Thème : Emploi
Il ne s’agit pas là de jeter sur les plus pauvres un regard plein de commisération. Il est important de valoriser les qualités des plus pauvres, car savoir vivre de peu et s’épanouir de peu est une vraie qualité de sobriété propice à notre avenir commun. La résilience des pauvres est nettement meilleure que celle de nombreux riches. Il existe pourtant des écarts de revenu et de cadre de vie scandaleux, de même que des inégalités de patrimoine choquantes, et ces écarts sont au cœur des inégalités. Mais ce ne sont pas les seuls. Entre l’écart de traitement entre femme et homme, l’écart lié à l’éducation qui s’avère la conséquence de son contexte de naissance, l’écart dans l’accès au logement ou à la culture, les discriminations à l’embauche pour ceux qui ont une peau plus sombre ou un patronyme à consonance étrangère, ou encore le handicap qui ne permet pas de s’insérer dans la communauté des valides, les sources d’inégalité sont nombreuses.
N’est-il pas temps de répondre aux besoins concrets de la population, de créer des places d’accueil pour les jeunes enfants, de faire un effort pour résorber le mal-logement, mais aussi et surtout de réformer les systèmes eux-mêmes qui produisent les inégalités, à commencer par l’école, façonnée pour favoriser les enfants de diplômés, et par un système fiscal et social obsolète et peu progressif qui accentue les disproportions dans la répartition de la richesse ?
« Il ne peut y avoir de stabilité dans un monde où 1 % de l’humanité détient autant de richesses que le reste de la population. » Barack Obama, Discours à l’Assemblée générale des Nations unies, septembre 2016
AGIR EN FAVEUR DE L’EMPLOI
Mener une expérimentation à grande échelle du partage de l’emploi, dans une optique de généralisation rapide, en instaurant une nouvelle durée légale du travail à 30 h/semaine, à salaire horaire constant, et en mettant en œuvre simultanément le revenu universel afin de compenser, pour les revenus faibles ou intermédiaires, le manque à gagner lié à la baisse de salaire.
Réformer le service public de l’emploi pour tenir compte de la grande diversité des situations des chômeurs. En particulier mettre en place des coopérations beaucoup plus fortes et efficaces avec les associations engagées auprès des chômeurs de longue durée.
Favoriser la généralisation du projet porté par ATD Quart Monde, Territoire Zéro Chômeur de longue durée, consistant, à l’échelle du territoire (commune, communauté de communes, quartier), à proposer à toutes les personnes privées durablement d’emploi et qui le souhaitent un emploi aidé (c’est-à-dire pour lequel l’employeur bénéficie d’aides, qui peuvent prendre la forme de subventions à l’embauche, d’exonérations de certaines cotisations sociales ou d’aides à la formation) en contrat à durée indéterminée au SMIC, à temps choisi, adapté à ses compétences. De même nous soutiendrons et encouragerons l’ensemble des collectivités locales à développer des initiatives de réinsertion des chômeurs de longue durée.
Un développement économique non partagé est un terreau sur lequel se développent les extrémismes.
Réformer la formation professionnelle pour réorienter les fonds vers les publics les plus en difficulté.
Aujourd’hui, près d’un million de jeunes présents sur le marché de l’emploi ont quitté le système scolaire sans diplôme. Aider ces jeunes à s’insérer dans la vie professionnelle est un défi majeur.
Mettre l’apprentissage au cœur de la politique d’insertion des jeunes. Fusionner l’apprentissage et le contrat de professionnalisation, unifier leurs financements en une subvention unique modulée en fonction des niveaux de diplôme, simplifier la collecte en substituant les URSSAF aux organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA). Dans ce nouveau système, une instance nationale composée de représentants des branches professionnelles, des ministères du Travail et de l’Éducation Nationale décidera des orientations générales, des agences de certification s’assureront de la qualité des formations et les régions assureront le versement des subventions.
Combattre les stéréotypes dans l’orientation professionnelle des jeunes et valoriser les métiers manuels.
S’appuyer sur les Structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) pour accompagner les publics les plus éloignés de l’emploi. Inciter, via des allégements de cotisations, les entreprises à embaucher les jeunes non ou peu qualifiés.
Aider les personnes à l’écart du marché du travail et qui n’ont pas accès au crédit bancaire classique à créer leur entreprise, et donc leur emploi, grâce au microcrédit.
AGIR EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ DE REVENU
Mettre en place une expérimentation du revenu universel dans une optique de généralisation rapide, permettant de rehausser le revenu des plus modestes, en particulier le minimum vieillesse, remplacé par un revenu universel senior.
Simplifier dans l’immédiat, en attendant cette mise en place, le recours aux minimas sociaux et mieux informer les bénéficiaires de leurs droits.
Empêcher le développement exponentiel des inégalités de patrimoine par un impôt progressif, fort et sans dérogation possible.
La fortune cumulée des huit milliardaires les plus riches équivaut à celle de la moitié la plus pauvre de l’humanité. (Rapport Oxfam 2021)
Encadrer les écarts de rémunération et de revenu de telle manière que, dans une entreprise, aucune rémunération globale ne puisse être supérieure à vingt fois la rémunération la plus basse.
Cette proposition est soutenue par plusieurs collectifs ou associations, parmi lesquels Les Jours Heureux et l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES)... et l’a été dès la fin du XIXe siècle par le banquier John Pierpont Morgan
L’aggravation des inégalités n’est ni une question purement morale, ni une préoccupation de gauche : c’est un paramètre clef pour la stabilité économique et la pérennité de nos entreprises, ainsi que l’ont admis les dirigeants qui se réunissent au forum de Davos.
Lier les rémunérations des salariés d’une entreprise à celles des patrons: en cas d’augmentation de rémunération globale d’un dirigeant d’une entreprise, instaurer l’obligation d’augmenter les rémunérations de tous les employés et stagiaires dans des proportions identiques.
En parallèle, développer une politique publique ambitieuse de prévention du surendettement.
AGIR EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ DU DROIT À L’ÉDUCATION DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE
Renforcer l’accompagnement au plus jeune âge, notamment pour les familles souffrant d’écart culturel flagrant avec l’environnement scolaire français.
Un enfant d’un milieu favorisé possède à trois ans un vocabulaire moyen de 1 000 mots, alors que celui d’un enfant défavorisé ne dépasse pas 500 mots. Par ailleurs, les crèches accueillent 20 % des enfants en âge d’y accéder toute population confondue, mais seulement 8 % des enfants de milieux défavorisés.
Travailler à davantage de mixité sociale et scolaire sur le territoire. Affecter des enseignants bien formés et expérimentés dans les établissements difficiles, grâce à des moyens renforcés et à une politique de ressources humaines plus qualitative. En effet, aujourd’hui, les enseignants présents dans les établissements de l’éducation prioritaire sont plus jeunes et plus fréquemment non titulaires. Par ailleurs, dans certains quartiers, les familles aisées inscrivant toutes leurs enfants dans des établissements privés, une politique de contractualisation avec ceux-ci doit être étudiée.
« Les systèmes qui répartissent plus équitablement dans les établissements d’enseignement à la fois les ressources scolaires et les élèves sont avantageux pour les élèves peu performants, sans pour autant porter préjudice aux élèves ayant un meilleur niveau » (Rapport de l’OCDE, « Les élèves en difficulté : pourquoi décrochent-ils et comment les aider à réussir ? », 10 février 2016)
Mener une politique déterminée d’action publique pour une éducation des enfants des milieux défavorisés. Pour cela, il est nécessaire de :
∙ Faire de l’enseignement dans les quartiers en situation d’urgence éducative une cause nationale
∙ Associer davantage les régions au déploiement de solutions éducatives dans les quartiers en situation d’urgence éducative
∙ Permettre aux jeunes talents de s’engager au service des élèves des banlieues ∙ Nommer des professeurs surnuméraires spécialisés à temps plein dans toutes les écoles primaires défavorisées
∙ Nommer un psychologue scolaire à temps plein dans tous les établissements défavorisés ∙ Réduire considérablement les effectifs par classe
∙ Mettre les inégalités au centre de la formation dans les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE)
∙ Pour ne délaisser aucun enfant, se tenir loin des politiques du chiffre
En 2020, les études internationale TIMSS et PISA ont révélé l’une le niveau déplorable en maths et en sciences de nos jeunes écoliers, particulièrement ceux des milieux défavorisés, l’autre les inégalités scolaires.
Expérimenter une stratégie d’affectation des ressources aux établissements par nombre d’élèves en situation de vulnérabilité plutôt que seulement par quartier.
Assurer la scolarisation des enfants vivant dans les 500 bidonvilles présents sur le territoire
Premier signataire :
Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique