Défendre l'Europe face aux ingérences numériques et préserver la démocratie


Thème : Défense


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Défendre l'Europe face aux ingérences numériques et préserver la démocratie

À l’heure où le numérique occupe une place centrale dans la vie politique, sociale et économique, l’Europe se trouve confrontée à de nouveaux défis liés à la protection de sa démocratie et de ses valeurs fondamentales. L'émergence des technologies numériques, qu'il s'agisse des réseaux sociaux, des données massives ou des systèmes d'intelligence artificielle, ouvre des perspectives de développement sans précédent tout en soulevant des questions cruciales sur la sécurité, la souveraineté et la transparence des processus démocratiques.

L'ingérence numérique, qu'elle soit le fait de puissances étrangères ou d'acteurs privés, menace la stabilité des démocraties européennes. La France n’échappe pas à cette réalité. Ces ingérences se manifestent par des campagnes de désinformation, des manipulations électorales, des violations de données personnelles ou encore des influences exercées sur l'opinion publique via des algorithmes opaques. Ces défis, loin d’être isolés, prennent une ampleur transnationale et imposent une réponse collective au sein de l'Union européenne.

Dans ce contexte, défendre l’Europe face à ces ingérences numériques est d’une importance capitale. L'Union européenne, en tant qu'entité politique et économique, doit non seulement garantir la protection de ses institutions et de ses citoyens, mais aussi défendre les principes démocratiques qui la fondent. 

Le discours de Joe Biden du 15 janvier 2025 a mis en évidence une inquiétude largement partagée : l'émergence d'une forme de pouvoir concentré, soutenu par un « complexe technologico-industriel », qui exploiterait les réseaux sociaux pour diffuser des narratifs déformés et manipuler les opinions publiques.

Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique, a souligné devant le Sénat que les grandes entreprises numériques possédaient désormais une quantité d’informations telles qu'elles pouvaient exercer un contrôle sur les comportements à une échelle inédite. De son côté, Henri Verdier, ambassadeur pour le numérique, a alerté sur les dangers de la manipulation des masses, où la désinformation et la colère se propagent rapidement et à faible coût grâce aux plateformes numériques.

Face à cette menace, l’Union européenne a progressivement instauré un cadre juridique pour limiter ces abus, à travers des réglementations telles que le RGPD, le DMA et le DSA. Cependant, bien que ces mesures soient nécessaires, elles ne représentent qu'un début face à la puissance des acteurs technologiques. Les récentes actions de la Commission européenne contre des plateformes comme X (anciennement Twitter) et TikTok illustrent la volonté de l'UE de réguler ces entreprises, mais ces démarches montrent aussi que la tâche reste semée d'embûches.

L'Europe se trouve à un tournant. L'influence croissante des plateformes technologiques étrangères sur les débats démocratiques fragilise la diversité des médias et alimente la polarisation des opinions publiques. Le modèle économique des réseaux sociaux, basé sur la captation de l'attention par la provocation et la division, exacerbe encore cette situation. Ces géants technologiques redéfinissent les rapports de pouvoir entre les nations et perturbent la démocratie.

La menace de manipulation numérique, illustrée par l'ingérence russe dans les récentes élections roumaines via TikTok, ainsi que par le soutien d'Elon Musk à l'AFD lors des élections législatives allemandes sur X, souligne la nécessité d'un cadre juridique européen plus strict. La réponse de l’Europe ne doit pas se limiter à un simple contrôle, mais inclure une réponse ferme face aux attaques extérieures visant à déstabiliser nos démocraties.

La souveraineté numérique doit devenir un pilier de la politique européenne. Il ne s’agit pas seulement de défendre nos valeurs face à des puissances extérieures, mais de garantir un espace numérique où la liberté d’expression et le respect de l'État de droit coexistent de manière harmonieuse. L’Europe, en tant que modèle de démocratie et de respect des droits humains, doit affirmer sa capacité à prendre en main son destin numérique. Nous devons faire preuve de courage face aux géants du numérique, pour que l’Union européenne soit non seulement un refuge, mais également un acteur influent sur la scène internationale.

C'est dans ce contexte que nous, sénateurs socialistes, appelons à une action claire et déterminée de l’Union européenne, avec les axes ci-dessous :  

  1. Demander à la Commission européenne l’application stricte du cadre numérique européen avec des sanctions effectives contre les grandes plateformes numériques. Et ceci en réaffirmant sa responsabilité face aux menaces systémiques que posent ces plateformes pour nos démocraties.
  2. Promouvoir une stratégie numérique européenne souveraine qui favorise la création d’alternatives européennes aux grandes plateformes chinoises et américaines. Et ce, en matière d’infrastructures et de technologies. En parallèle nous devons réduire nos dépendances vis-à-vis des acteurs non-européens et renforcer l’innovation.
  3. Renforcer l’arsenal législatif européen contre les ingérences étrangères et la désinformation, pour protéger la démocratie, garantir la pluralité des médias, et assurer la stabilité des processus électoraux.

Face à la montée de ces défis numériques, l’Europe doit montrer l’exemple, alliant rigueur législative, vision stratégique et défense de ses valeurs démocratiques. Le respect des règles numériques européennes est essentiel pour assurer l’avenir de notre souveraineté et de notre modèle démocratique. Ces mesures fortes nous permettraient de faciliter notre avenir numérique, économique et politique.

 


Contributeurs : 

Didier Marie, Sénateur de la Seine-Maritime
Florence Blatrix, Sénatrice de l'Ain
Karine Daniel, Sénatrice de Loire-Atlantique
Gisèle Jourda, Sénatrice de l'Aude
Audrey Linkenheld, Sénatrice du Nord
Michaël Weber, Sénateur de la Moselle


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