Crise sanitaire : l’Éducation nationale ne change rien, ou si peu

Isabelle Rocca, secrétaire nationale ajointe du PS à l'Éducation populaire, adjointe aux affaires scolaires Paris 12e

Yannick Trigance, secrétaire national du PS à l'Éducation et à l'Enseignement supérieur, conseiller régional d'Île-de-France

La dernière conférence de presse du gouvernement français a confirmé les pires craintes du monde de l’éducation et des parents d’élèves : alors que la situation sanitaire se dégrade avec la diffusion du variant anglais de la Covid-19, l’Éducation nationale ne change rien, ou si peu.

Le 14 janvier 2021, en prolongement des annonces du chef du gouvernement Jean Castex, le ministre Blanquer a donc évoqué un protocole sanitaire « plus strict » à mettre en œuvre dans les établissements scolaires. 

Mais, sur le fond, le ministre s’est encore une fois contenté de recommandations très générales sans précisions sur leur mise en œuvre ni véritable soutien aux collectivités locales par le gouvernement ou réel accompagnement des équipes éducatives par leur hiérarchie.

Parmi les propositions « clés » du ministre pour renforcer le protocole sanitaire et mieux protéger les élèves français : le levier de la pause méridienne, puisque la cantine est considérée comme le principal foyer d'infection pour cette tranche d’âge. Mais, là encore, les annonces sur la modification du protocole de la restauration scolaire témoignent d’un ministère totalement hors-sol. 

En effet, soit les recommandations sont déjà mises en œuvre par les collectivités locales, au plus près des contraintes bâtimentaires et des emplois du temps, soit elles ne le sont pas encore, mais les annonces du ministère ne permettront en rien une révolution du protocole dans la semaine. 

Le ministère n’a en effet rien anticipé avec les collectivités locales et les directions d’établissement, et l’allongement de la pause méridienne comme faire-valoir d’un « protocole sanitaire renforcé » va juste rajouter une pression supplémentaire sur tous. 

Pour des temps de service étendus dans le premier comme dans le second degré, il faut allonger le temps de travail ou recruter des personnels de cuisine, de service et de surveillance. Il faut modifier les emplois du temps scolaires, réviser les protocoles d’occupation des locaux dont on ne peut pousser les murs, et informer l’ensemble des familles. 

L’option aussi évoquée par le ministre de « repas à emporter » ne résout quant à elle aucune question : où les élèves iraient-ils manger ? dehors en plein froid ou dans les salles de classe ? et sous la surveillance de qui ? Le ministère doit vraiment engager un dialogue urgent et précis avec les collectivités locales s’il veut retrouver un minimum de crédibilité.

Parmi les autres annonces du ministre Blanquer : l’interdiction des activités physiques en intérieur aussi bien pour les activités scolaires qu’extrascolaires. Cette suppression inquiète au regard du besoin d’activités physiques des élèves en cette période qui limite fortement les déplacements et les efforts physiques en général. 

C’est pourquoi ces activités en intérieur devront être rétablies dès que la situation sanitaire le permettra, voire progressivement autorisées et aménagées (en demi-groupes par exemple) avec l’amélioration de la situation sanitaire et en concertation – enfin – avec les professeurs d’EPS.

Dans le second degré, au sujet des élèves de terminale, l’insistance du ministre Blanquer à demander leur présence à 100 % n’a d’autre objectif que d’imposer coûte que coûte le maintien des épreuves du baccalauréat prévues au mois de mars prochain.

À l’instar de la grande majorité des équipes éducatives, et afin de faire retomber la pression qui pèse sur les lycéens et les enseignants, nous considérons que ces épreuves de spécialité doivent être décalées au mois de juin, les conditions de préparation et de passation sereines et habituelles n’étant absolument pas réunies.

Pour le collège non plus, les annonces du ministère ne sont pas à la hauteur et entérinent une gouvernance entièrement déléguée et « au cas par cas ». Le « démerdentiel » de l’université et du lycée arrive officiellement au collège en janvier 2021. Le ministre Blanquer n’y étend pas l'hybridation, mais des collèges pourront être en alternance « à titre exceptionnel, au cas par cas » et cela ne doit concerner que les quatrièmes et troisièmes.

Face aux enjeux de fragilité et de décrochage scolaires que nous connaissons sur ce segment que représente le collège, est-ce vraiment sérieux ?

Enfin, l’annonce d’un protocole de dépistage doit, dès à présent, être suivi de la définition concrète des moyens et des conditions de sa mise en œuvre dans les établissements scolaires, pour les équipes éducatives comme pour les élèves. 

En outre, si le ministre annonce vouloir changer le traitement des déclarations d'infection en promettant d'envoyer une équipe de test dès le premier cas de Covid-19 déclaré, il n’annonce rien de nouveau concernant la déclaration des cas contacts. L’Éducation nationale doit impérativement et rapidement se doter d’une politique claire de suivi sanitaire et d'isolement qui lui permettrait de réellement contrôler la diffusion de l'épidémie. 

Politique à accompagner enfin d’une offre nationale de nouvelles mesures pour permettre réellement une continuité pédagogique pendant les périodes d’isolement des professeurs ou des élèves.

Le ministre Blanquer ne peut plus se satisfaire de grandes déclarations : c’est toute la communauté éducative qui, pour faire face à la gestion de cette crise sanitaire, doit être accompagnée, soutenue et rassurée. Considérée, en un mot. 

Plus que jamais, l’urgence sanitaire se double d’une urgence éducative.

 

Mardi 19 janvier 2021

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