École 2023 : Résoudre les difficultés scolaires ne peut pas reposer sur des missions supplémentaires, mal définies et à effectif constant

– Vendredi 6 janvier 2022

Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, l'Éducation et l'Accès aux savoirs

L’année 2023, pour les enseignants, ne débute assurément pas sous les meilleurs auspices à l’issue de l’interview donnée par le ministre de l’Éducation nationale Pap N’Diaye sur un grand média le 4 janvier au matin.

Après avoir « conseillé » aux organisations syndicales de ne pas se mobiliser contre la réforme des retraites – les syndicats apprécieront – tant que la Première ministre n’a pas fait ses annonces, le ministre a essayé tant bien que mal – plutôt mal que bien – de faire des propositions pour remédier aux difficultés de notre École qui aujourd’hui encore, malgré l’engagement sans faille des équipe éducatives, ne parvient pas à garantir la réussite de tous les élèves.

En annonçant un taux de recrutement de contractuels en augmentation de 0,5 % à 1,5 % en primaire et de 6,5 % à 8 % dans le second degré, Pap N’Diaye tente de remédier au manque de quelques 4 000 professeurs à la rentrée 2023. Il acte ainsi l’échec du premier quinquennat Macron/Blanquer qui n’a pas su redonner de l’attractivité au métier d’enseignant.

Et pour cause ! Ces difficultés de recrutement, on le sait, sont en grande partie liées au niveau de rémunération des enseignants. Or le gouvernement n’a jamais voulu ouvrir ce chantier. Rappelons pourtant que la revendication est légitime : en moyenne les enseignants français perçoivent un salaire inférieure de 10 % à celle de leurs collègues des 38 pays de l’OCDE. De même, si en 1980 un enseignant certifié en début de carrière percevait l’équivalent de 2.2 SMIC, il n’est plus que 1,2 SMIC aujourd’hui. La chute est vertigineuse, alors que le temps de travail des enseignants en France est passé à 900 heures par an contre 700 heures par an en moyenne dans les pays de l’OCDE. Le « travailler plus pour gagner moins » s’installe durablement…

De surcroît la promesse du candidat Macron d’augmenter sans condition de 10% tous les enseignants en 2023 – promesse faite le 22 avril 2022 sur France Inter – ne sera pas honorée, Pap Ndiaye niant même que cette promesse avait été faite.

Concernant les mesures pédagogiques, là encore la déception est perceptible. Évacuant totalement l’impact des inégalités sociales sur la réussite des élèves – pourtant connu de toutes et tous – le ministre s’est contenté d’annoncer un « renforcement des enseignements fondamentaux » pour les élèves les plus en difficultés. Cette mesure est pour le moins étonnante lorsque l’on sait qu’actuellement 73 % du temps de la scolarité obligatoire est déjà consacrée en France à ces enseignements fondamentaux contre 50 % en Europe !

De surcroît, les modalités de mise en œuvre restent bien floues, puisque ce sont des enseignants du premier degré qui, sur la pause méridienne ou le mercredi matin, viendront au collège effectuer ce travail supplémentaire.

Outre le fait qu’une seule heure hebdomadaire de soutien – soit 30 heures annuelles – ne saurait être efficace, cette mesure superficielle s’appuie sur l’expérimentation « 6ème tremplin » qui vient à peine de débuter dans les Hauts-de-France.

Le traitement de la difficulté scolaire mérite mieux que ces annonces qui restent conditionnées à la mise en place de dispositifs reposants sur des missions supplémentaires.

D’autant que le ministre continue de gérer la pénurie des moyens. La suppression des postes de RASED, d’enseignements spécialisés et de psychologues scolaires, ajoutée aux 800 suppressions de postes dans le premier degré et aux 500 dans le second degré déjà annoncées par le Ministre pour 2023, vont à l’encontre d’une amélioration des conditions de travail des enseignants et des élèves, condition essentielle de la réussite scolaire.

Enfin, la question de la mixité sociale et scolaire ne fait l’objet d’aucune proposition concrète de la part du ministre. En ces domaines pourtant, l’enseignement privé sous contrat ne prend pas sa part : La concentration des élèves favorisés et en réussite scolaire y est en très forte augmentation alors que les établissements qui en relèvent bénéficient d’un financement public à hauteur de 73 %. L’État doit assumer ici son rôle de régulateur et éviter l’installation d’un système scolaire à deux vitesses.

Au final, renouant avec les habitudes de son prédécesseur, le ministre a présenté des mesures superficielles, dénuées d’ambition, qui ne règlent en rien les besoins les plus criants de l’École de la République.

Il y a pourtant urgence à faire baisser les effectifs des classes, à faciliter le travail en commun entre les enseignants du premier degré et du collège, à rétablir les postes de RASED et de psychologues scolaires, à revaloriser tous les enseignants, à remettre en place une véritable formation initiale et continue et à faire de la mixité sociale et scolaire une réalité indispensable pour une École plus solidaire, plus juste et plus fraternelle.

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