École publique, École privée : pour un projet réaffirmé de notre école républicaine


Thème : Éducation


 

La France possède une spécificité mondiale concernant son école : celle de financer à 75 % les établissements privés, le plus souvent religieux, par le denier public, ce qui coûte à l’Etat 11 milliards par an ! Paradoxe de notre État laïc : le choix de ne pas scolariser ses enfants dans un établissement public est donc financé par le premier budget de l’État. Les annonces d’Élisabeth Borne masquent mal l’absence totale de contrôle sur ces établissements que ce soit sur le fonds scientifiques et pédagogiques des enseignements que sur l’encadrement, la sécurité des jeunes qui y sont accueillis ou encore sur le refus de ces écoles de respecter la mixité sociale et donc d’assurer l’égalité des chances sur notre territoire.

La médiatisation de «l’affaire Betharram » le 11 février 2025, par un article de Mediapart et les révélations quasi-quotidiennes portées par les collectifs des victimes de violences dans les établissements catholiques nous obligent à questionner l’enseignement privé, sa place en France, son encadrement ou sa disparition.

Le Parti Socialiste a toujours défendu la vision d’une école publique émancipatrice, citoyenne et qui promeut les valeurs de notre république sociale, une école qui ne laisse personne au bord du chemin et qui fait de l’altérité la pierre angulaire de notre pacte républicain. Alors que l’extrême-droite cherche à exacerber les divisions entre les habitants de notre territoire, il est urgent de réaffirmer les idéaux socialistes qui avaient initié le projet de loi Savary de 1983 pour notre école, premier pilier du « vivre-ensemble » républicain.

I : L’école privée en France : un « fossé social » pour notre société :

La part de l’enseignement privé en France reste stable depuis le début des années 1990 soit 15 % environ des élèves scolarisés dans l’un des 7500 établissements hors ou sous-contrat de notre pays. Derrière ce chiffre, des disparités majeures apparaissent : entre les régions, entre les villes et nos espaces ruraux, entre le premier et le second degré mais surtout dans les catégories socio-professionnelles accueillies. Ce dernier élément se construit en véritable « fossé social » pour notre société, selon l’économiste et chercheur Julien Grenet, pour deux raisons principales :

  • La baisse démographique globale et la désertification de certaines régions accentuent cet écart, la perte des effectifs se faisant ressentir majoritairement dans le public.
  • Les raisons du « choix » du privé n’est plus d’ordre confessionnel, mais bien culturel et social : les familles des classes les plus favorisées utilisent l’offre du privé pour contourner le service public. Si les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées représentaient 30 % du public accueilli dans le privé au début des années 2000, elles représentent aujourd’hui 41 % ; pour les familles les plus défavorisées, le pourcentage d’élèves accueillis chute de 24 % à 16 % sur la même période (INSEE 2023).

L’école privée s’affirme donc comme solution d’un séparatisme social, d’un entre-soi, notamment au sein de nos métropoles (49 % des collégiens de Lyon sont scolarisés dans le privé), qui risque de prendre des proportions très importantes dans les dix prochaines années selon le chercheur cité précédemment. De nombreuses familles, bien moins favorisées, se tournent également vers le privé dans l’objectif bien légitime de donner toutes les chances de réussite à leurs enfants. Devant l’effondrement des conditions d’accueil et d’enseignement du secteur public, le choix du privé devient un “sacrifice financier” que nous ne pouvons plus accepter. Notre pays doit se donner les moyens d’un service public fort et de qualité pour toutes ces familles, afin que l’éducation des enfants soit une chance et non un coût financier supplémentaire.

L’enseignement privé ne peut ni ne doit plus se nourrir des carences de l’école de la République.

La question des moyens –notamment sur la question des absences non remplacées-, des effectifs, l’état du bâti, de la formation des personnels, de la proximité géographique, de l’accueil de la grande difficulté scolaire ou des élèves en situation de handicap sont autant d’arguments avancés par les familles pour expliquer le choix de l’évitement. Face aux renoncements d’une macronie à l’agonie qui a imposé la succession de huit ministres en moins de sept ans à l’Education nationale, il est indispensable que le Parti Socialiste se dote d’un projet clair pour remettre l’école publique à sa place la première.

Face à ce constat, la Parti Socialiste propose :

  • Un « plan d’urgence éducation » pour redonner une véritable attractivité à l’ensemble des métiers de l’enseignement public (enseignants et personnels d’encadrement éducatif, pôle médico-psycho-social et administratifs), en revalorisant massivement les salaires pour s’aligner sur les pays de l’OCDE.-un plan pluriannuel de recrutements qui permette de fixer et de stabiliser les objectifs de recrutements
  • Une évolution des accords « Lang-Cloupet » de 1992 qui avaient instauré le cadre actuel de recrutement et de formation de l’enseignement privé, et donc la fin progressive du financement massif de l’enseignement privé par le denier public.
  • La création d’un cadre législatif qui imposera réellement la mixité scolaire au sein des établissements privés à l’instar de ce que les parlementaires socialistes ont récemment engagé au travers d’une proposition de loi –rejetée par la droite- .
  • La suppression de la réforme « ParcourSup », qui pénalise les lycées de nos établissements publics les moins favorisés, en les plaçant en concurrence avec l’école privée.
  • Instaurer des quotas dans les formations sélectives du supérieur au profit des élèves issus des lycées publics fondé sur le ratio des élèves de Terminale scolarisés dans le public et les élèves de Terminale scolarisés dans le privé au moment de son entrée en vigueur.

II : Réaffirmer l’école de la République :

Il existe un paradoxe assumé dans le discours de l’extrême-droite et du bloc « Droite-Renaissance » qui consiste à voir des éléments de « séparatisme » partout dans notre société, en relayant abondamment les informations plus ou moins vérifiées des grands groupes médiatiques privés. Le moindre fait de violence dans nos écoles publiques est immédiatement perçu comme la perte d’une « autorité enseignante », fantasmée comme toute puissante dans les décennies précédentes. Cette nostalgie est relayée par les mêmes acteurs qui ont à cœur de « marchandiser » l’école publique et de la percevoir en termes de coût plutôt que d’investissement pour notre société. La polémique autour des EVARS a montré le manque de soutien, dans le discours comme dans les actes, du gouvernement face aux attaques des collectifs conservateurs tels que « parents vigilants » ou « parents en colère ». Ces attaques contre les valeurs font échos aux politiques anti-LGBTQI+ de certains établissements privés, révélés par le feuilleton médiatique du lycée privé Stanislas dans lequel étaient scolarisés les enfants de l’ex-ministre Amélie Oudéa-Castéra.

Penser la politique éducative, c’est anticiper demain et choisir les valeurs et les modèles qui devront être partagés pour faire société. En laissant l’école privée s’imposer comme une alternative avantageuse par les familles, nous prenons collectivement la responsabilité de laisser des discours homophobes, transphobes, conservateurs, parfois racistes et remettant en cause la laïcité, s’épanouir et se diffuser...dans des établissements majoritairement financés par l’État ! Les enfants méritent une école où l’apprentissage de la tolérance et la culture scientifique sont des acquis et dans laquelle leur sécurité ne dépend pas d’une vision cultuelle ou culturelle. Le Parti Socialiste réaffirme que la liberté de conscience se construit avant tout grâce à l’application de la loi de 1905 et d’un enseignement laïc.

La quasi-absence de contrôle des établissements privés, y compris sous-contrat –un contrôle tous les 150 ans !-, nous impose une réaction politique et judiciaire. Les révélations sur les violences physiques, psychologiques et sexuelles qui s’y sont déroulées, malgré les alertes aux élus de la République ou des autorités académiques s’enchaînent et c’est pourquoi nous devons lutter, aux côtés des victimes et lanceurs d’alerte pour imprescriptibilité des violences commises sur les enfants et la création d’un statut national des victimes d’abus dans ces établissements privés.

Face à ce constat, la Parti Socialiste pourrait proposer :

  • La mise en place d’une enquête parlementaire nationale sur les enseignements des établissements privés.
  • Le non-renouvellement des contrats de l’État avec les établissements qui font intervenir des associations ou collectifs dont les valeurs sont contraires à celles de la République et de la dignité humaine.
  • Interdire l’ouverture de formations du supérieur par les établissements privés du secondaire.
  • Le non-renouvellement des contrats de l’État avec les établissements dans lesquels les violences sur les mineurs n’ont pas été sanctionnées pénalement.
  • L’obligation pour les enseignants de l’ensemble des établissements publics et privés de suivre une formation initiale et continue sur les luttes contre les discriminations et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
  • Afin de prévenir la santé des élèves du privé, permettant aussi une vigilance sur les risques de violence, obliger les établissements privés sous contrat d’avoir les mêmes obligations que les établissements publics en matière de santé scolaire (article L541-1 du code de l’éducation)
  • Les collectivités territoriales ne doivent plus financer les patrimoines d’établissements privés. L’argent public ne doit pas contribuer à valoriser un patrimoine privé (comme le fait par exemple la majorité de droite pour la Région Île-de-France).

L’école publique doit garder sa place centrale, celle d’un bien commun au service de la réussite de tous les élèves. Nous devons redonner à l’école publique les moyens d’assurer ses missions et engager une politique d’envergure sur le recrutement des personnels, notamment enseignants, et sur leur formation afin de redonner sens à ces carrières. Nous devons enfin initier le courageux chantier de la refonte de la carte scolaire afin de redonner à l’école publique son rôle citoyen et émancipateur. Seule la promesse républicaine portée par notre modèle éducatif laïc et public permettra aux futurs citoyens que sont les élèves de lutter efficacement contre les attaques de l’extrême-droite sur notre démocratie.

Au-delà de l’émotion soulevée par les affaires médiatisées de Betharram ou des institutions du Bon Pasteur, le Parti Socialiste doit se réaffirmer comme le parti de l’école publique et de la laïcité. C’est ce projet que nous portons et qui doit s’incarner dans un contrôle strict de l’enseignement privé et la fin de certains contrats d’école ainsi qu’un investissement massif pour notre école publique qui pose les fondements de notre République auprès des plus jeunes.

Une école publique et laïque juste pour tous, exigeante pour chacun, une école qui garantit le droit à l’excellence pour tous et la démocratisation de la réussite : c’est le seul chemin pour reconquérir la confiance des familles et au-delà, de nos concitoyens.


Contributeurs : Yannick Trigance (93) - Valérie Lieppe de Cayeux (44) -Dominique Barjou (94) - Stéphanie Coupé (50) - Maxime Rodrigues (87) - Nicole Vassiliadis (94) - Valérie Delestre (75) - Louis Bichebois-Delhief (89) - Brigitte Marciniak (56) - Anne-Sophie Sidani (13) - Christelle Berenger (41) - Anne Boyé (44) - Tarek Hamed (29) - Bruno Cirefice (94) - Christine Rescoussié (94) - Aurore Gougain (94) - Yves Tuffet (94) - Arthur Mesmin (77) - Alain Berger (94) - Hamadi Zouabi (94)- Julien Favre (77) - Jonathan Kienzlen (94) - Anne Soleilhavoup (75) - Frédérique Meynet (74)- Dominique Ramuscello (81) - Angélique Susini (94) - Sylvie Levesque (94)


 

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