Face à la perte d’attractivité du métier d’enseignants, une autre politique est possible

– Mardi 28 juin 2022

Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, l'Éducation et à l'Accès aux savoirs

Le ministre de l’Éducation nationale l’affirme : « il y aura un prof devant chaque classe à la rentrée ». Nous l’espérons, mais nous sommes en droit d’en douter au regard de la situation inquiétante des recrutements. 

Ainsi, sur les 8 163 postes offerts à la session 2022 du CRPE (Concours de recrutement des professeurs des écoles), 1 747 ne sont toujours pas pourvus à cette heure, soit 21,4 %. Si les académies franciliennes sont les plus touchées - à Versailles, 1 006 postes ne sont pas pourvus sur 1 430 offerts ; à Créteil, 660 sur 1 079 ; à Paris, 62 sur 219 - d’autres territoires connaissent les mêmes tensions et devront faire leur rentrée avec un nombre d’enseignants en dessous des prévisions : en Guyane (92 postes non pourvus), à Nancy-Metz (14), à Grenoble (11), à Amiens (7), à Dijon (6) et à Nice (3)…

Si l’on en croit les chiffres communiqués par le Snuipp-FSU, tous concours du 1er degré confondus, ce sont 2 173 postes qui n’ont pas été pourvus. Contrairement aux propos rassurants du ministre, la rentrée scolaire de septembre s’annonce difficile pour les élèves, les familles et les équipes éducatives.

Ces tensions concernent également le collège et le lycée où d'importants déficits dans les effectifs sont à prévoir. En mathématiques, 816 candidats ont été admissibles sur 1 035 postes de professeurs de mathématiques ouverts ; en allemand, avec 83 candidats admissibles pour 215 postes ouverts – dans ces deux disciplines, c’est deux fois moins qu’en 2021.

Par ailleurs, la réforme qui a repoussé en 2ème année de master le concours qui auparavant avait lieu en 1ère année a de fait éliminé de très nombreux étudiants dans l’impossibilité totale financièrement de poursuivre une année universitaire supplémentaire avant de passer le concours.

A cette baisse drastique sans précédent du nombre de candidatures et d’admis viennent s’ajouter une forte augmentation des demandes de ruptures conventionnelles et des démissions d’enseignants totalement désabusés et découragés. Face à cette situation, le SE-Unsa a même déposé une « alerte sociale » auprès du ministère. 

Pourtant des solutions d’urgence existent et sont connues des autorités : Augmentation du nombre de fonctionnaires stagiaires des candidats actuellement sur liste complémentaire ; recrutement en nombre suffisant de personnels sécurisés professionnellement et financièrement ; recrutement d’assistants d’éducation et de personnels accompagnants les élèves en situation de handicap (AESH) ; d’Assistants d'éducation (AED)…

Ces mesures d’urgence sont nécessaires, mais elles pourraient toutefois s’avérer insuffisantes pour assurer au-delà de la rentrée le bon déroulement de tout le reste de l’année scolaire. Elles appellent surtout en parallèle des décisions politiques ambitieuses pour mettre un terme à la perte d’attractivité du métier d’enseignant. 

Ce terrible constat n’est en effet pas le fruit du hasard. Comme toutes les enquêtes auprès des enseignants le montrent, il est la triste mais réelle conséquence de la politique néo-libérale engagée depuis 5 ans par Emmanuel Macron et son gouvernement. Celle-ci a engendré une détérioration des conditions de travail des personnels et enseignants, une gestion des relations sociales autoritaire et injonctive, un déclassement salarial, une dégradation de la formation initiale et continue des enseignants, générant par la même un recours massif aux personnels contractuels sous-payés et sans formation.

C’est pourquoi, à côté des mesures d’urgence de la rentrée, il faut engager une politique ambitieuse autour du métier d’enseignant : revalorisation salariale, amélioration des conditions de travail, augmentation des heures de formation initiale et continue, une gestion plus humaine des ressources, un plan prévisionnel de recrutements sur 10 ans, le respect de la liberté pédagogique…

Autant de mesures qui permettront la réhabilitation et la promotion d’une école publique de l’égalité et de l’émancipation, d’une école qui accueille tous les élèves et qui garantit la réussite de tous nos jeunes.

C’est notre défi d’aujourd’hui pour de demain : c’est celui de l’avenir de notre jeunesse, et il commence par l’école. 

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