Thème : Education
Etrangement passés sous silence par le ministère de l’Éducation nationale, les chiffres d’inscriptions aux concours de recrutements d’enseignants pour 2025 publiés le 14 février confirment une tendance plus qu’inquiétante toutes ces dernières années : le métier d’enseignant n’attire plus.
Si le nombre de candidats au concours 2025 du 1er degré de professeur des écoles reste stable, les inscriptions aux concours du second degré CAPES, CAPET et agrégation ne cessent de diminuer année après année.
Avec en 2025 une baisse de 4% des inscriptions à ces concours - soit près de 3000 candidats de moins qu’en 2024 dont 1600 rien que pour l’agrégation -, le pire est à craindre lorsqu’on se souvient qu’en 2024 ce sont 11,71% du total des postes qui furent non pourvus, dont 20% des postes en mathématiques, 36% en lettres classiques et 54% en allemand !
A cette baisse continue du nombre de candidatures – et d’admis – viennent s’ajouter une forte augmentation des demandes de rupture conventionnelle et des démissions d’enseignants totalement désabusés et découragés, au point qu’en juin 2023 un syndicat d’enseignants déposait une alerte sociale auprès du ministre de l’éducation de l’époque Pap Ndiaye.
Notre Congrès nous donne donc l’occasion de définir ce que les socialistes comptent mettre en place pour replacer durablement nos enseignants au cœur d’un projet de société fondé sur l’éducation comme pierre angulaire de notre République.
Face à cette situation qui certes ne concerne pas que la France, des leviers existent qui permettraient de redonner à l’enseignement toutes ses lettres de noblesse et son attractivité. Mais ces leviers nécessitent un courage et une priorité politique qui à l’évidence, font cruellement défaut à ce jour et sur lesquels les socialistes doivent résolument s’engager dans la perspective de notre retour aux responsabilités.
1- Le premier d’entre eux fait régulièrement l’actualité : il s’agit des salaires.
Le constat est aujourd’hui connu : après 15 ans de carrière, les enseignants français du 1er degré sont payés 14% de moins que les autres de l’OCDE et ceux du second degré 20% de moins. Autre constat : 70% des professeurs des écoles et 50% des certifiés gagnent moins de 2500 Euros nets, prime et heures supplémentaires compris.
La promesse présidentielle d’une augmentation de 10% pour tous les enseignants et sans mission supplémentaire, reniée une fois l’élection passée, a laissé place à une pseudo revalorisation de 5,5% en septembre 2023 quand dans le même temps 70% des enseignants ont bénéficié d’une augmentation limitée à 95 Euros, soit une hausse inférieure à 4%.
Alors que les enseignants français sont ceux qui font le plus d’heures devant les élèves – notamment dans le premier degré -, devant des classes les plus chargées des pays de l’union européenne et qu’il leur faut 35 années pour passer du salaire de départ au salaire le plus élevé contre 26 années en moyenne pour leurs collègues des pays de l’OCDE, on mesure l’insuffisance de cette « revalorisation ».
En réalité, le cœur de cette « revalorisation » réside essentiellement dans l’acceptation par les enseignants de missions supplémentaires déclinées dans le fameux « pacte » qui renvoie au tristement célèbre « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy et dont le succès reste plus que relatif, notamment dans le 1er degré.
Une revalorisation digne de ce nom devrait d’abord et avant tout passer par un calage du point d’indice à minima sur l’inflation, par une révision des grilles indiciaires, sans reposer sur la seule distribution de primes et d’indemnités.
2- Le second levier est à tout le moins aussi crucial que celui de la question salariale : c’est celui de la formation initiale et continue.
Tant qu’on ne comprendra pas qu’enseigner, plus qu’une vocation, est un métier qui nécessite des professionnels de très haut niveau, nous ne parviendrons pas à susciter des vocations ni à faire de l’école un outil majeur dans la lutte contre les inégalités. Il faut à la fois dispenser une formation théorique des plus pointues et développer les mises en situations pratiques des étudiants qui se destinent à l’enseignement.
N’oublions jamais, comme le soulignent régulièrement les études de l’OCDE, que les systèmes éducatifs performants sont ceux où les enseignants ont bénéficié de longs stages pratiques de formation initiale et, par la suite, d’une formation continue importante basée sur les attentes des équipes pédagogiques, condition indispensable afin de permettre aux enseignants tout au long de leur carrière d’adapter leur pédagogie et leurs connaissances pour mieux répondre aux besoins des élèves.
3- Enfin, une question essentielle trop longtemps niée doit sans délai être abordée : celle de la perte de sens du métier et de la place des enseignants au cœur de notre société.
Quelle vision de l’école pour aujourd’hui et pour demain ? Quel sens donner à la « réussite scolaire » quand, par exemple, la réforme du lycée professionnel diminue les enseignements fondamentaux pour amener ces jeunes – majoritairement issus des milieux les plus défavorisés - à travailler au plus vite au sein des entreprises mais sans les préparer à évoluer dans un monde du travail en pleine mutation ? Comment, au quotidien, redonner à nos enseignants la légitimité, la dignité et la reconnaissance qui leur revient ? Comment les aider à construire leurs carrières quand la réussite aux concours du second degré les propulse trop fréquemment à des centaines de kilomètres de chez eux et que dans le même temps les contractuels – en nombre toujours croissant - ne sont pas soumis à cette contrainte ? Comment les aider à faire réussir tous les élèves, partout sur le territoire de la République ?
Il n’y a pas de fatalité : les réponses existent, elles sont connues. Seules aujourd’hui font défaut la volonté et le courage politiques d’une réelle priorité à l’éducation.
Au regard de notre histoire et nos valeurs, c’est à nous socialistes d’apporter ces réponses tant attendues.
Réduire les effectifs de classes en profitant de la baisse démographique pour améliorer le taux d’encadrement, établir une gestion humaine des ressources et un plan prévisionnel de recrutements sur 10 ans, augmenter le nombre de fonctionnaires stagiaires inscrits sur les listes complémentaires quand elles existent, reconstituer les réseaux d’aide spécialisée aujourd’hui exsangues, permettre à la médecine scolaire d’effectuer un travail de prévention dès l’école maternelle, conseiller et accompagner les familles en difficultés, rétablir le fonctionnement normal des différents dispositifs envers les élèves souffrant de fragilités et/ou de handicap en orientant correctement les élèves concernés (en classes ULIS, SEGPA, IME...) et renforcer, au lieu de supprimer, ces classes adaptées aux élèves à besoin éducatif particulier, permettre l’accueil des élèves en situation de handicap dans des conditions matérielles et humaines adaptées, travailler à une autre intégration des familles dans le système éducatif afin d'apaiser les relations avec elles et faciliter le quotidien des enseignants, agir de manière volontariste pour une mixité sociale et scolaire effective, passer d’une orientation subie à une orientation choisie…
Lors d'une grande consultation avec les partenaires sociaux, nous devrons par ailleurs re-interroger le système de mutation nationale des professeurs des collèges et lycées, leur temps de travail, souvent très lourd et non mesuré, la notion de carrière, inexistante explicitement aujourd'hui tout en mettant en place une véritable médecine du travail.
Autant de mesures et de décisions qui, parmi d’autres, permettraient d’en finir avec les « job dating » en guise de recrutements, avec l’augmentation exponentielle des contractuels et qui redonneraient non seulement une attractivité à ce métier aujourd’hui abîmé mais surtout qui permettraient aux enseignants de se sentir à nouveau reconnus pour ce qu’ils sont : la pierre angulaire de notre École de la République, clé de voûte de l’émancipation, de la coopération et de la fraternité.
Comme pour l’ensemble des métiers de l’éducation - psychologues, médecins, infirmiers, personnels AESH...-, le recrutement des enseignants constitue un enjeu majeur dont les socialistes doivent se saisir pour incarner une alternative éducative crédible et pour replacer l’éducation au cœur des enjeux et des priorités de notre temps.
Contributeurs :
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