Contribution thématique de la Commission nationale entreprises (CNE) au congrès des 12 et 13 décembre 2020 du Parti socialiste à Villeurbanne.

Contribution thématique du Congrès de Villeurbanne 2021

En 2022, lors de l’élection à la présidence de la République, la situation économique de la France sera très dégradée, avec un endettement de l’ordre de 120 % du produit national brut (PNB), un taux de chômage élevé, et un nombre croissant de personnes en dessous du seuil de pauvreté. La crise sanitaire que nous subissons risque de continuer à accroître encore ces difficultés.

La politique économique et industrielle conditionnera le rebond de notre pays. L'Etat devra devenir un véritable Etat stratège dans ses relations avec les entreprises, particulièrement chez celles où il dispose ou acquiert des participations dans les capitaux propres. Dans de nombreux secteurs que la crise sanitaire a profondément dévastés ( la santé, la culture, l'aéronautique, le tourisme), l'action de l'Etat devra être particulièrement volontariste. De nombreux fleurons de notre industrie sont en grand danger.

 

Dans ce contexte, un programme de gouvernement du Parti socialiste ou d'une gauche rassemblée devra pour être crédible :

- proposer des mesures radicales dans la gouvernance des entreprises sans coûts supplémentaires pour le contribuable ;

- dégager des recettes nouvelles en diminuant l’évasion fiscale pratiquée en toute légalité par de plus en plus de citoyens français ou d’entreprises de toutes nationalités.

 

Si la France peut décider unilatéralement des mesures proposées, d’autres nécessiteront des négociations préalables, soit au niveau de l’Europe, soit au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La mise en place d'une taxe significative sur les transactions financières est à cet égard centrale. Un combat est mené assidûment par nos députés européens. Nous le soutenons fortement.

 

Les mesures présentées dans cette contribution ont été retenues par la CNE à la suite d’échanges et de réunions de travail avec différentes personnalités, telles que Jean Peyrelevade ou des représentants syndicaux du ministère des Finances. Certaines d’entre elles ont d’ores et déjà été approuvées par nos partenaires socialistes européens dans le cadre de l’association Self-Employed, Entrepreneurs and Enterprise among European Democrats and Socialists  (SE4DS).

 

 

1) Mesures pouvant être prises unilatéralement au niveau de la France

 

1.1 Mise en place d’un nouveau statut de SA sur le modèle rhénan

Actuellement, même si l’obligation d’avis consultatifs préalables du comité social et économique (CSE) a été multipliée, seuls les actionnaires gardent un pouvoir de décision absolu sur l’avenir à court et moyen terme de  l’entreprise.

 

Pour en finir avec cet absolutisme mortifère, mettons à la disposition des entreprises existantes ou à des créateurs d’entreprise un nouveau statut, dans lequel :

 

- les principales décisions qui engagent l’entreprise feront l’objet d’un accord formel du comité social et économique (CSE) : orientations stratégiques,  répartition des bénéfices, désignation des dirigeants, fusions, acquisitions, etc. ;

- le conseil d’administration sera composé de membres désignés à part égale par les actionnaires et le CSE.

 

Pour favoriser l’adhésion à ce nouveau statut par le plus grand nombre, les entreprises qui l’adopteront bénéficieront d’une réduction de leur impôt sur les bénéfices de l’ordre de 8 à 10 %.

 

           - D'une façon plus générale, la mise en pratique de la responsabilité sociétale et environnementale de l'entreprise (RSE) ne doit plus, comme trop souvent, rester théorique mais se décliner concrètement dans toutes les décisions des entreprises. Cette RSE doit se construire concrètement en application de la méthode reconnue internationalement, par les membres de l’ISO et de l’OIT.

 

1.2 Limiter l’utilisation du statut de SAS aux entreprises de moins de 50 salariés 

 

Sur les conseils des cabinets d’expertise financière, les entreprises de toutes tailles se sont ruées sur ce statut de société anonyme simplifiée (SAS: Société par actions simplifiée) pour supprimer les conseils d’administration et éviter ainsi tout contrôle collectif sur les décisions des dirigeants.

Cet abus de droit doit être stoppé en limitant aux seules entreprises de moins de 50 salariés, la possibilité d’opter pour ce statut.

 

1.3 Un calcul de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise plus transparent et plus généreux 

 

Même les meilleurs spécialistes ont du mal à comprendre les modalités de calcul du système actuel de participation. Il permet aux entreprises de jouer sur de multiples facteurs pour ramener la participation des salariés à rien ou peu de chose.

 

Quand une entreprise distribue des bénéfices, une partie de leur montant, 10 % par exemple, doit l'être aux salariés, soit de manière égalitaire, soit en proportion des salaires perçus, soit un mix des deux.

 

1.4 Empêcher les citoyens et les entreprises nomades d’échapper à tout ou partie de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés

 

Forts de leur liberté en matière fiscale, certains pays européens ou autres se livrent à une concurrence déloyale pour attirer chez eux les actifs et les retraités les plus fortunés ou les entreprises, tous à la recherche d’une réduction de leur imposition fiscale.

Résider à l’étranger dans un pays  pratiquant le dumping fiscal est banal pour les Français les plus aisés, ainsi que pour toutes les entreprises multinationales.

 

Rétablir l’égalité fiscale entre citoyens nomades et citoyens sédentaires

La France doit  décider, unilatéralement ou non d’un commun accord avec d’autres États membres de l’Union européenne, que tout citoyen, quel que soit son lieu de résidence, devra globalement payer le montant de l’impôt dû dans son pays d’origine. Il se soumettra à l’impôt sur le revenu demandé par son pays d’accueil, et lorsque cet impôt sera inférieur à celui qu’il aurait payé dans son pays d’origine, il versera la différence à ce dernier.

Cette réglementation n’est pas révolutionnaire. Elle est appliquée par les États-Unis sous peine de perte de la nationalité américaine.

 

Rétablir l’égalité fiscale entre les entreprises nationales et  les multinationales

La France seule, ou, mieux, de concert avec l’Allemagne et tous les pays intéressés, pourrait décider d’imposer sur les bénéfices les multinationales, quelle que soit leur domiciliation, à partir de leur résultat consolidé au prorata du chiffre d’affaires qu’elles réalisent dans chacun des pays qui suivrait cette réglementation.

 

La mise en place de ces deux mesures permettra d’obtenir des recettes supplémentaires estimées entre 40 et 60 milliards d’euros et rétablira une égalité fiscale entre les personnes physiques ou morales nomades et sédentaires.

 

 

1.5 L’évolution de la production d'énergie à l’horizon 2020/2060

 

Notre Parti doit s’en tenir aux dispositions de la loi de transition énergétique à l’horizon 2060 qui se fixe des objectifs ambitieux dans notre lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de CO2.

 

Il faut aussi promouvoir les recherches sur la production d’hydrogène liquide à un coût compétitif.

Un « Commissariat » de la filière hydrogène devrait regrouper les compétences dispersées des organismes de recherche afin d’aboutir rapidement à la production industrielle et au stockage de l’hydrogène pour son utilisation  (notamment en complément énergétique de la biomasse et en carburant des piles à combustibles) comme vecteur énergétique, en commençant par les transports lourds routiers, ferroviaires et maritimes ainsi que les grosses concentrations urbaines.

 

1-6 : Renforcement des services publics, protection des « biens communs »

 

Les services publics sont au cœur du débat politique. Ils conditionnent aussi la stratégie de sauvegarde et de protection des « biens communs » dont nous sommes les gardiens. Il est hors de question d'abandonner les services publics au secteur commercial, de même que la gestion des « biens communs ». Les services publics industriels et commerciaux doivent être soumis à un contrôle efficace des élus, à tous les niveaux. Ce contrôle doit associer utilisateurs et représentants du personnel. Ces services doivent aussi assurer, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, une désserte égale dans tous les territoires (ex. télécommunications) métropolitains et outre mer. La vie et le développement des entreprises en dépendent.

De plus, il faut arrêter de privatiser des secteurs essentiels à la vie comme la santé, l'éducation, l'énergie ou les télécommunications...

De même, cessons cette hémorragie qui consiste à de réduire le patrimoine de l'Etat en vendant « nos bijoux de famille »

Pensons à l'intérêt général des populations et agissons dans le cadre d'une stratégie claire et transparente.

 

 

1-7 : Droit des salariés et économie sociale

 

Depuis une dizaine d'années, les droits des salariés ont été rognés. Le code du travail a "maigri" comme la médecine et l'inspection du travail qui ont perdu en moyens. Ca suffit. Notre Parti doit ouvrir, avec en priorité tous les syndicats de salariés, mais aussi ceux des employeurs, une vaste consultation honnête pour dresser le bilan de ces dispositions, qui devaient créer "un million d'emplois".

Cette consultation étudiera les freins à la compétitivité, le soutien aux entreprises, la réduction du temps de travail, les droits des salariés, la place du syndicalisme, la formation. Elle fera aussi le point sur les expérimentations en cours telle que l'action « Zéro chômeur de plus d'un an » dans les territoires.

Etudions aussi le rapprochement « par le haut » des statuts sociaux entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé.

 

Encourager l’économie sociale

En cas de vente de l’entreprise, notamment en cas de rachat ou de transmission, les salariés doivent être prioritaires pour la racheter sous forme de coopérative, scoop, SAPO, ou toute autre forme de société de droit commun à participation des salariés dépassant 35 % du capital.

 

 

2) Mesures à négocier au niveau de l’Europe

 

La pandémie de coronavirus a permis à l’Europe de faire un pas en avant décisif vers une plus grande solidarité,  en  adoptant un plan de relance de 750 milliards d’euros et en autorisant pour la première fois la Commission à emprunter au nom de l’Union européenne.

A l’issue de cette crise, tous les pays européens seront à la recherche de recettes nouvelles pour faire face à leur situation économique dégradée. Un gouvernement de gauche doit s’en saisir pour faire avancer la construction  de l’Europe avec ses partenaires socialistes et écologistes des 27 pays membres.

 

La fiscalité demeurant essentiellement du ressort de chaque État, la règle de l’unanimité des 27 ne s’applique pas, et rien n’empêche plusieurs pays d’adopter une réglementation commune via des coopérations renforcées.

 

Mettons à l’ordre du jour des institutions européennes les mesures 1.4 instaurées unilatéralement par la France et usons au mieux de notre influence pour les faire adopter par le plus grand nombre d’États membres de l’Union européenne (UE).

 

Au niveau des 27 pays membres de l’UE, des actions devront être engagées par la France afin d’obtenir un consensus autour de normes comptables européennes pour l’application d’une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés. Leur mise en œuvre permettrait des comparaisons sérieuses  en lieu et place des taux d’imposition affichés actuellement qui ne sont pas le reflet pas de la réalité.

 

Il doit être également possible :

 

- d’établir  un « serpent fiscal européen » pour l’imposition des entreprises. Il neutraliserait progressivement la concurrence fiscale déloyale entre États, comme le « serpent monétaire européen » a réduit les écarts entre les monnaies ;

 

- d’interdire aux États de l’UE de négocier, secrètement, des accords (rescrits fiscaux) permettant de limiter à un faible pourcentage l’impôt sur les bénéfices de certaines multinationales pour les attirer sur leur sol.

 

Ces mesures rendraient inopérante l’optimisation fiscale à laquelle s’adonnent les multinationales apatrides. Elles rétabliraient une égalité fiscale de traitement entre multinationales et TPE-ETI dont l’activité se limite à un seul pays.

 

Il est également indispensable que l'UE se dote d'un plan stratégique de développement de la recherche et de l'industrie. Les Etats européens doivent assumer les investissements de long terme que les entreprises ont du mal à faire.

 

3) Mesures à négocier au niveau de  l’OCDE

 

Certaines dispositions ne peuvent être prises qu’au niveau mondial, si l’on veut éviter la fuite des entreprises vers des paradis fiscaux hors de l’UE.

Un gouvernement de gauche doit prévoir l’ouverture de négociations au niveau de l’OCDE pour promouvoir l’adoption d’une réglementation mettant fin aux pratiques abusives des sociétés cotées en Bourse notamment pour échapper à l’impôt :

 

- interdire le rachat de ses propres actions par l’entreprise, ce qui l’appauvrit et enrichit ses actionnaires par la hausse de la valeur nominale des actions restantes, sans avoir à distribuer de dividendes soumis à l’impôt sur les bénéfices et à l’impôt sur les revenus ;

 

  • réglementer le système de distribution d’options d’achat ou de souscription d’actions (stock-options) : actuellement offerte aux seuls dirigeants de l’entreprise, cette mesure leur permet de s’enrichir, parfois considérablement, lorsque des progrès sont réalisés et que la valeur de l’action s’accroît. Pour éviter les abus de cette pratique et en vue d’une plus grande équité à l’égard de tous ceux qui ont participé à l’amélioration des performances, les stock-options devraient être obligatoirement distribuées à tous les salariés de l’entreprise au prorata de leur salaire ;

 

  • disloquer les entreprises qui ont ou sont sur le point d’acquérir le caractère d’un monopole ou d’un quasi-monopole mondial.

 

 

 

 

La contribution en PDF

Signataires :

Anne LE MOAL, Membre titulaire du conseil national- Conseillère fédérale de la Seine-Saint-Denis - Conseillère municipale de Pierrefitte

Elisabeth HUMBERT-DORFMÜLLER, SF Europe et international des Hauts-de-Seine et représentante du SPD Paris

Edith HEYMANN-LAUNEY

Patrick ARDOIN, Secrétaire de la CNE-section Paris 15,

Charles CALA, section Orsay 91

Arnaud DELCOURTE

Patrick DUCOME

Jean-Marie MARIANI, section Senlis 60

Georges VALAY, section Paris centre,

Christian VELY, Section Poste et télécom,

Marcel VILLENEUVE

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