Education et territoires


Thème : Éducation


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Chaque jour, nous constatons que la promesse républicaine n’est plus respectée. La convocation des  grandes références républicaines et de l’école comme promesse d’ascenseur sociale est devenue une  langue morte pour nos concitoyens les plus fragiles.  

Nous savons que l’école n’est pas seule responsable mais qu’elle est emportée par ce constat.  

Les inégalités scolaires se creusent, à chaque âge, à chaque niveau, au sein de chaque territoire. Elles  s’aggravent du fait d’un mal profond qui ronge l’école de la maternelle à l’enseignement supérieur : le  séparatisme social.  

Si les phénomènes de reproduction sociale ne sont pas nouveaux, ils sont aujourd’hui accentués par  les politiques d’évitements scolaires, d’entre soi, par l’affaiblissement du service public d’éducation au  détriment du privé. Les inégalités et les phénomènes de ghettoïsation sont renforcés par des politiques  du logement déficientes, par des politiques de l’emploi inefficaces, par un service public de  l’orientation professionnelle en faillite.  

L’école est en première ligne face à la grande pauvreté qui accélère les inégalités scolaires.  

Les territoires ont pris une place prépondérante dans les enjeux éducatifs : Les régions ont la charge  de l’orientation et de la coordination de la lutte contre le décrochage scolaire, la coordination des  politiques jeunesse. Les départements ont la charge de la protection de l’enfance, de la petite enfance.  Les communes pilotent la politique de la ville, l’accompagnement éducatif local, le temps périscolaire.  

Les espaces de coopération, de coordination, de co-construction sont des enjeux politiques majeurs.  

Les socialistes ont toujours considéré l’Ecole, et l’éducation comme le levier central de l’émancipation.  Comme une base inaltérable du pacte républicain. A cet égard, c’est à la gauche et aux socialistes en  particulier que l’on doit les dernières grandes réformes pour une école plus juste et plus démocratique.  

Mais les socialistes, pourtant pionniers de la décentralisation n’ont pas suffisamment pensé l’Ecole et  son ancrage territorial. Penser l’école et les territoires ce n’est pas affaiblir l’idée d’un cadre national,  garant de l’égalité de traitement entre les jeunes et leurs familles. C’est au contraire, partager plus  fortement une ambition émancipatrice et se donner les moyens d’en faire une réalité, partout.  

Au-delà des mesures concrètes à mettre en œuvre qui devront être inventées avec l’ensemble des  acteurs éducatifs, cette contribution invite à mobiliser l’ensemble des socialistes qui travaillent  quotidiennement en faveur de l’Education à se coordonner, se faire entendre et partager la nécessité  d’une grande ambition nationale et républicaine pour l’Education. Cette démarche devra s’articuler  avec les actions et les initiatives locales qui ont besoin de trouver un débouché ou une reconnaissance  politique nationale, un cadre de pensée, ou tout simplement entrer en résonnance avec les politiques  décidées rue de Grenelle.  

S’il est aujourd’hui indispensable de renouer avec une grande ambition éducative, il est vain de penser  une meilleure réussite sans un changement de méthode et de mise en œuvre des politiques  éducatives, notamment à travers l’échelon local.  

  1. Agir en faveur de la mixité sociale  
  2. Rééquilibrer les responsabilités entre l’enseignement public et l’enseignement privé 

Dans le domaine scolaire, l’absence de mixité est devenue la règle. Pour de nombreuses familles,  notamment issues des milieux les plus favorisés, les stratégies d’évitement sont étudiées et  reproduites à tous les âges, dans tous les territoires.  

L’enseignement privé, considérablement renforcé par le ministre Blanquer, est devenu le refuge pour  toutes celles et tous ceux qui pensent que l’entre-soi est une promesse de réussite scolaire.  Récemment, la publication des IPS (Indice de positionnement social) des établissements a illustré cette  fracture sociale entre la majorité des établissements de l’enseignement privé et l’enseignement public.  

Massivement financée par l’argent public des collectivités et de l’Etat, l’affectation des moyens doit  prendre en compte les données relatives au niveau social des familles de l’enseignement privé.  

  1. Sectorisation  

La sectorisation scolaire est l’autre grand levier à la main des collectivités pour favoriser les politiques  de mixité.  

Pour casser les ghettos, il convient d’avoir des politiques de sectorisations volontaristes qui peuvent,  le cas échéant, être mises en œuvre par l’intermédiaire de transports scolaires gratuits et d’accès à la  restauration, à l’instar de ce qui a été réalisé à Toulouse pour sectoriser des élèves d’un collège très  défavorisé au sein des établissements les plus favorisés de l’agglomération Toulousaine.  

Il est également nécessaire de renforcer le financement des projets locaux en fonction des moyens des  familles. C’est un levier puissant pour construire des démarches projets consenties avec les parents.  

  1. Education prioritaire  

L’éducation prioritaire ne doit pas se limiter simplement à l’affectation de moyens (indispensables)  supplémentaires. A l’image du dispositif des « Cités éducatives », l’éducation prioritaire pensée  comme volet éducatif d’une politique territoriale est un moyen d’inscrire l’école et les dynamiques  éducatives au sein d’une politique globale (logement, santé, culture, sport…) et avec des acteurs  diversifiés.  

L’éducation prioritaire doit pouvoir s’adapter aux spécificités territoriales afin de limiter les effets de  bordure trop souvent constatés (écoles dites « Orphelines »)  

  1. La gratuité de l’éducation  

Les collectivités de gauche ont fait avancer la réalité de la gratuité de l’école.  

Qu’il s’agisse des communes qui mettent en œuvre des politiques d’achats de fournitures scolaires ou  encore des Régions, qui en 1998, à la faveur de l’arrivée aux responsabilités des socialistes et de leurs  alliés ont rendu possible la gratuité des manuels scolaires ainsi que le financement des trousseaux pour  les lycéens professionnels.  

S’il ne s’agit pas de remettre en question la liberté pédagogique des enseignants dans leurs choix de  manuels, ou de fournitures, il est important que des mécanismes encadrent les demandes faites aux  familles.  

  1. Les soutiens aux projets éducatifs locaux  

De la même manière, trop de projets éducatifs ne peuvent aboutir faute d’une capacité contributive  des familles suffisantes. 

Les collectivités, ont la possibilité, sur la base des IPS ou des QF moyens relevés dans les établissements  de mettre en place des dotations éducatives pour permettre aux établissements de mener à bien leurs  projets.  

  1. Le cout de l’ambition scolaire  

Lutter contre les inégalités à l’Ecole, c’est favoriser l’accès du plus grand nombre à une restauration  scolaire de qualité.  

L’enjeu d’une restauration locale et bio est un élément déterminant pour accompagner la transition  écologique. Garantir une tarification sociale et progressive est un enjeu de justice. Pour ce faire, la  mise en œuvre d’une tarification au QF doit se généraliser et les collectivités doivent être  accompagnées pour mettre en œuvre ces dispositions.  

La mobilité des élèves est un enjeu qui se pose à l’ensemble des territoires, et particulièrement aux  territoires ruraux. L’accompagnement à la mobilité doit être à la fois matériel et culturel. Matériel par  des politiques tarifaires de gratuité comme cela se fait dans de plus en plus de territoires régionaux ou  urbains, culturel par des accompagnements socio-éducatifs autour de l’enjeu des mobilités  territoriales.  

  1. Défendre une école inclusive  

Au-delà des ambitions affichées par le niveau national, la mise en œuvre d’une école inclusive  permettant la scolarisation, mais également l’accueil sur les temps en dehors du temps scolaire de  tous les enfants doit rester un objectif prioritaire.  

L’Etat doit mieux accompagner les collectivités dans ce domaine, seules à même de rendre ce droit  effectif. Les personnels doivent être mieux reconnus, tous les temps de prise en charge de l’enfant  reconnus et le lien avec le secteur médico-social repensé.  

  1. L’école comme espace d’ouverture et d’épanouissement  

Si la Culture et le Sport sont régulièrement convoqués par le niveau national pour être érigés en  « grande priorité », dans les faits, ce sont les collectivités qui assurent les ressources pour leur mise en  œuvre. Equipements, personnels, soutiens financiers, c’est bien le niveau local qui permet la  concrétisation et la démocratisation de l’accès à ces politiques publiques.  

Les labellisations nationales (type 100% EAC) peuvent être utiles si elles portent à la fois sur le soutien  à la création et l’accompagnement des territoires. Comme cela avait été le cas du plan Lang-Tasca en  2001.  

Sur un tout autre sujet, mais qui occupe une place de plus en plus importante dans les établissements,  l’éducation à la transition écologique, les collectivités sont le principal pourvoyeur de ressources.  D’une part, car c’est sur leurs territoires que se mettent en place beaucoup de solution concrètes,  notamment en matière de transformation du bâti scolaire, d’autre part, car elles disposent des champs  d’expérimentation variés dans le cadre de leurs compétences.  

La reconnaissance par le niveau national de cet enjeu devient prioritaire, tant dans l’accompagnement  des équipes éducatives que dans le soutien aux initiatives locales.  

  1. Agir en faveur de la co-éducation 

Politique de la petite enfance, de l’enfance, de la jeunesse, de l’insertion, politique de la ville, les  domaines d’interventions des collectivités aux cotés de l’école sont nombreux.  

  1. Politique enfance et jeunesse  

En 2012, en marge de la loi de Refondation de l’Ecole, les activités périscolaires ont retrouvé une place  importante. Ces temps éducatifs ont permis de penser autrement les rapports éducatifs de millions  d’enfants et ont démontré une réelle complémentarité avec le temps scolaire.  

Trop de communes sont revenus en arrières dans leur ambition en matière périscolaire. Ce  mouvement doit pourtant être soutenu et développé tant il permet d’accompagner l’émancipation et  l’ouverture des enfants.  

Sans rouvrir le débat complexe de la semaine de 4 jours, il est important de ne pas perdre de vue que  les enfants de France, avec 162 jours d’école par an, sont parmi ceux qui fréquentent le moins les  écoles sur l’ensemble de l’année scolaire et qu’un rééquilibrage reste un objectif, en complémentarité  avec les autres temps de l’enfant, notamment les temps extrascolaires.  

  1. L’enjeu de l’éducation populaire  

Ce rééquilibrage des différents temps de l’enfant passe aussi par un soutien accru aux mouvements  d’éducation populaire. Notamment pour accompagner des droits fondamentaux comme le droit aux  vacances pour tous les enfants. Longtemps les collectivités ont soutenu ces mouvements et ont permis  le développement des colonies de vacances. Pour des raisons financières, ces politiques ont trop  souvent été abandonnées.  

Sur ces champs qui concernent tous les âges, des coopérations inter-collectivités doivent être  encouragées par des accompagnements financiers mais également des facilités règlementaires pour  l’accompagnement et l’encadrement de ces temps collectifs.  

  1. Agir en faveur des personnels  

Le métier d’enseignant doit être revalorisé financièrement, soutenu et accompagné. Après les années  Blanquer, c’est un enjeu immense qui doit mobiliser toute la gauche.  

L’encadrement déconcentré de l’éducation nationale doit être également repensé pour répondre aux  enjeux des personnels éducatifs de terrain.  

Les collectivités ont également un rôle dans ce domaine. L’hétérogénéité des métiers et des statuts à  l’échelle locale est préoccupante. Qu’il s’agisse des ATSEM, des animateurs ou des travailleurs sociaux  qui accompagnent les jeunes et leurs familles, des assises locales des métiers éducatifs permettraient  à la fois une meilleure clarification des missions et une revalorisation des carrières et des métiers.  

Les travaux ouverts par le gouvernement sur l’animation doivent permettre de préciser les formations,  statuts, les évolutions de carrière…  

  1. Garantir plus de démocratie et de transparence dans l’Education  

Parce que c’est un enjeu de société majeur et que cela mobilise l’ensemble de la nation, l’école  représente un enjeu démocratique majeur.  

  1. La place des jeunes et des familles  

Au-delà des instances formelles, la parole des enfants et des familles sont déterminants pour un  rapport apaisé à l’école et une implication et une compréhension des enjeux éducatifs. 

Parce que les collectivités sont un échelon de proximité et du quotidien, elles doivent se saisir de cette  responsabilité en favorisant l’expression, la prise en compte et la mobilisation des familles.  

Reconnaître les parents comme les premiers éducateurs des enfants implique des actions et des  moyens en faveur de la parentalité. La recherche de la médiation entre les acteurs éducatifs et les  usagers revient au niveau local, c’est un enjeu de reconnaissance de l’Ecole au cœur de la cité.  

  1. Les instances de l’Education  

Pour construire des espaces d’échanges et de confrontation sérieux, les instances du niveau territorial  doivent être repensées.  

Du conseil d’école, au Conseil académique ou départemental de l’Education nationale, le pilotage  territorial de l’Education nationale doit s’incarner à la fois dans la composition de ses instances et dans  ses compétences.  

  1. Pour une politique Educative cohérente et respectueuse  

Les moyens éducatifs consacrés par l’Etat aux territoires doivent être mieux définis et plus  transparents. Ils doivent être pluriannuels et prendre en compte les situations locales.  

La contractualisation peut être un levier pertinent dès lors qu’elle fait l’objet d’une réelle co construction.  

Mais cette construction pluriannuelle doit être cohérente. A titre d’exemple, la définition annuelle de  la carte scolaire pour le 1er degré provoque traumatisme et démobilisation des acteurs locaux.  Lorsqu’on constate dans des zones à la dynamique démographique fragiles des ouvertures et des  fermetures de classe d’une année sur l’autre, ni les collectivités, ni-même les personnels nommés ne  peuvent construire une ambition éducative. Il conviendrait donc que les mesures de cartes scolaires  soient prises pour une période de 3 ans en cohérence avec l’affectation des différents moyens dévolus  à l’échelon local.  

Enfin, et en veillant à maintenir le cadre et l’ambition nationale de l’Education, des espaces locaux  d’expérimentations doivent être développés et encouragés afin de nourrir des ambitions éducatives  puissantes et résoudre des problématiques ancrées durablement dans le quotidien de nos  concitoyens.  

Préserver une ambition politique puissante pour la place de l’Education dans notre société et la faire  vivre en s’appuyant sur la réalité des acteurs et du monde tel qu’il est vécu, voilà une ambition à  laquelle s’attellent depuis longtemps de nombreux militants, bénévoles, élus, citoyens. Voilà une  ambition que les socialistes doivent porter avec sérieux et conviction.  


Les signataires : 

Emilie KUCHEL, adjointe au Maire de Brest en charge de l’éducation, membre du Réseau Français des  villes éducatrices  

Benjamin VETELE, adjoint au Maire de Blois en charge de l’éducation, conseiller départemental  membre du Réseau Français des villes éducatrices  

Franck GAGNAIRE, adjoint au Maire de Tours en charge de l’éducation, membre du Réseau Français  des villes éducatrices 

Fanny DOMBRE-COSTE, 1ère adjointe au Maire de Montpellier en charge de l’éducation, membre du  Réseau Français des villes éducatrices  

Charlotte BRUN, adjointe au Maire de Lille en charge de l’éducation, membre du Réseau Français des  villes éducatrices 


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