– Mercredi 20 avril 2022
Yannick Trigance, conseiller régional Île-de-France, secrétaire national à l'École, l'Éducation et l'Accès aux savoirs
La banalisation rampante de madame Le Pen, accélérée par un candidat Zemmour radicalisé, ne doit pas occulter ce qui va se jouer pour l’École de la République lors du second tour de l’élection présidentielle le dimanche 24 avril prochain.
Car le projet « éducation » de Marine Le Pen constitue bel et bien une ma- chine à broyer tant les élèves que les enseignants, une machine à aggraver les inégalités et à trier de plus en plus tôt, une machine à discriminer et à réprimer, une machine à abandonner au bord du chemin les élèves issus des milieux les plus modestes et ceux qui sont le plus en difficulté.
C’est ainsi qu’avec madame Le Pen à l’Élysée, l’éducation prioritaire serait supprimée au prétexte qu’elle distribue trop de moyens aux quartiers les plus en difficulté par rapport aux autres élèves et aux autres quartiers. Il s’agirait en revanche de privilégier le milieu rural qui pourtant, dans la réalité, n’est pas moins doté que les autres et où les résultats ne sont pas inférieurs à ceux des milieux urbains.
De la même manière, madame Le Pen prévoit un allongement d’une heure de la journée de classe, soit 5 heures de plus par semaine, avec un renforce- ment des enseignements « fondamentaux » de français, mathématiques et histoire.
Comment oser rallonger la journée quotidienne de classe alors qu’elle est déjà la plus longue comparée aux autres systèmes éducatifs ?
Comment proposer par ailleurs d’augmenter les enseignements « fonda- mentaux » alors même que la France est actuellement championne d’Europe des volumes horaires pour ces matières ?
Outre le fait qu’elle témoigne d’une parfaite méconnaissance de notre système éducatif, une telle mesure réduirait à la portion congrue les autres enseignements, mais également les projets pédagogiques interdisciplinaires.
En matière d’orientation, la machine à broyer de madame Le Pen sévirait dès la classe de 5e avec un profond bouleversement du fonctionnement et des objectifs du collège actuel. Suppression pure et simple du collège unique : dès la classe de 5e, les élèves en difficulté iraient en apprentissage ou en filière professionnelle et n’accèderaient plus à la classe de 3e.
Le temps du « scolariser ensemble » serait bel et bien révolu, avec un brevet des collèges qui, selon les résultats, empêcherait les élèves d’accéder au lycée, lui-même remanié, au sein duquel seuls les « bons » élèves accéderaient à la classe de terminale et, par conséquent, au baccalauréat.
Enfin, dans sa lutte effrénée contre les enseignants qualifiés de « pédagogistes », la candidate d’extrême droite prévoit la suppression des INSPE – Institut national supérieur des professionnels de l’éducation – pour les remplacer par une formation « sur le tas » des enseignants ramenés au rang de « fidèles exécutants de programmes politiques définis par le Parlement », le rétablissement d’une « exigence de neutralité absolue du corps enseignant en matière politique, idéologique et religieuse » et pour couronner le tout, « l’accroissement du pouvoir de contrôle des corps d’inspection et l’obligation de signalement des cas problématiques sous peine de sanctions à l’encontre des encadrants ».
Autant dire que nous assisterions à la mise en place d’une véritable police de la pensée destinée à placer les enseignants, les équipes éducatives et le contenu des enseignements sous un strict contrôle fondamentalement contraire à la liberté de conscience, à l’émancipation et à la liberté pédagogique que porte aujourd’hui dans son ADN notre école publique.
Ne sous-estimons ni le danger ni le risque : la candidate d’extrême droite pourrait entrer à l’Élysée le 24 avril prochain.
Et si notre école a été maltraitée depuis 5 ans par la politique néolibérale du tandem Macron/Blanquer, pour autant, nous devons tout faire pour ne pas précipiter nos enfants, nos enseignants, notre école dans les bras d’une extrême droite aux antipodes des valeurs et des principes qui fondent notre service public d’enseignement.
Le 24 avril prochain, pour notre École de la République, pour nos enseignants, pour nos élèves : ni abstention, ni Le Pen, ni blanc, ni nul : votons !