur du Pôle Santé Mentale de l’OMS, situé également à Lille.
Par ailleurs, le secteur G21 rayonne en recevant en stage d’observation des étudiants et des soignants d’autres secteurs, français et étrangers, et un cursus et un diplôme de psychiatrie citoyenne sont enseignés et délivrés maintenant dans plusieurs universités, à Paris, Lille, Marseille…
La première proposition est de développer cet enseignement progressivement, autant que faire se peut et de demander aux équipes de psychiatrie volontaires de déployer les méthodes de la psychiatrie citoyenne dans leur secteur en s’inspirant des exemples du secteur G21 et de quelques autres secteurs qui ont déjà tenté l’expérience. Des guides, chartes…seraient mis à leur disposition, autant que leur accueil pour des stages d’observation dans les secteurs qui ont déjà basculé dans la psychiatrie citoyenne (moins d’une dizaine environ).
Certains autres aspects importants ne devraient pas être négligés dans le cadre d’une réforme visant à faire évoluer progressivement la psychiatrie telle la nécessité d’ouvrir des places en hôpitaux de nuit pour les patients chronicisés avant de pouvoir les déshospitaliser à temps plein de l’intra, en les déshospitalisant seulement en journée, dans un premier temps, avec un suivi adéquat (cf le livre-témoignage de Philippe Clément, Infirmier en psychiatrie).
Peut-être est-il nécessaire d’insister sur un fait déjà évoqué plus haut, à savoir que la psychiatrie fait face aujourd’hui à une aggravation de ses problèmes, puisqu’en raison des sous-effectifs en personnels infirmiers et en psychiatres et de la fermeture de nombreux lits d’hospitalisation, les pratiques abominables de mises en isolement et sous contention se sont généralisées dans quasiment tous les secteurs de psychiatrie, certains patients arrivant même parfois dans des services surpeuplés et étant conduits directement en chambre d’isolement faute de place en chambre ordinaire tandis que les budgets manquent pour organiser des activités (ce qui fait que les patients finissent par s’agiter en raison de l’ennui dans lequel ils sont plongés et malgré la camisole chimique) et que les sous-effectifs infirmiers privent les patients de relations interpersonnelles et de soutien. Par ailleurs, la suppression du diplôme d’infirmier spécialisé en psychiatrie prive les infirmiers de la formation nécessaire pour prévenir et apaiser les crises, ce qui conduit aussi à placer fréquemment les patients en chambre d’isolement.
Au total, le constat en psychiatrie, du côté des malades et des familles est le suivant : patients qui en l’absence de soins véritables et notamment psychothérapeutiques rechutent et errent de longues années durant dans les services de psychiatrie, le plus souvent désinsérés, malades et familles durablement traumatisés par les pratiques d’isolement et de contention et les hospitalisations temps pleins et qui n’osent porter plainte dans la crainte de ré-hospitalisation abusive en l’absence de coopération entre soignants et familles. Cette co-construction du parcours de soins est demandée par l’UNAFAM, Union Nationale de Familles et Amis de Personnes Malades et/ou Handicapées Psychiques : elle consiste en une écoute de la part des soignants des demandes des malades et des familles en instaurant un dialogue constructif en ce qui concerne les modalités d’hospitalisation - choix des cliniques et des services, autres, par exemple écoute et dialogue en ce qui concerne les prescriptions médicamenteuses, souvent abusives et ayant même conduit à des décès, tout comme les mises en isolement et sous contrainte dont certaines, extrêmement rares heureusement, ont également conduit à des décès.
Il faut interdire les pratiques de mises en isolement et sous contention, recruter et mieux former les personnels soignants, en s’inspirant notamment de l’exemple du secteur G21 de Lille où il n’est pas fait recours à ces pratiques.
Le nombre de médiateur/trices pair/es en santé mentale doit être développé et il faut poursuivre le développement du nombre des Groupes d’Entraide Mutuelle.
Les associations d’usagers qui animent des sites et blogs culturels et de paroles d’usagers telle l’association « Comme des fous » doivent être encouragées.
Le Docteur Roelandt, « compagnon de route » du Parti socialiste, avec notamment la remise du rapport Piel-Roelandt évoqué plus haut puis sa participation au projet socialiste pour les Présidentielles et Législatives de 2007, Directeur du Pôle de Santé mentale de l’OMS encore récemment (maintenant je ne sais pas) et son successeur au secteur G21, le Dr Defromont, doivent être auditionnés et consultés, ainsi que naturellement l’UNAFAM et les associations d’usagers telles Advocacy et le CRPA par exemple, le Collectif « Printemps de la psychiatrie », qui lutte contre les mises en isolement et sous contention, son animateur Mathieu Belhasempouvant être entendu comme grand témoin, ainsi que l’association « Au fil conducteur psy » et son animatrice Catherine Skiredj-Ahn et pour les problèmes que rencontrent les hôpitaux de jour, notamment pour les autistes, Lorianne Belhasem animatrice de l’association « Autism’mob ».
Enfin, il est à noter que les bénéficiaires de l’AAH, des pensions d’invalidité et des minimas sociaux doivent régler le paiement du forfait hospitalier, 15 euros/j en psychiatrie. Les pensions d’invalidité et l’AAH sont réduits au bout de deux mois. L’AAH est réduit à 30% de son taux plein, soit environ à 300 euros. Or, cette somme devrait permettre de couvrir les frais annexes afférents à l’hospitalisation (journaux, télévision et cafétéria, 200 euros /m soient environ 6 euros/j) mais aussi le reste à charge pour le loyer (100 euros par mois par ex.), les abonnements de téléphone (40 euros pour un mobile), gaz (50 euros) et électricité (40 euros), sans compter un éventuel crédit à la consommation en cours. On arrive déjà à un montant allant de 430 à 530 euros avec un crédit à la consommation de 50 à 100 euros/m (pour l’achat antérieur d’un téléviseur par exemple, d’un appareil électroménager ou d’un meuble). On peut arriver rapidement à des situations de surendettement voire d’expulsion de logement faute de pouvoir régler le reste à charge du loyer, aussi bien que les factures de gaz et/ou d’électricité. L’APL continue à être perçue dans son intégralité fort heureusement. Le RSA est réduit de 50% au bout de 60 jours et les sources d’énergie, le téléphone, le loyer et ses charges deviennent encore plus difficiles ou impossibles à payer. Il conviendrait donc de porter le pourcentage du taux plein à 60% c'est-à-dire avec un versement de 600,00 euros par mois. Il faut aussi s’assurer que les bénéficiaires des pensions d’invalidité conservent le même montant minimum de revenu (600,00 euros). Le coût de cette mesure, est aux environs de 120 millions d’euros par an, avec pour 300 000 personnes hospitalisées chaque année à temps plein au maximum 200 000 bénéficiaires de pensions d’invalidité et des minimas sociaux hospitalisés sur une année quatre mois consécutivement environ, d’où un effort de 600,00 euros supplémentaire pour deux mois d’hospitalisation au-delà des 2 premiers mois pendant lesquels les pensions ou allocations ne sont pas amputées x 200 000 usagers = 120 millions d’euros.
Contributrice : Corinne Harland, ancienne membre de la Commission Nationale Santé