Europe : fédéralistes dans un monde qui change


Thème : Europe


 

Face à l’instabilité et aux incertitudes du monde, nos convictions et notre détermination, de socialistes donc d’Européen.ne.s, restent inchangées : l’Europe ne pèsera qu’unie ; seule l’évolution vers un fédéralisme assumé lui permettra d’agir efficacement ; cette évolution ne peut se faire qu’avec une coalition d’Etats volontaires, un noyau ouvert à tous, pour s’engager dans cette voie ; et elle suppose un saut en avant démocratique permettant de légitimer ses interventions.

Nous vivons la poursuite d’une évolution trentenaire vers un monde multipolaire, auquel la France et l’Europe ont toujours été favorables et qui est porteur de chance et d’espoir pour le développement des régions du monde les plus démunies face à la pauvreté et au changement climatique. Le souhait de la Chine d’affirmer son leadership – y compris par l’impérialisme dans sa zone d’influence proche ; la tentative de nombreux Etats africains de trouver une voie entre la mainmise des anciennes puissances coloniales et l’impérialisme de nouveaux acteurs (Russie, Chine, Turquie, voire Etats-Unis) ; la crise d’institutions multilatérales construites dans le contexte de blocs homogènes et peu nombreux à peser ; l’émergence de nombreuses puissances intermédiaires (Inde, Brésil, Indonésie et autres BRICS)… sont autant de signaux de cette nouvelle donne.

Au cœur de ce désordre apparent, l’Europe se défait tranquillement de ses idoles libérales et libre-échangistes, et se forge un nouveau destin : le progrès démocratique et social, la préférence pour la coopération et la paix, le respect de tous les peuples, la primauté de la préservation de l’écosystème planétaire.

La paix n’est pas, comme on a pu le penser à l’ombre du parapluie américain depuis 1945, un acquis définitif. La paix comme la liberté des peuples doivent être défendues. La sécurité du continent mérite une prise de conscience radicale. Il ne sera plus possible de différer notre indépendance, non seulement au plan militaire mais énergétique, industriel, stratégique – qu’elle concerne la fabrication de produits de santé, de biens et services essentiels ou la liberté de ne dépendre d’aucun Etat extérieur à l’Europe pour décider de notre avenir.

A l’inverse, nous couper du monde ne nous préservera pas de ses désordres. Il est illusoire de construire l’Europe-forteresse, et à l’isolement nous préférons l’échange équitable. Celui-ci ne peut se satisfaire de voir d’autres pays développés, après les Etats-Unis, sacrifier l’aide au développement des régions et populations les plus défavorisées de la planète. De manière plus superficielle et quotidienne, on voit mal comment le nucléaire français pourrait se passer d’uranium importé, ni comment on puisse fabriquer du plastique sans pétrole et cultiver chocolat et café sous nos climats. L’échange équitable, ce sont les clauses de réciprocité sur les normes sociales et environnementales, le devoir de vigilance des multinationales, les sanctions envers les Etats et les acteurs privés qui contournent les normes protectrices, les systèmes fiscaux et les régulations publiques.

La campagne des élections européennes 2024 a été l’occasion, pour notre parti, de développer d’autres approches que le seul axe d’une « Europe qui protège », proposition qui n’a jamais été suffisante pour accrocher l’attention et l’intérêt d’un électorat gagné par le scepticisme sur l’utilité et l’efficacité du projet européen. Le projet présenté en 2024 a été mobilisateur et permis de restaurer notre crédibilité politique ; il n’a pas encore permis de nous attribuer un leadership en France et en Europe, puisque si la délégation socialiste française a doublé ses effectifs, personne n’oublie que les socialistes européens n’ont pas progressé, et que les grands vainqueurs de l’élection de juin dernier étaient les partis d’extrême-droite, nationalistes, souvent eurosceptiques, parfois pro-Poutine.


L’Union Européenne aujourd’hui est une agence de moyens, une timide autorité de régulation du système néolibéral et un comité des normes. Elle ne trouvera pas son salut dans le seul concept d’Europe du quotidien, saupoudrant souvent des subventions sur des actions de proximité relevant des politiques locales des collectivités territoriales.

L’Union Européenne trouve sa raison d’être et sa valeur comme échelon stratégique d’action à l’échelle mondiale et pour les peuples qui la composent. L’Europe doit :

A l’intérieur de ses frontières :

  • garantir son indépendance et son autonomie dans les domaines de la santé, de l’alimentation, de l’énergie et du numérique ;
  • développer une politique industrielle, une politique de recherche et une vision planifiée des besoins en compétences pour répondre aux défis de notre temps ;
  • inventer le cadre juridique des services publics européens pour préserver l’intérêt collectif et procurer efficacement la réponse aux besoins des habitant.e.s ;
  • assurer à ses travailleurs.euses le meilleur traitement possible ;
  • colmater les brèches entre systèmes fiscaux ;
  • réguler les systèmes financiers, y compris dans un environnement monétaire marqué par les cryptomonnaies, pour assurer la stabilité de l’économie et la liquidité des investissements ;
  • garantir l’état de droit, la démocratie et la liberté sur l’ensemble de son territoire.

A l’extérieur de ses frontières, garantir son indépendance en matière diplomatique, de défense et humanitaire, contribuer au développement des régions les plus pauvres et agir pour la stabilité du monde et pour la paix.

Ces obligations stratégiques sont elles aussi de nature à changer le quotidien : ainsi quand l’autonomie en matière de santé, c’est garantir la fourniture de paracétamol dans toutes les pharmacies d’Europe en moins de 24h ; quand la régulation économique, c’est une énergie au prix de la production ; quand la défense européenne nous permettra d’assurer notre sécurité ; et bien entendu, quand l’ensemble de ces outils sont la condition pour affronter efficacement les défis de la transition écologique et de la lutte contre le changement climatique.

 

Depuis 2017, Emmanuel Macron s’est présenté comme un homme politique europhile, partisan d’une Europe forte, capable de décisions marquantes et d’une réactivité efficace face aux turbulences du monde. Mais ne nous y trompons pas : il aura contribué à miner la confiance des Français.es dans l’outil européen.

D’abord par son positionnement politique : néolibéral revendiqué mais soumis aux grands intérêts industriels et financiers français, il n’aura eu de cesse de bloquer les initiatives pour faire avancer le progrès social, la transition écologique et la régulation financière en Europe. Qu’on pense au projet de reconnaissance du statut des travailleurs des plateformes qu’il a torpillé ; qu’on se souvienne de ses crispations franco-centrées dans les discussions sur le Green Deal ; qu’on reprenne, dans le détail, l’évolution de ses prises de position concernant la régulation des produits phytosanitaires ; qu’on note sa réticence envers toute forme de régulation ou d’initiative visant à assurer la stabilité financière.

Ensuite, du fait de sa préférence pour la personnalisation à outrance, il aura contribué à poursuivre l’affaiblissement des institutions européennes pour ramener toutes les initiatives, toutes les décisions et tout le pouvoir vers les Chefs d’Etat et les Ministres des Etats membres. En faisant croire que c’était là source d’efficacité et de légitimité pour les politiques européennes, il s’est trompé ou il a trompé ; il a surtout détourné le débat sur ce qui pourrait redonner une légitimité et une efficacité à l’Union Européenne.

 

Pour répondre à sa vocation et remplir son rôle d’échelon stratégique d’action, l’Europe doit avoir les mains libres et ne plus être soumise à l’emprise des chefs d’Etats et de gouvernements via le Conseil de l’Union Européenne, véritable goulot d’étranglement démocratique. L’Europe doit devenir fédérale et se doter d’un gouvernement issu de son Parlement démocratique, c’est le seul outil qui permettra la réussite de son projet. Et que si cela aboutit à recentrer la construction européenne autour d’un noyau dur de pays convaincus de l’impératif démocratique et fédéral, nous y trouverons peut-être l’efficacité tant recherchée. Ainsi, si nous considérons que la menace russe chaque jour plus grande et la trahison des Etats-Unis envers leurs alliés européens nécessite une Europe de la défense, nous devons aller vers une autorité politique européenne, un gouvernement européen démocratique. Oui, nous devons ranimer l’objectif d’Etats-Unis d’Europe avec celles et ceux qui le voudront.

Alors bien sûr, on nous répondra que la question européenne est loin d’être consensuelle, y compris au sein de notre parti ; que nous n’avons jamais complètement soldé les dissensions nées du référendum de 2005 ; et que toute évolution du cadre institutionnel paraît difficilement imaginable dans le contexte actuel. On nous répètera, comme sur tous les bancs politiques depuis plusieurs décennies maintenant, qu’il est bien plus confortable de prôner « une fédération d’Etats-nations », ou même une « Europe des Etats ». Qu’on ne sortirait de l’ambiguïté qu’à ses dépens…

A cela, nous répondons que notre mission, pour 2027, est de clarifier nos convictions, et vers où nous souhaitons emmener le pays. Et que le fond des politiques menées par l’Europe dépendra des outils qu’on lui donne pour les organiser efficacement. La vérité, c’est que le Parti Socialiste est, lui, foncièrement pro-européen. Qu’il refuse d’abandonner l’Europe à un choix entre celles et ceux qui veulent la détruire, les nationalistes, et celles et ceux qui l’investissent pour la dessaisir de toute action volontariste, les néolibéraux. Que nous nous différencions aussi d’une gauche qui préférerait se replier sur la Nation, car elle ne croit pas en la capacité transformatrice du projet européen.

Nous incarnons une gauche européenne, qui prône une amélioration de l’Europe pour qu’elle devienne un outil efficace au service des actions stratégiques dont le continent a besoin. Et pour cela, l’Europe a besoin d’une transformation fédérale.


Contributeurs :

Jérémy HOUSSAY, (Secrétaire fédéral à l’Europe - Meurthe-et-Moselle), Marie-Jo AMAH (Première Secrétaire fédérale - Vice-présidente du Conseil Départemental - Meurthe-et-Moselle), Nicole SAMOUR (Première Secrétaire fédérale - Haute-Marne), Matthieu LEIRITZ (Secrétaire fédéral - Meurthe-et-Moselle), Julien ANCOUSTURE (Meurthe-et-Moselle), Lucie AULAGNE (Meurthe-et-Moselle), Audrey BARDOT (Bureau fédéral - Vice-présidente du Conseil Départemental - Meurthe-et-Moselle), François BARTHELEMY (Secrétaire fédéral - Meurthe-et-Moselle), Kamel BOUZAD (Secrétaire fédéral - Meurthe-et-Moselle), Benjamin CLAUDON (Secrétaire fédéral - Secrétaire de section - Meurthe-et-Moselle), Patrick CROSNIER (Meurthe-et-Moselle), Dominique DEVITERNE (Secrétaire de section - Meurthe-et-Moselle), Hélène DOUSSE (Meurthe-et-Moselle), Gérald EL KOUATLI (Secrétaire fédéral - Secrétaire de section - Meurthe-et-Moselle), Valérie EPHRITIKHINE (Secrétaire fédérale - Secrétaire de section - Meurthe-et-Moselle), Vincent FERRY (Conseil fédéral - Meurthe-et-Moselle), Philippe GONÇALVÈS (Meurthe-et-Moselle), Anne HEIDEIGER (Secrétaire fédérale - Meurthe-et-Moselle), Alban JACQUOT (Meurthe-et-Moselle), Stéphane KREBS (Meurthe-et-Moselle), Claude LOMBARD (Secrétaire fédérale - Secrétaire de section - Meurthe-et-Moselle), Mary MAIRE (Meurthe-et-Moselle), Isabelle MASSON (Meurthe-et-Moselle), Daniel MATERGIA (Maire de Sancy - Meurthe-et-Moselle), Jessica NICOLAU (Secrétaire fédérale - Secrétaire de section - Meurthe-et-Moselle), Laurent OLIVIER (Meurthe-et-Moselle), Alexandre PHAN (Meurthe-et-Moselle), Christophe RACKAY (Meurthe-et-Moselle), Denis REMY (Meurthe-et-Moselle), Christine ROBERT SCHNATTER (Conseil fédéral - Meurthe-et-Moselle), Bernard STEVELER (Meurthe-et-Moselle), Hervé TILLARD (Conseiller régional - Maire de Chavigny - Meurthe-et-Moselle), Marc VALO (Meurthe-et-Moselle)


 

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