Diplomatie : Revenir aux fondamentaux pour retrouver une France influente dans le monde

Thème : International


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Diplomatie : Revenir aux fondamentaux pour retrouver une France influente dans le monde

Compte tenu de l’actualité chargée, il ne serait pas étonnant de voir plusieurs contributions thématiques sur les relations internationales notamment pour souligner l’apparition d’une internationale réactionnaire et raciste, constater l’accroissement des taux de douanes des États-Unis ou encore implorant la fin des guerres en Palestine, en Ukraine ou en République Démocratique du Congo par, respectivement, les agresseurs russes, israéliens et rwandais. Contraint par le nombre de caractères, cette contribution sera malheureusement très synthétique.

Louis XIV, Napoléon Bonaparte, Charles de Gaulle ou d’autres chefs d’État français ont pensé la France à l’aune des mouvements mondiaux. C’est la raison pour laquelle une photographie des bouleversements mondiaux est importante avant d’envisager toute politique étrangère (I) afin d’évoquer quelques pistes politiques (II).

I La photographie des bouleversements mondiaux.

1. La désoccidentalisation du monde.

La perte de l’attractivité de l’Occident s’illustre par la distorsion entre ce qui est affiché et ce qui est fait par les Occidentaux. Une absence de congruence politique, autrement dit une politique du double standard qui témoigne de la perte du pouvoir symbolique de l’occident. L’application à géométrie variable du droit international en est l’illustration :  comment se fait-il que la France affirme du bout des lèvres que Benjamin Netanyahou aurait une immunité, mais que celle-ci n’est pas, à juste titre, applicable à Poutine ? Cette distorsion est la raison pour laquelle l’occident perd de son influence.

2. Trump ou l’opportunité de requestionner notre rapport aux États-Unis.

America First et cela a toujours été le cas dans la doctrine des États-Unis. Cette constante politique à travers les administrations américaines doit nous éclairer sur notre rapport à notre ami américain. En effet, les affaires Alstom, Crédit Agricole, Technip, BNP, le contrat des sous-marins avec l’Australie, le départ précipité en Afghanistan en sont des exemples parfaits. Il est tout à fait naturel de se demander si la politique trumpienne ne serait pas qu’un phénomène conjoncturel. Trump est brut certes, mais oui les États-Unis sont en déficits commerciaux avec l’Union européenne. Pour autant on assiste à une prise de conscience salutaire des européens à renforcer leurs intégration et coopération pour se protéger et tendre vers le moins de dépendance envers les USA.

3. La réalité de la guerre économique

Si le terme peut s’avérer trop fort pour certains, d’aucuns ne pourront contredire, à minima, que la France doive faire face à des affrontements économiques. Tout le temps, tous les jours, à chaque moment nos entreprises françaises, internationales ou stratégiques, font l’objet de déstabilisation ou prédation. Les rapports et notes de la DGSI sont nombreux pour en attester. Concurrencée âprement sur le volet économique, industriel et financier (plus de la moitié de la dette française est détenue par des étrangers), la France doit avant tout se renforcer économiquement sur le plan interne pour avoir les moyens de ses ambitions à l’international.

4. L’insuffisance de la planète pour les humains

La dégradation de l’environnement et des conditions climatiques est un facteur aggravant des risques mondiaux pour l’humanité affectant la paix et la sécurité internationales. La plupart des tensions, conflits et crises que nous connaissons procèdent des crises climatiques (accès à l’eau, disponibilité de zones arables, inondations…). C’est la raison pour laquelle nous devons penser et agir vers une société internationale de la protection de la biodiversité. Une des causes de l’immigration résulte de ces changements climatiques et ce n’est pas en construisant des murs que cela arrêtera les populations à fuir la mort.

5. La montée en puissance des pays tiers à l’occident

En lien avec le paragraphe sur la désoccidentalisation du monde causée par les Occidentaux eux-mêmes, des puissances régionales montent, s’affirment et se positionnent comme des acteurs incontournables des relations internationales. Chine, Inde, Brésil, Turquie, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis et d’autres États ont maintenant voix aux concerts des nations. Les alliances d’antan n’existent plus en tant que telles : l’accent est mis sur les partenariats tantôt stratégiques, tantôt commerciaux, tantôt financiers. La montée en puissance d’autres acteurs mondiaux dans tous les continents est favorisée par la mondialisation. La compétition est plus décentralisée et les partenariats se font de plus en plus par dossiers.

II Une réorientation diplomatique

1. Le retour aux fondamentaux

Défendre partout le droit international quand bien même cela déplairait à nos partenaires. La France est membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies et il serait illogique de voir la France s’éloigner des obligations en matière de droit international. Bien évidemment, le meilleur moyen de le défendre est de se l’appliquer à soi-même …

À l’heure où on observe une standardisation linguistique anglophone dans les pays francophones, il serait utile de penser un renouveau de la transmission de la langue française. D’abord dans nos zones francophones où l’anglais séduit de plus en plus, mais aussi dans les futurs relais de croissances mondiaux notamment en Asie. Exporter la langue française en toute modestie, sans arrogance, à travers différents formats actuels ou innovants et dans le respect des autres cultures en défendant les valeurs de la République française doit se repenser.

Promouvoir le multilatéralisme et chercher à engager les États à continuer leurs coopérations à travers le multilatéralisme ; d’autant plus que nous vivons dans un monde d’interdépendance des nations renforcé par la mondialisation. Reste la question des sous-groupes régionaux et notamment les Brics, le G7 et le G20. Il serait intéressant de moins mobiliser les réunions du G7 pour promouvoir beaucoup plus de réunions avec le G20 et les BRICS. Ceci permettrait de mieux coordonner les actions globales, diminuer les aventures régionales et mieux coordonner les politiques internationales notamment sur les sujets des dégradations climatiques et environnementales.

La dissuasion nucléaire reste un fondamental de notre garantie de sécurité et doit le rester. Investir dans la défense française dans une coordination de souveraineté européenne est le cap qu’on doit tenir. Pour autant, est-ce que la course aux armements est utile dans la mesure où elle accroitrait les tensions ? Pourquoi ne pas travailler sur le désarmement global au lieu de vouloir dépenser des centaines de milliards d’euros ? Autrement dit, pourquoi ne pas faire confiance à la diplomatie pour faire baisser les tensions ou encore arrêter les guerres ?  Il faut trouver un juste équilibre, mais la course aux armements ne doit pas être notre politique fondamentale. Bien au contraire !

Rester ou ne pas rester dans le commandement intégré de l’OTAN ? Telle est la question qu’on doit immédiatement évacuer. Être dans le commandement intégré de l’OTAN n’est pas antagoniste à l’idée de conserver cette singularité française de puissance d’équilibre avec les nations. Il faut savoir ce qui se passe dans le commandement intégré tout en conservant notre indépendance politique et nos intérêts. Être dans le commandement intégré de l’OTAN n’a pas empêché la Turquie d’acheter des S400 russes…

2. Fixer un cap et arrêter la diplomatie de la réaction

Depuis 2017, la politique étrangère française est brouillonne. La disparition du corps diplomatique est quant à elle curieuse et ne procède d’aucune logique pertinente. Malgré les compétences connues et reconnues au sein du ministère des Affaires étrangères, on ne saurait identifier quel est le cap de la France depuis 2017 sans parler de la perte d’influence de la France en Afrique. Les différents discours aux ambassadeurs ressemblent plus à des commentaires d’actualités qu’à un rappel de la ligne à tenir ou à une évolution de celle-ci. On assiste plutôt à une diplomatie de la réaction médiatique plutôt qu’à un travail méticuleux et organisé pour défendre les intérêts de la France.  Parmi ces intérêts, il y a les affaires européennes.

3. Redéfinir le ministère des Affaires européennes

Le ministère des Affaires européennes est sous la tutelle des affaires étrangères. Cela peut se comprendre d’un point de vue géographique. Pour autant, d’un point de vue technique et au regard des réalités de terrain, l’Union européenne c’est avant tout des affaires internes. En effet, tout notre droit est régi en grande partie par l’Union européenne, qu’il s’agisse de l’agriculture, des finances et de l’industrie, de la citoyenneté, des affaires judiciaires et policières, de la défense européenne… Par conséquent, il s’agirait ainsi de mettre sous la tutelle du Premier ministre le ministère des Affaires européennes opérant ainsi comme une interministérielle pour assurer une transversalité effective. Une organisation transversale permettant de mieux défendre les intérêts français dans les enceintes politiques et techniques de l’Union européenne.

4. Un pays européen avec un rayonnement mondial

A-t-on les moyens de nos ambitions ? Oui à condition de pouvoir se concentrer sur nos fondamentaux. La France a le plus grand territoire marin du monde et cela nous donne l’obligation de contrôler et protéger nos espaces marins. Il est plus que nécessaire de développer une économie de la mer en lien avec l’investissement militaire marin pour explorer, protéger, innover et contrôler ces zones marines. Notre présence maritime pour défendre nos intérêts doit être connue par tous que cela soit en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique Latine, dans les océans …

Exporter n’est pas facile et c’est très compliqué pour les sociétés françaises d’aller à l’international. Nous sommes excédentaires en aéronautique, la cosmétique ou encore la pharmacie. Bien que le nombre de sociétés exportatrices françaises augmente, il pourrait être beaucoup plus important si les grands groupes français chassaient en meute notamment avec leurs sous-traitants français de pour exporter. Par ailleurs, il y a trop d’acteurs institutionnels en charge de l’export ; les entreprises françaises gagneraient à n’avoir qu’un point de contact sous forme de bureau unique en charge de répondre aux questions de financement, de développement et d’accompagnement.

Alors que le monde est vaste, riche et diversifié, conclure une contribution thématique synthétique revêt d’une frustration intellectuelle. Alors que les schémas mondiaux sont en pleines mutations, il est du devoir du prochain président de la République d’accepter une mise à jour du logiciel des relations internationales. Nous ne sommes plus un monde d’États, mais un monde rempli de citoyens. Les relations sociales internationales conduisent à ne plus penser les relations internationales comme simples relations entre États, mais bel et bien d’un monde avec d’autres acteurs et de plus en plus connecté. Ces acteurs qui peuvent concurrencer les États et qui ont maintenant voix à la construction des relations internationales. En ce sens, la politique étrangère française doit se réincarner et dépasser le sempiternel clivage entre la ligne Atlantiste versus la ligne Gaullo-mitterrandienne. Elle doit être beaucoup plus innovante en lectures du monde, notamment par l’ajout de nouvelles grilles de lectures, innovante en matière de solutions et innovante en matière des incarnations de la politique française.

 


Contributeur : Mohamed Gareche (militant section Paris 20e)


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