– Mercredi 2 novembre 2022
Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, l'Éducation et l'Accès aux savoirs
Le sensationnalisme, la course à l’audimat n’épargnent pas le monde de l’École, loin s’en faut.
Les clichés, les caricatures, les amalgames sont les moteurs de certaines chaînes « d’informations » en continu qui, plutôt que de s’intéresser aux problématiques éducatives de fond, surfent sur les peurs pour attirer les téléspectateurs… et les annonceurs publicitaires en quête d’audiences lucratives.
Le thème de la « violence à l’école » fait partie de ces sujets fétiches régulièrement agités par ces chaînes à la moindre occasion.
C’est ainsi que tout récemment, le lundi 17 octobre dernier pour être précis, une chaîne d’information continue diffusait en boucle un reportage intitulé : « Contagion de la violence dans les lycées ». On s’attendait alors à découvrir des images de lycées transformés en champs de bataille, de cours de récréation devenues des terrains d’affrontements ou encore de classes transformées en ring de boxe …. Mais dans les faits, point de tout ceci.
Derrières ces annonces anxiogènes et pour le moins « racoleuses », la réalité est toute autre : celle de tensions, d’échauffourées non pas à l’intérieur des lycées comme annoncé dans le titre des informations mais aux abords des établissements. Une différence qui n’est pas anodine et qui surtout en dit long sur la désinformation assumée par des journalistes bien peu scrupuleux.
Quant à la « contagion » de ces violences dans les lycées, on attend toujours depuis cette annonce la liste des lycées « contaminés », par exemple en Ile-de-France souvent citée dans les reportages.
Dans la même semaine, le traitement de cette question des violences aurait pourtant pu bénéficier d’une approche pour le coup sérieuse et crédible en s’appuyant sur l’enquête publiée par l’Autonome de Solidarité Laïque – un organisme qui depuis près de 120 ans soutient, accompagne et protège les personnels de l’éducation face aux risques de leur métier - observant très concrètement les réalités du terrain et informant les décideurs et l’opinion publique de la situation réelle pour faire émerger des solutions qui permettent une amélioration de la situation.
Que nous dit cette enquête de climat scolaire et de victimation dont l’échantillon porte sur 8 851 répondants répartis sur tout le territoire ? Si le climat scolaire s’est dégradé ces dernières années, la relation aux élèves ne s’est pas détériorée, le sentiment qu’il existe de la violence dans les établissements n’a pas évolué, les violences physiques n’augmentent pas, les violences d’intrusion restent rares.
C’est ainsi que concrètement la victimisation par les personnels reste stable, celle des personnels par les élèves à baissé de plus de 2 % quand 98 % des personnels déclarent n’avoir jamais été victimes de violences physiques. On notera également que seuls 0,4 % des personnels déclarent avoir été agressés par des individus extérieurs à l’établissement.
Les victimations restent par ailleurs inégales en fonction des contextes d’exercice et des fonctions, selon que l’on se trouve en Éducation prioritaire, en lycée général ou professionnel, les personnels de direction étant les plus exposés.
Mais surtout cette enquête pointe le mal-être grandissant des enseignants vis à vis de leur hiérarchie rectorale et ministérielle, vis à vis des réformes du quinquennat Macron/Blanquer et des lacunes de leur formation : 78 % des enseignants se sentent non respectés par leur hiérarchie, 7 % seulement ont une bonne appréciation des réformes et 7 enseignants sur 10 s’estiment mal formés.
À l’évidence, ces indicateurs scientifiques concrets, précis et étayés n’intéressent-ils pas ces chaînes d’information continue qui persistent à renvoyer une image anxiogène de nos établissements scolaires, au risque de déconstruire le travail quotidien des équipes éducatives dont l’abnégation et l’engagement pour une vie scolaire apaisée et propice aux apprentissages méritent notre respect et notre reconnaissance.
Pour les socialistes , le véritable enjeu d’un mieux vivre pour les élèves comme pour les équipes éducatives passent par des propositions simples et concrètes : renforcement de la présence humaine -enseignants , éducateurs, psychologues et médecine scolaires - ; aménagement de locaux scolaires de convivialité pour le bien-être des élèves ; formation initiale et continue des enseignants ; mise en place de projets pédagogiques basés sur la coopération et l’entraide ; co-construction des réformes avec les enseignants et non plus de manière injonctive …
Autant de pistes de travail qui contribueront à faire de nos établissements scolaires et de leurs abords des lieux de solidarité, de bien-être et d’apprentissages pour tous : ça n’est pas du sensationnalisme, c’est la réalité d’une urgence éducative.