Faire du parlementarisme, un féminisme


Thème : Egalité femmes / hommes


 

Sirimavo Bandaranaike fut la première femme cheffe de gouvernement au monde, en 1960, élue Première ministre par trois fois, dont la politique marqua son pays, le Ceylan, en en faisant une République et en changeant son nom pour le Sri Lanka. En Islande, Vigdís Finnbogadóttir devint la première femme au monde élu à la tête d’un État, en 1980. Elle dirigera le pays pendant 16 ans, ayant été reconduite par trois fois. Ces pionnières ont ouvert la voie à près de 174 femmes qui ont depuis dirigé un État ou un gouvernement dans plus de 87 pays. Pour ces dirigeantes, il existe une différence institutionnelle majeure dans leur accession aux plus hautes responsabilités de leur pays. Ainsi dans les systèmes parlementaires, les femmes sont bien plus nombreuses à être élues que lors d’élections dans les systèmes présidentiels directs. Depuis 2020, 27 femmes ont été élues ou nommées à la tête du gouvernement dans des systèmes parlementaires et semi-présidentiels quand seulement deux ont été élus Cheffes d’État dans des systèmes présidentiels.

Les travaux d’ONU Femmes ont montré que sur toute l’année 2024 davantage de femmes sont au plus haut des fonctions parlementaires : le nombre de femmes présidentes de parlement est passé à 23,7 % (contre 20,9 % en 2021). En Europe, ce sont 31,8 % de femmes parlementaires et 30,4 % de femmes présidentes de parlement. En tout état de cause, le plafond de verre semble plus bas pour devenir Présidente que pour devenir Première ministre. Julie Ballington, conseillère politique sur la participation politique dans la section du leadership et de la gouvernance à l’ONU Femmes, établit un lien explicite entre l’accession des femmes aux plus hautes fonctions politiques et les systèmes électoraux.

Dans la plupart des systèmes parlementaires, les partis politiques sont les organisations déterminantes pour construire les coalitions gouvernementales et la désignation du chef de gouvernement. À condition que les partis politiques mettent en place les mécanismes internes favorisant une parité dans les instances dirigeantes, les femmes ont alors autant de chances qu’un homme de pouvoir prétendre à la direction du gouvernement. À l’inverse, dans les systèmes présidentiels, les femmes sont plus souvent confrontées aux obstacles invisibles et structurels des préjugés et stéréotypes de genre de l’imaginaire viriliste d’une fonction destinée à l’homme providentiel et au chef des armées.

Émettons l’hypothèse que si les systèmes parlementaires produisent plus de parité entre les femmes et les hommes et encouragent l’accession des femmes aux fonctions dirigeantes, c’est principalement dû au fait du mode de scrutin. Près d’une centaine de pays dans le monde utilisent un système d’élection à la proportionnelle pour composer leur parlement. L’effet positif d’une élection à la proportionnelle sur la parité en politique réside dans la possibilité d’imposer des quotas sur les listes de candidats. Si le système de quota connaît son lot de détracteurs, il est aujourd’hui l’outil qui est le plus efficace pour rétablir des équilibres paritaires.

Les quotas ont peu à peu conquis toutes les sphères de la société : les conseils d’administration d’entreprises côtés en bourse, l’enseignement supérieur et la recherche, certains emplois de la fonction publique. Appliquée aux enjeux démocratiques, l’irrecevabilité de listes électorales qui ne respecteraient pas l’alternance homme–femme par exemple a mécaniquement permis d’atteindre un objectif quantitatif.

Les quotas ont fait leurs preuves de par le monde. En 2021, les pays appliquant des quotas de femmes, quelle que soit leur forme, ont élu 31,9 % de femmes en moyenne au sein de leur Parlement. Cette proportion n’était que de 19,5 % pour les systèmes électoraux sans quotas.

Le Mexique fait à ce propos figure d’exemple. Les partis politiques y ont l’obligation d’une parité entre les candidats aux élections législatives. Lorsque la législation mexicaine a aboli son plafond de verre institutionnel, elle a aussi empêché la falaise de verre en interdisant de positionner des femmes dans les circonscriptions considérées comme perdantes. Ce type de mesure a aussi fait ses preuves en France, à l’échelle locale. Ainsi depuis 2013 et la mise en place de l’obligation de listes paritaires a permis de faire passer le nombre de femmes siégeant dans les conseils départementaux de 14 % à 50 %. Ce qui fonctionne à l’échelle locale d’une collectivité territoriale devrait inspirer le système électoral du Parlement français à l’échelle nationale. C’est par ailleurs une des recommandations du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes qui prône une réforme du système électoral afin de garantir la présence des femmes en optant pour un scrutin binominal aux législatives, mais aussi de créer un statut de l’élu et limiter le cumul des mandats, de responsabiliser les partis politiques à travers un conditionnement des financements et demander davantage de transparence et d’engagement, notamment au travers d’un bonus pour les partis présentant autant ou plus de femmes élues que de femmes candidates.

Changer le mode de scrutin à l’échelle nationale pour renforcer la pratique parlementaire de nos institutions les rendrait de fait plus inclusives. Cette modification dans la composition du Parlement français permettrait dès lors d’instaurer une parité en politique réelle pour rendre nos institutions plus inclusives dans l’égalité femmes-hommes. Il existe un chemin pour briser le plafond de verre institutionnel. Mais si le parlementarisme est un outil pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes en politique, il ne se suffit pas à lui seul. Au-delà du fonctionnement démocratique, il y a un enjeu à changer la pratique politique pour éviter l’écueil de la falaise de verre.

Dans son livre « Demain ne peut qu’être féministe », Mahaut Chaudouet-Delmas le dit bien, « en politique, seul un renouvellement paritaire d’incarnation pourra offrir une vraie transformation démocratique et faire sortir d’une vision de pouvoir basée sur la compétition et la violence ». Notre société doit être repensée sous le prisme de l’égalité, afin que, les femmes et les hommes accédant au pouvoir proposent et mettent en œuvre des réformes qui ne laissent personne de côté. C’est un enjeu démocratique, qui permettra de construire un avenir commun dans des conditions durables et réjouissantes.


Contributeurs : Bachofen Blaise, militant de la section du 10e arrondissement de Paris
Parisi Cédric, militant de la section du 10e arrondissement de Paris
VANDECANDELAERE Margot, militante de la section du 10e arrondissement de Paris
Bribard Stéphane, militant à Paris


 

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