Derrière Parcoursup Master, la pénurie de moyens et l’hypersélection contre le droit à la poursuite d’études

- Vendredi 10 décembre 2021

Isabelle Rocca, secrétaire nationale à l'Enseignement supérieur et à la Recherche

En 2016, le gouvernement socialiste réformait le Master en instaurant un droit fondamental : le droit à la poursuite d’études, et en inscrivant ce dernier dans la loi. Ce droit à la poursuite d’étude devait permettre à tous les étudiants titulaires d’une licence d’avoir accès un master correspondant à leur projet d’orientation avec, notamment, à l’instauration des recours auprès des rectorats.

5 ans après l’entrée en vigueur de la réforme, force est de constater que malgré l’inscription dans la loi de ce droit à la poursuite d’études, de trop nombreux étudiants sont laissés sur le bord de la route et ne parviennent pas à intégrer le master de leur choix. Pire, de trop nombreux étudiants ne parviennent pas à intégrer de master du tout.

Passage de 3 à 5 candidatures en master minimum afin d’effectuer un recours, autorisation pour le recteur d’académie de proposer librement une formation en dehors de la région du candidat, diminution du nombre de proposition minimum à formuler par les recteurs … Depuis 5 ans, le gouvernement en place n’a cessé de compliquer l’accès au recours pour les étudiants, et donc, n’a cessé de remettre en cause ce droit fondamental qu’est la poursuite d’études en Master.

Fin 2021, le gouvernement s’apprête à dévoiler une nouvelle plateforme d’affectation par choix algorithmique censé fluidifier l’entrée des étudiants en master. Si l’existence même d’une plateforme nationale permettant aux étudiants d’avoir une totale visibilité sur l’offre nationale de masters est une avancée qui répond à une demande de beaucoup d’organisations étudiantes, ce qui inquiète aujourd’hui étudiants comme enseignants du supérieur c’est la méthode et l’esprit de la plateforme.

Sur la méthode, c’est à nouveau une réforme à marche forcée, à boucler dans l’urgence et surtout sans dialogue social. Annoncée à l’été 2021 par la ministre, la refonte du site internet d’information « Trouver mon master » devait donner une visibilité complète à l’offre de formations et permettre une analyse des dossiers de candidature plus simple et rapide. Mais fin novembre, syndicats et organisations étudiantes ont découvert le calendrier serré de mise en œuvre de la plateforme : il faut aboutir d’ici aux vacances de Noël sur les critères d’admission exigés par chaque formation avec une définition précise des attendus en termes de compétences et connaissances.

Sur le fond, les premières informations sur les modalités envisagées pour le fonctionnement de la plateforme et surtout l’absence d’annonces précises et simultanées par le ministère quant à l’ouverture de nouvelles places en master pour 2022 font craindre un simple copier-coller de la plateforme Parcoursup Licence et une même logique délétère : la gestion des flux et de la pénurie par lhypersélection.

Au-delà de la mise en place par ce gouvernement de modalités toujours plus contraignantes pour les étudiants, le manque d’investissement criant dans l’enseignement supérieur et la recherche est au cœur de la problématique. La Commission nationale consultative des droits de lhomme (CNCDH) elle-même effectuait ce constat dans un avis du 27 mai 2021 : en France « le manque généralisé de moyens accordés à lenseignement supérieur remet en question le respect des droits fondamentaux ».

Le Parti socialiste le rappelle une nouvelle fois : lenjeu pour notre société est aujourdhui de permettre enfin à notre jeunesse de retrouver la possibilité dun accès juste à lenseignement supérieur, basé sur l’égalité daccès au droit à l’éducation.

Alors que laugmentation démographique de lan 2000 et le désir grandissant des bacheliers de poursuivre leurs études a conduit à un afflux d’étudiants (+ 243 700 étudiants depuis 5 ans, soit + 9,6%, accroissement qui représente en volume l’équivalent de dix universités de taille moyenne), le Parti socialiste considère que l’État na pas été à la hauteur de ce formidable élan : les budgets de lUniversité ont stagné, louverture de postes denseignants-chercheurs a diminué, le taux dencadrement a continué de se dégrader.

Avec ses propositions sur l’éducation et l’enseignement supérieur, Anne Hidalgo souhaite mettre fin à une sélection par les capacités daccueil quand elles sont seulement le résultat de la pénurie de moyens des universités. La question de laffectation des bacheliers comme des titulaires dune licence est avant tout politique et peut donc être en grande partie résolue par louverture de nouvelles places, de nouvelles formations voire de nouveaux établissements.

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