Thème : Logement
1. Introduction : la crise du logement
Dans son rapport de 2023, la Fondation Abbé Pierre estime à 14,9 millions le nombre de personnes touchées par la crise du logement. Parmi elles, 4,1 millions sont "mal logées", dont 330 000 personnes sans domiciles. 12,1 millions sont dites en "situation de fragilité", dans des logements surpeuplés, mal isolés et/ou trop cher par rapport à leurs moyens financiers ce qui grève lourdement leur budget.
Ramené aux 68 millions de Français, ce sont donc 21,9 % d'entre eux qui sont touchés par la crise du logement, dont 6 % de mal logés et 17 % en situation de fragilité. Le logement constitue le socle sur lequel repose toute les possibilités d'insertion d'un individu, et son accès constitue de ce fait un droit fondamental. Ces chiffres permettent dès lors de prendre la mesure de ce que l'on appelle la crise du logement et d'appréhender l'ampleur de ses conséquences sociales et économiques.
Le logement est également un domaine où les inégalités de notre société s'illustrent particulièrement. Ainsi, selon une étude de l'INSEE de 2021, 3,5 % des propriétaires en France possèdent 50 % des ménages mis en location. A l'inverse la France compte 16,5 millions de maison individuelles, dont 7 millions sont qualifiées de "particulièrement consommatrice en énergie". Pour beaucoup ces habitations mal isolées sont les résidences principales de leur propriétaire. Ainsi deux réalité se font face entre une possession concentrée des logements par des multipropriétaires dont un nombre non négligeable font de leurs locations une part importante si ce n'est centrale de leur revenu, et des petits propriétaires désargentés pour qui un investissement modéré dans la rénovation de leur bien n'est pas concevable en s'appuyant sur leur seuls moyens.
Les conséquences de l'inadéquation entre l'offre et la demande sont majeures. C'est tout d'abord l'augmentation mécanique du coût des logements et du coût des loyers. Pour les Villes qui ne mènent pas une politique volontariste en matière de mixité sociale, cela engendre une gentrification importante et l'exclusion des habitants disposant de moins de moyens. En matière de logement sociaux, c'est un délai d'attente toujours plus important pour les demandeurs. Rien que sur Nantes Métropole, ce sont aujourd'hui 40 000 demandes qui sont en cours, à comparer aux 70 000 logements sociaux existants. Seules 2000 attributions de logements ont lieu chaque année Socialement, cette situation entraîne aujourd'hui des effets délétères. Dans une série d'articles, Ouest France a récemment mis en avant la situation déplorable au sein du Pays-de-Retz : une ruée sur la moindre offre locative, des couples avec enfants contraints de revenir habiter chez les parents, des couples en pleine séparation forcés à cohabiter ...
Après des débats et travaux menés durant le dernier trimestre 2023, la section de Nantes Ouest du Parti Socialiste a voté les propositions suivantes. Certaines de ces pistes peuvent être d’initiative locale. D'autres relèvent de modifications législatives ou réglementaires et relèvent donc d'un programme politique national
2- Propositions
2.1 Du côté de l’offre de logements
2.1.1- Une politique publique foncière plus active
-Développer l'accession abordable durable, via le Bail Réel Solidaire Voté
Le BRS ou "Bail Réel Solidaire", à été mis en place en 2015. C'est un dispositif juridique qui permet à un Organisme de Foncier Solidaire (OFS) de dissocier le foncier du bâti, afin de faire baisser le prix des logements, tout en évitant toute spéculation du bien. Le BRS est basé sur un bail emphytéotique de longue durée allant jusqu’à 99 ans, garantissant une forme de sécurité des biens pour les propriétaires. Ce nouvel outil permet donc aux ménages modestes, sous un certain plafond de ressource, d'accéder à la propriété, et ceux à bas coût. Le BRS permet de réduire le coût d'achat d'une propriété, de 15 à 40%, en fonction du prix du foncier. Les propriétaire de logement BRS s'engagent ensuite à payer une sorte de "loyer" très faible à l'OFS pour le foncier. Le logement peut être revendu, à un prix réévalué connu à l'avance, et toujours sous conditions de ressources. Ce dispositif est de plus en plus utilisé par certaines métropoles, comme celles de Rennes et de Nantes. A Nantes ce dispositif à notamment permis de construire 13logements livrés en octobre dernier sur l'Ile de Nantes. Le BRS à donc un intérêt économique, permettant de faire baisser les coût d'accès à la propriété, tout en garantissant dans le temps long le caractère abordable des logements, ce qui est une possible réponse à la crise du logement.
- La municipalisation des sols
Le prix du foncier constructible constitue un obstacle important à la construction ou à la reconstruction de logements. C'est d'autant plus le cas dans les territoires attractifs où des logiques spéculatives sont à l'oeuvre. Outre les initiatives privées, cet état de fait vient limiter grandement la capacité à agir des Villes, que ce soit pour des projets publics ou pour développer de l'habitat accessible, que ce soit en BRS ou en logement social.
Pour redonner aux collectivités locales un vrai pouvoir en la matière, nous proposons d'inscrire dans la loi la municipalisation des sols urbains. Ce dispositif s'articule autour de 3 principes :
- Un droit de préemption général. Plutôt que de devoir l'anticiper par des emplacements réservés au sein de son plan local de l'urbanisme, chaque municipalité disposera d'un droit de préemption sur tout terrain vendu ou transmis dans son aire urbaine. Il ne s'agit pas d'acquérir tous les sols, mais tous ceux que la municipalité estime intéressante pour ses projets publics ou pour de l'habitat échappant à la spéculation.
Cette extension du droit de préemption est prioritaire et autonome des autres propositions. Avancer sur ce seul sujet permettrait déjà de redonner aux collectivités une bien plus grande capacité à agir.
- Un prix d'achat des sols préalablement fixé, en posant comme principe le refus de la spéculation et de l'enrichissement sur le bien commun qu'est le sol. L'agence foncière municipale bénéficierait ainsi d'un prix d'achat La seule revalorisation acceptée serait celle liée à un coefficient lié aux évolutions de valeur de la monnaie.
- Le principe de non-revente des terrains. Les municipalités ne pourraient revendre le foncier.
- Une politique publique d’achat en viager de logements.
Tombé en désuétude du fait de son caractère aléatoire, l'achat en viager présente toutefois des avantages importants, notamment si une collectivité publique s'en empare. En effet, les incertitudes liées à un particulier acheteur privé ne sont pas de mise pour une collective, ce qui sera de nature à rassurer les vendeurs.
- Mise en place par les Villes d'un dispositif de prêt accompagné.
Le prix de l'immobilier au sein des zones tendues de logement constitue le premier obstacle à l'achat d'une propriété. Si un acheteur disposant d'au moins 50 % de la somme nécessaire à l'acquisition d'un bien n'obtient de prêt, il peut se tourner vers la Ville en alternative. Cette dernière fournit la somme manquante et place donc un capital bloqué. L'acheteur bénéficie alors de la jouissance pleine de son bien. Après une période décidée collectivement, l'acheteur rachète la part de la Ville, augmentée au prorata de la hausse de la valeur du bien sur le marché de l'immobilier. Si l'acheteur décide de revendre le bien, la Ville récupère sa part, augmentée au prorata de la hausse de la valeur du bien.
2.1.2 Forme alternative de logement - Mise en place d'un droit à l'expérimentation
Dans la continuité de la loi ALUR de 2014 incitant à l'innovation et le développement de nouvelles formes d'habitats - pouvant être saisie, s'il y a une demande, par les habitants ayant un projet d'habitat alternatif (habitats participatifs, hameaux légers etc.) afin de développer plus aisément ces types d'habitats. Aujourd'hui la réglementation en la matière est très floue, il existe différents catégories d'habitats alternatifs, ayant des juridictions très variées. Puis la mise en place de ce genre de projet est très lié aux positionnements des élus, des associations et des résidents locaux pouvant empêcher aisément le développement de ces habitats alternatifs. Le but de ce droit serait, à travers un cahier des charges variable selon les territoires de permettre, s'il y a une demande, de mettre en œuvre ces projets d'habitats alternatifs tout en empêchant la construction de "squatte" du aux règles du cahier des charges. Ce droit pourrait permettre par exemple à certaines communes rurales, ne pouvant pas urbaniser de créer de l'habitat, facilement accessible.
- Encourager d'éventuelles initiatives de coopératives d'habitants.
Des initiatives privées visant à penser le logement et la vie collective existent. C'est le cas par exemple des coopératives d'habitants tel que l'exemple d'Abricoop à Toulouse. Ces initiatives participatives peuvent être encouragé notamment sur la question de l'obtention d'un foncier.
2.1.3 Rénovation thermique du parc de logements
Chaque année, c'est à peine 1% du parc de logement qui est construit ou reconstruit à neuf. Ainsi, 80 % des logements disponibles en 2050 existent déjà, leur mise à niveau aux normes actuelles constitue donc une priorité.
- Création d'un service public étatique d'audit et de conseils en rénovation énergétique et d'un guichet unique sur les aides disponibles.
Découpler le conseil en rénovation énergétique de l'entreprise qui aspire à vendre une solution énergétique apparaît comme une nécessité pour donner confiance aux propriétaires dans les avantages d'une rénovation. Il s'agit également de présenter objectivement les avantages, coûts et aides possibles de financement pour une rénovation globale ou les différents volets d'une rénovation performante par étapes.
- Accompagnement systématique tout acquéreur d'une passoire thermique sur des scénarios de rénovation thermique.
Le moment de l'achat d'un bien est un moment critique en matière de financement et de projection de l'avenir de ce bien par ses acquéreurs. Dans le cas des biens notés G, F ou E lors du bilan DPE nécessaire à la cession, le recours systématique à une évaluation des possibilités d'amélioration des performances énergétiques du bien constituerait un moment opportun pour soulever ces questions.
En présentant plusieurs scénarios, allant de la rénovation globale aux rénovations performante par étapes systématiquement accompagnés de leur plan de financement incluant les économies réalisées et les aides disponibles, cette obligation d'examen sera de nature à susciter la réflexion chez les acquéreurs et à entraîner de nombreuses rénovations.
- Obligation de diagnostics de l’habitat tous les 3 ans pour les habitats collectifs en substitution des diagnostics isolés lors de la cession d'un logement.
Les habitats collectifs connaissent une vision partielle de l'état de leur copropriété et des améliorations possibles relevant des obligations de diagnostics lorsque l'un des propriétaires cède son bien. Une obligation d'expertise globale de l'ensemble du collectif et des logements qui le composent tous les 3 ans serait suffisant pour à la fois permettre la bonne information des acquéreurs tout en fournissant à la copropriété des informations importantes. Une récurrence de trois ans apparaît pertinente tant au vu des diagnostics nécessaires et serait neutre économiquement par rapport au système actuel.
- Placer le taux de TVA au minimum pour les politiques de rénovation thermique.
Parfaitement égalitaire et donc parfaitement inéquitable, une diminution de la TVA pourrait constituer un outil d'incitation important à la réalisation de travaux de performances énergétiques. Bien que bénéficiant à toutes et tous, y compris aux multi-propriétaires qui n'en auraient pas besoin pour financer leurs rénovations, l'enjeu de la diminution de l'énergie consommée par chacun des logement est tel qu'il justifie de viser à l'universalité d'une TVA à 5,5% pour tout travaux de rénovation énergétique des logements.
- Dans les collectifs, systématiser les compteurs de chauffage individuel.
Les compteurs collectifs de chauffage sont encore monnaie courante. La systématisation de compteur de chauffage individuel constituerait une sensibilisation importante quant à ses dépenses énergétiques et une incitation importante à la réalisation de travaux.
2.1.4 Relancer le production de logements sociaux Voté
En réformant le secteur HLM en 2017 (réduction de loyers imposées aux bailleurs pour neutraliser l'effet de la baisse des APL, augmentation de la TVA, regroupement et réduction du nombre de bailleurs), Macron promettait un "choc de l'offre" : il y a bien eu le choc, mais il n'y a pas eu l'offre. Si 124 000 logements sociaux avaient été financés en 2016, ce chiffre est tombé à 95 000 en 2021-22. Nous voulons renverser cette tendance, en portant un discours positif et ambitieux sur le logement social, en revenant sur toutes ces mesures qui ont démontré leur nocivité, en obtenant de la part des bailleurs des engagements sur la construction de logements neufs supplémentaires et la réhabilitation énergétique des plus anciens.
2.2 Du côté de la demande
2.2.1 Meublé locatif et maison secondaire.
Sur l'ensemble des logements français, les maisons secondaires représentaient, en 2022, 9,8 % du total de logement en France soit environ 368 480 logements. Les meublés de tourisme représentent quant à eux 800 000 logements. En Loire-Atlantique, 80 000 logements sont des résidences secondaires ou logements occasionnels.
- Durcir les conditions des locations d'un meublé de tourisme via une obligation de déclaration et un maximum de 45 nuités par an de mise en location.
Le nombre de jours de congés moyen en France est de 37 jours ouvrables. Aujourd'hui l'autorisation de louer sa résidence principale en meublé de tourisme court jusqu'à 120 jours ce qui ne correspond pas, hormis quelques exceptions, aux vies de nos concitoyens. Ainsi ces logements sont détournés à l'année en meublé de tourisme, la règle des 120 jours étant largement enfreinte. Une obligation de déclaration, sanctionnée en cas de non-respect, doublé d'une limite de 45 nuités à l'année serait de nature à arrêter les abus et à revenir à l'esprit de partage qui était porté en étendard par AirBnB à ses débuts.
2.3 Construire une vie de quartier :
- Créer du commun et du vivre ensemble et de la reconnaissance, en favorisant la construction d'espace commun dans les quartiers d'habitation (type maison de quartier)
- Donner des moyens aux associations de quartiers afin d’inciter à la création de commun
- Faire de l’isolation acoustique, afin de créer une intimité indispensable. S'ouvrir aux autres n'est possible que si on bénéficie du refuge de son intimité
Contributeur : Section Nantes Ouest