Thème : Europe
EUROPE : REPRENDRE LA MAIN SUR L'INDUSTRIE, LA SANTE ET L'ALIMENTATION
« Tant que l’accès à l’alimentation ne sera pas égalitaire, solidaire et libre, les injustices demeureront quant aux conséquences sociales et sanitaires. » Dominique Paturel
L'Europe se tient aujourd'hui à un carrefour déterminant de son histoire : les crises sanitaires, géopolitiques et environnementales des dernières années ont révélé avec une acuité sans précédent les fragilités d'un continent qui s'était bercé d'illusions libérales et avait trop longtemps laissé au hasard du marché le soin de régir son destin industriel, sanitaire et alimentaire. Face à ces révélations brutales, il devient impératif de réinventer une politique européenne de souveraineté ambitieuse, juste et écologiquement responsable. L'heure n'est plus aux demi‐mesures, mais à l'action audacieuse et coordonnée, capable de forger une Europe résiliente, juste et indépendante.
UN NOUVEAU PACTE INDUSTRIEL EUROPÉEN
La crise sanitaire mondiale provoquée par la Covid‐19 a mis en lumière les failles d'une Europe trop dépendante de chaînes d'approvisionnement mondialisées. Malgré les avancées timides sur les batteries et les semi‐conducteurs, nous devons étendre cette stratégie à tous les biens essentiels, en commençant par les masques et les médicaments. Il est temps d'abandonner une politique industrielle qui se réduit à une course aux subventions. Au contraire, nous proposons une révision profonde des règles de concurrence européenne, permettant une intervention publique décisive, qui se ferait l'écho des grands projets industriels fondateurs tels que la CECA, mais adaptés aux défis contemporains.
Cette nouvelle politique industrielle devra être fondée sur l'État entrepreneurial, actif et visionnaire, inspiré des travaux de Mariana Mazzucato, prenant des risques calculés et bénéficiant directement des fruits de ses investissements. L'Europe doit ainsi renforcer ses capacités d'innovation tout en veillant à ce que ses politiques bénéficient directement aux citoyens, à travers des conditionnalités strictes en matière d'emplois, de gouvernance et d'environnement.
LA SOUVERAINETÉ SANITAIRE : UNE QUESTION DE DIGNITÉ EUROPÉENNE
La dépendance sanitaire européenne est un affront à la dignité d'un continent qui fut jadis berceau de la médecine moderne. Pour retrouver notre souveraineté, il est impératif de rapatrier sur le sol européen une partie substantielle de la production de médicaments et d'actifs pharmaceutiques. Nous devons utiliser la puissance du marché unique comme levier pour négocier fermement avec les géants pharmaceutiques, adoptant des politiques d'achat groupées à l'image du succès rencontré avec les vaccins anti‐Covid.
Mais cette relocalisation ne doit pas seulement viser à sécuriser nos approvisionnements : elle doit s'inscrire dans une stratégie sanitaire ambitieuse, intégrant une éthique de production irréprochable, fondée sur le respect strict des normes environnementales et sociales. Cela signifie également donner une véritable impulsion à la recherche médicale européenne, en accordant une attention particulière aux spécificités des femmes, longtemps ignorées dans les protocoles médicaux.
POUR UNE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE RÉELLE ET ÉQUITABLE
La guerre en Ukraine a révélé les failles d'une PAC dépassée et incapable de répondre aux défis alimentaires contemporains. Nous devons refonder cette politique autour d'une véritable souveraineté alimentaire européenne, qui n'est pas l'autarcie mais l'assurance de nourrir dignement sa population tout en respectant les équilibres écologiques. Pour ce faire, la régulation du marché agricole doit être remise au centre, accompagnée d'une planification européenne ambitieuse et de politiques de stockage stratégiques inspirées des pratiques énergétiques éprouvées.
L'objectif central sera la transition agroécologique, qui exigera une véritable maîtrise collective des productions et des prix. L'Europe devra valoriser le travail agricole, protéger les exploitations familiales et encourager l'installation de jeunes agriculteurs. Ce changement de modèle nécessitera une réduction drastique de la dépendance aux intrants chimiques, en misant résolument sur l'agriculture biologique et la diversification des cultures.
LA JUSTICE CLIMATIQUE ET ÉCOLOGIQUE, FONDEMENTS D'UNE NOUVELLE INDUSTRIE
L’Europe doit être capable de produire ce dont elle a besoin pour assurer son indépendance, sa sécurité et sa prospérité. La crise sanitaire du Covid‐19 a révélé les fragilités et les dépendances de notre continent face aux puissances étrangères, notamment la Chine et les États‐Unis. Il est temps de renforcer notre souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire, en nous appuyant sur nos atouts, nos valeurs et nos ambitions.
Voici les mesures que nous proposons pour y parvenir :
Créer un fonds européen pour la souveraineté industrielle, doté de 500 milliards d’euros sur 5 ans, qui soutiendra les secteurs stratégiques (aéronautique, spatial, numérique, énergie, défense, etc.) et favorisera l’innovation, la compétitivité et la transition écologique des entreprises européennes.
Développer une politique industrielle commune, en créant des champions européens capables de rivaliser avec les géants mondiaux, en soutenant les PME et les ETI, en favorisant les coopérations transfrontalières et les filières d’excellence, et en renforçant le dialogue social et la participation des travailleurs.
Construire une autonomie stratégique en matière de santé, en augmentant la capacité de production et de stockage des médicaments essentiels, des vaccins et des équipements médicaux, en renforçant la coopération entre les États membres et les agences européennes (EMA, ECDC), et en créant un centre européen de prévention et de gestion des crises sanitaires.
Renforcer la coordination européenne en matière de santé publique, en créant une agence européenne des médicaments et des vaccins, qui aura pour mission d’autoriser, d’acheter et de distribuer les produits de santé essentiels pour faire face aux crises sanitaires. Cette agence disposera d’un budget annuel de 10 milliards d’euros et sera chargée de développer une stratégie européenne de prévention et de lutte contre les pandémies.
Promouvoir une agriculture durable et solidaire, en réformant la politique agricole commune (PAC)
pour favoriser les pratiques respectueuses de l’environnement, du bien‐être animal et de la santé des consommateurs. Nous proposons d’augmenter le budget de la PAC à 60 milliards d’euros par an et de répartir les aides en fonction des performances environnementales et sociales des exploitations agricoles. Nous soutiendrons également le développement des circuits courts, de l’agriculture biologique et des filières locales.
Promouvoir la souveraineté alimentaire et la solidarité internationale, en soutenant le développement agricole des pays du Sud, en luttant contre la faim et la malnutrition dans le monde, en réduisant le gaspillage alimentaire, et en défendant le principe de préférence communautaire dans les accords commerciaux.
Renforcer le marché unique et l’union douanière, en harmonisant les normes sociales, environnementales et fiscales au niveau européen, en luttant contre le dumping et la concurrence déloyale, et en protégeant les industries sensibles par des mesures antidumping et des clauses de réciprocité.
Ces propositions visent à faire de l’Europe une puissance industrielle, sanitaire et alimentaire, capable de répondre aux besoins de ses citoyens, de faire face aux défis du monde actuel, et d’affirmer ses intérêts et ses valeurs sur la scène internationale. Je pense que c’est un projet ambitieux mais réaliste, qui peut rassembler les Européens autour d’une vision commune
Contributeur : Mathieu GITTON membre du bureau national des adhésions