Après six semaines de combats intenses et malgré la forte résistance des Arméniens du Haut-Karabakh, l’accord de cessez-le-feu du 10 novembre 2020 conclu sous l’égide de la Russie s’est aligné sur le strict rapport de forces, dont le déséquilibre criant favorisait l’Azerbaïdjan soutenu humainement et technologiquement par la Turquie et ses supplétifs.
Le président de la République de l’Artsakh, Arayik Aroutiounian, et le premier ministre de la République de l’Arménie, Nikol Pachinian, ont dû prendre acte d’une situation qui menait les Arméniens à une défaite probable et à des pertes humaines très importantes. Cette décision difficile mais responsable de la part des autorités arméniennes a provoqué des sentiments de frustration et de colère, qui ne sauraient en rien justifier les appels à la violence et les menaces proférées à leur encontre.
Alors que les combattants azerbaïdjanais ont notoirement violé le droit international humanitaire en faisant usage d’armes illégales et en procédant à des bombardements sur des habitations et des hôpitaux civils, le Parti socialiste appelle les trois nations coresponsables du groupe de Minsk à saisir le Conseil de sécurité des Nations unies afin de diligenter une enquête internationale indépendante sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient pu être commis.
S’agissant de l’accord de cessez-le-feu du 10 novembre, le Parti socialiste regrette que la France et les États-Unis en aient été exclus, bien que coresponsables avec la Russie du groupe de médiation de Minsk de l’OSCE. Le Parti socialiste observe que cet accord apporte des arrangements qui ne satisfont qu’une seule des deux parties en conflit. Au vu du déséquilibre de ses termes d’application, des enjeux géostratégiques qui font de la Russie et de la Turquie à la fois des partenaires et des rivaux, il n’offre aucune garantie de paix durable.
En attendant qu’une solution pérenne soit trouvée, le Parti socialiste attend, en particulier de la Russie, qu’elle s’assure, dans la situation nouvelle créée, du respect de la priorité immédiate : la protection des populations civiles, le retour sécurisé des personnes déplacées et réfugiées, ou le départ de celles souhaitant quitter le Haut-Karabakh et ses territoires adjacents, ainsi que les échanges de prisonniers et des détenus. Pour assurer la bonne conduite de ces opérations, l’accès libre et sans entrave devra aussi être assuré aux organisations internationales humanitaires. Le déploiement d’une mission spécifique de surveillance dédiée à la protection des civils, sous l’égide de l’OSCE, de l’UE ou de l’ONU doit être organisé.
Sur le plan diplomatique, le Parti socialiste appelle la France et l’Union européenne à bâtir avec la future administration américaine une feuille de route qui garantisse une paix durable répondant aux aspirations légitimes d’émancipation de la République d’Artsakh. Le plan russe ne sera pas tenable sur le long terme. Le retour de la question du Haut-Karabakh fait la tragique démonstration qu’un conflit dont le règlement est gelé ne reste pas figé. Ce conflit s’impose comme un défi à la réinvention de la relation transatlantique ainsi qu’aux ambitions de l’Union européenne de devenir un acteur géopolitique majeur.
Aussi, au nom de l’amitié et de la solidarité séculaires liant la France au peuple arménien :
- Constatant que l’Arménie et le Haut-Karabakh ont démontré leur engagement au développement d’institutions démocratiques solides dans un environnement régional constitué de régimes autoritaires ;
- Considérant que le règlement du statut du Haut-Karabakh ne peut être acquis par la force armée et la capitulation imposée à l’une des parties, que seule une médiation fondée sur la justice internationale et le droit à l’autodétermination des peuples peut garantir une paix durable ;
- Anticipant que les rapports actuels entre la Russie et la Turquie ne garantissent pas la stabilisation du Caucase du Sud, tandis que les termes de l’accord de cessez-le-feu obtenu sous l’égide de la Russie n’offrent qu’un répit et portent le risque d’une reprise des hostilités ;
- Reconnaissant que le Haut-Karabakh est une terre historiquement peuplée d’Arméniens, artificiellement détachée de l’Arménie à l’ère stalinienne, mais gardant un statut de région autonome au sein même de la république soviétique d’Azerbaïdjan ;
- Notant que la volonté d’indépendance des Arméniens du Haut-Karabakh fut confirmée lors du référendum du 10 décembre 1991 ;
- Prenant acte de l’arrêt du 26 mai 2020 de la Cour européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales attestant de l’impossibilité des populations arméniennes de vivre librement en Azerbaïdjan ;
- Constatant que l’entérinement des positions issues de la guerre conduite du 27 septembre au 9 novembre 2020 porte atteinte directement à la sécurité du peuple arménien et que les termes de l’accord de cessez-le-feu menacent potentiellement la souveraineté de la République de l’Arménie.
Le Parti socialiste réuni ce jour :
- estime que le devoir de la France est de peser au sein des instances internationales et auprès de ses partenaires étatiques dans les futurs règlements d’un conflit qui ne s’éteindra pas avec l’accord de cessez-le-feu du 10 novembre ;
- juge qu’au regard du contexte et de la nouvelle donne géopolitique, le retour de la France dans la médiation menée par le groupe de Minsk ne peut désormais se produire qu’en adoptant une position forte ;
- appelle la France à reconnaître la République de l’Artsakh et à appuyer tout processus qui mènera à l’exercice de sa pleine indépendance ;
- et appuie toute démarche parlementaire qui irait dans ce sens.
- Mardi 17 novembre 2020