DÉMOCRATIE INTERNE : LE LOGICIEL DE L’UNION


Thème : Fonctionnement interne


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« La liberté et la démocratie exigent un effort permanent. Impossible à qui les aime de s’endormir. » - François Mitterrand, juillet 1989

Les partis politiques semblent démodés. Ils sont pourtant la courroie démocratique de tout un pays. Dans le grand dialogue national de notre démocratie, le Parti socialiste est appelé à un rôle éminent : définir les aspirations d’une majorité de Français, et conquérir le pouvoir pour réaliser ces aspirations.

La démocratie interne d’un parti est elle-même le relai des idées, des brouillements, des attentes de sa base. Qui mieux que des citoyens engagés et éclairés pour diagnostiquer, évaluer, définir, proposer le changement ? Une démocratie interne pleine et entière, exemplaire de liberté, est le chemin pour se reconnecter avec fidélité aux aspirations composites de nos concitoyens.

Mais le constat est là : depuis trop longtemps, notre démocratie interne n’a pas progressé. Là où par le passé les questionnements, voire les affrontements, idéologiques au sein du Parti socialiste étaient féconds car ils permettaient au parti d’être au cœur des débats qui agitaient la société, la démocratie interne se réduit à présent peu ou prou aux validations des choix électoraux, à l’établissement des listes et des rapports de force interne pour les congrès. La réflexion de fond est trop souvent sous-traitée à d’autres (think tanks, clubs, associations...).

Notre démocratie interne est réduite à un vernis. Elle doit au contraire devenir l’âme et la sève qui irrigue en profondeur tout le Parti socialiste.

RENOUER AVEC L’ESPRIT DÉMOCRATIQUE

Une urne ne fait pas la démocratie. « L’amour de la démocratie est d’abord un état d’esprit ». Les socialistes doivent s’approprier ces mots de Pierre Mendès-France.

Car la réalité est dure. Pouvons-nous accepter d’entendre des responsables de grandes fédérations socialistes qualifier nos réunions fédérales « d’inutiles » ? Combien de fois avons-nous vu des camarades être traités en fonction du texte d’orientation qu’ils avaient signé et non en fonction de ce qu’ils disaient réellement ? Qui n’a pas consulté son téléphone quand c’est le camarade d’une autre sensibilité qui parle ? Chacun parle à sa faction, à son public, dans un cloisonnement grandissant. Nous en sommes-là. Cette culture du vivre-ensemble que nous appelons pour la France, l’appliquons-nous en notre sein ?

Plutôt que de paresseux tunnels rhétoriques, nous devons renouer avec la riche dialectique des débats. C’est toute une culture collective qu’il faut retrouver.

Réinsufflons partout cet état d’esprit démocratique.

 

LA VERTICALITÉ DU POUVOIR

La tentation autoritaire est là, dans de nombreuses de nos réunions.

« La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » Cet adage de Camus résonne encore comme un vœu pour beaucoup de militants. En 2025, observer des responsables de courants exiger des démissions forcées de camarades dans des instances du parti est insupportable.

Une forme de violence politique se répand aussi. La violence des propos, les insultes parfois, telles qu’entendues encore récemment dans un Conseil fédéral d’une grande fédération. Elles n’ont pas leur place au Parti socialiste.

Écraser, ou faire le vide autour de soi par goût de l’hégémonie est une tentation forte, mais elle détruit à petit feu notre démocratie interne. On ne se renforce pas en s’épurant. Quand les dégoûtés s’en vont, restent les dégoûtants. Chacun au Parti socialiste doit enfin se saisir de cette question des comportements. Bâtissons enfin une culture mocratique ou les animosités personnelles s’effaceront toujours derrière l’exercice politique.

La camaraderie doit redevenir un combat cardinal et permanent.

 

LES RÈGLES ET LA LIBERTÉ POLITIQUE

La démocratie, c’est aussi le respect des règles communes.

À chaque fois que la démocratie est bafouée, les socialistes en payent le prix fort.

Respecter le résultat d’une primaire militante, par exemple, n’est pas une option.

Les règles communes sont le socle de notre unité. Nos statuts sont le rempart à nos turpitudes. À ce titre, chaque imprécision de nos statuts est une porte pour de futurs litiges locaux ou nationaux. Ils devront être complétés, précisés pour qu’aucune question interne ne demeure sans réponse claire.

Quand la liberté est muselée, c’est la démocratie qui s’asphyxie. Les courants sont indispensables à la structuration de nos débats. Mais le caporalisme en leur sein, l’émergence progressive de chapelles personnelles, les « machines politiques », le verrouillage parfois abusif des élus sont autant de barrages à la sincérité des expressions militantes. Quand la loyauté se mue en suivisme aveugle, parfois en sectarisme, le culte du chef n’est jamais loin. « Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi ». Cet état d’esprit est tant ancré dans notre culture politique qu’il parait presque une pratique politique normale. Au nom de la démocratie militante et de la liberté d’action politique, ces dévoiements doivent être fermement réprouvés. Modelons une démocratie interne plus grande que nous.

 

REMETTRE LE MILITANT AU CŒUR DE LA DÉMOCRATIE INTERNE

Tous les militants le disent et nous alertent depuis plusieurs années : il faut remettre le militant au cœur du logiciel.

Combien de motions adoptées par les camarades en section ou dans les conseils fédéraux se sont perdues dans les courroies de transmission vers le haut ? Combien d’avertissements de la base se sont égarés dans des sables mouvants en essayant d’aller vers le sommet ? L’écoute de la base n’est plus. Il faut redonner la parole aux militants, la valoriser, l’entendre. Elle est plus précieuse que tout. Il faut redécouvrir cette richesse insoupçonnée.

Les élus, les cadres sont comptables devant les militants. Ils sont élus, nommés par les adhérents pour les représenter et agir en leur nom. C’est d’abord une mission de représentation des militantes, d’animation du collectif, avant d’être une gloire personnelle. Là est l’essence démocratique. Il est trop répandu de voir les militants considérés cyniquement comme un moyen d’accès, de légitimation, de renouvellement sans fin d’un pouvoir personnel. Il est temps de replacer les rôles dans le bon ordre.

L’adhérent ou le militant dispose d’un statut clair. Une réflexion doit s’engager sur le statut du sympathisant. Tous les acteurs de «l’écosystème» socialiste sont concernés : associatifs, experts, membres de « think-tank » ou simples citoyens. L’accès à certains de nos canaux d’informations et la participation aux réunions locales sont un véritable sas pour des citoyens voulant approcher le milieu politique, parfois intimidant. Il faut créer cet échelon et oxygéner notre maison.

Comment notre démocratie interne peut-elle être le reflet du « peuple de gauche » si elle n’accueille pas en son sein ceux dont elle entend être le porte-voix ? Les Gilets Jaunes sont restés un impensé des socialistes, une inaction. Trop rapidement renvoyés à une radicalité rouge ou brune, nous n’avons pas vu que ces milieux populaires devraient de longue date avoir toute leur place dans notre organisation. Ne pas entendre ces voix dans nos réunions est un aveu d’échec collectif.

La représentativité sociale est une carence interne du Parti socialiste. 64 % des adhérents sont diplômés de l’enseignement supérieur. Il est encore temps de mener notre mue sur ce point. Tout comme nous devons continuer à le faire sur la parité. Le combat commence là. Un observatoire de notre démocratie interne, de notre diversité et de son évolution éclairerait bien de nos lacunes.

Depuis combien de temps disserte-t-on sur la formation militante au Parti socialiste ? La transmission de nos valeurs, de notre histoire, de notre culture socialiste se fait essentiellement par la participation à nos assemblées générales, à des événements publics. Que de temps, que d’années pour former des citoyens au militantisme socialiste !

La démocratie militante repose sur des adhérents éclairés, partageant en conscience une communauté de valeur, une histoire et une culture politique. La création d’un véritable cursus de formation socialiste, d’accueil et d’accompagnement militant est désormais une priorité. Dotons-nous d’une organisation dédiée pour le mettre en œuvre.

De même, il ne peut y avoir de démocratie interne, de mobilisation éclairée des militants sans transparence de nos fonctionnements, sans partage efficace de l’information.

En 2025, il est plus que temps de mettre en place une plateforme militante numérique pour toutes les démarches internes et les informations au niveau national, fédéral, de section. Le vote électronique pour tous les scrutins hors Congrès et désignations doit être étudié, pour faciliter la consultation militante, sans avoir à recourir à la lourdeur organisationnelle des scrutins papier en section.

Les socialistes ont vécu des moments de désunion dramatiques. Si nous voulons un jour refaire cohabiter dans un même parti les amis de Benoît Hamon et les amis Bernard Cazeneuve, si nous voulons incarner la gauche dans toute sa diversité, alors notre démocratie interne doit devenir exemplaire, irréfutable, irréprochable.

Le respect des minorités, l’écoute, le travail collectif ne sont pas des valeurs naïves en politique. La démocratie interne n’est pas une menace, mais le pari de l’intelligence à gauche.

Rendons-la exemplaire.

C’est le creuset du rassemblement, le logiciel de l’union.


Premiers signataires : Emmanuel Grégoire, Charles Mergey

Contributeurs : MERGEY Charles, AGGOUNE Fatiha, AICHOUN BAPTISTE Berangere, AKHARRAZ TORIKIAN Zineb, BALOSSIER MERCHAN Arthur, BALTAGI Ahmed, BALTAGI Ahmed, BATTINI Antoine, BERTRAND Agnès, BOSSAVIE cecile, BOUGEARD Morgan, BREGMAN Dorine, BRUN Hervé, BRUNO Salleras, CALAIS Pierre Yves, CAPOCCI Jean-Dominique, CARLESSO Arthur, COBLENCE Emmanuel, COMET François, COTTIN Elias, COTTREL Francois-Xavier, COURCOL Christine, COURCOL christine, COURTY Arthur, COURTY Arthur, COUSIN Martin, DALLOT Jeanne, DARBO-PESCHANSKI Catherine, DAVIAUD Jean-Philippe, DELMESTRE Mathieu, DEMIERE Antoine, ECOLIVET--MEUNIER Hector, EL JAÏ Yasmine, ELEFTERIOU Thomas, FAURE Annie, FISZMAN Thelma Lou, FLACHAT-BERNE Léon, FUCHS Andrea, GABRIEL Fabrice, GALLAND Clement, GARRIGOS Genevieve, GAVRILOV Pauline, GELLY-PERBELLINI Michel, GENEL Alain, GENEL Alain, GÉRAUX Victor, GOASAMPIS Olivier, GOASDOUÉ Emile, GUENANEN Valentin, GUERRERO Richard, GUILLORY Franck, GUILLOU Antoine, HERBAUT-GAFFORY Jean-Yves, IDRISS Kais, IDRISS Kais, JAMET-FOURNIER Boris, JARDIN Alexandra, JULIEN Pierre-Clément, KOUASSI Johanne, LASNIER Philippe, LAVAL Gaston, LAVAU MALFROY Maylis, LEBLANC Mathys, LEBLANC Monique, LEGAIN Théo, LEVOIR Tom, LITHA Garance, LOUNI Ali, MADOUI Fadhila, MANSO Mathilde, MARTINET Stéphane, MARZIN Maxime, MASSIN Mireille, MÉNAGER Samuel, MENGANT-SÜSS gerard, MERMBERG Hélène, MÉTAYER Jean-Michel, MOREL Emmanuelle, NANGERONI Adele, NAPOLI Aude, NAUD Estelle, NOU Philippe, OFFREDO Eric, OLLIVIER Antoine, PARIS Pierrick, PETIT ROSSI Gaspard, PEZECHKI Floria, PORCEDO-ZIMMERMANN Tom, POSTEL-VINAY Émilie, POURSIN Claire, PUIBERNEAU Stephane, RAFOWICZ Emma, RAMOND Emilie, REMER Jacques, REY David, RIOU Alexane, ROCCA Isabelle, ROSSET Marine, RULLIER Bernard, SABATIER Juliette, SEIGNOT Daniele, SIRJACQ Karel, SIRJACQ Karel, STEVANT Cyrille, THEBAULT Philippe, TIROT Paul, TOKA Serge, TREILLARD Benoît, URI Noelle, VANDECANDELAERE Margot, VARGAS Maria-Loreto, VIEILLE Jean noël, VOJDANI Gabriel, WEILL Pierre-Alain, ZEBIR Faty, ZIADY Karim, ZUCCARELLI Eric

 


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