Fractures territoriales – Des inégalités dans la République (Contribution de section)


Thème : Territoires


Contribution issue des travaux de la section de Paris 13e Ouest - Lucie Aubrac

Cette contribution, mise à jour d'une première version rédigée en 2020, a pour ambition de discuter des territoires à différentes échelles de la France métropolitaine et émane d’une section parisienne. Nous cherchions alors à dresser plusieurs constats et quelques pistes de solutions dont nous espérons que les élus locaux et nationaux pourront (si ce n’est déjà fait) s’emparer. Deux années après, nous nous sommes demandé si la description du territoire que nous donnions alors n’avait pas été totalement modifiée suite à la crise du COVID. Une récente étude publiée par le PUCA (http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/popsuterritoires-exodeurbain_v12.pdf ) montre que si les transactions immobilières ont cru, l’exode urbain est loin d’être un phénomène évident : il n’y a pas de départs massifs des grandes métropoles, et les espaces urbains restent des territoires attractifs d’arrivée. Il nous est donc apparu judicieux de partager de nouveau, en la modifiant à la marge, cette contribution.

Notre réflexion était donc partie du constat qu’à l’issue des dernières élections municipales, le Parti Socialiste et ses alliés avaient pu apparaître comme étant le «parti des Parisiens et des métropoles ». En effet, si pendant longtemps le PS et la gauche ont été fortement ancrés dans les territoires (Bretagne, Sud-Ouest), cet électorat aujourd’hui ne semble plus acquis. Dans les métropoles, le bloc de gauche semble aujourd’hui bien identifié comme étant porteur de progrès (social, écologique) mais ce modèle ne semble pas avoir une résonance si forte au niveau des territoires plus éloignés des centres urbains dont les aspirations et les problématiques sont différentes mais peuvent parfois se rejoindre. C’est aussi dans ces territoires que l’abstention est généralement extrêmement forte. En conséquence, le PS dont l'ambition est l'intérêt général de tous les citoyens apparaît aujourd’hui, à tort ou à raison, plutôt comme représentatif dans les centres urbains ou de la classe moyenne supérieure et ne sachant plus répondre aux préoccupations qui se posent à nos concitoyens lorsque l’on s ‘éloigne des grands centres urbains. En effet, la transformation des activités économiques ce 40 dernières années a entraîné des modifications sociologiques dans les métropoles, leurs périphéries mais également dans le monde rural. A l’approche des élections régionales de 2021 il nous était apparu essentiel d'aborder ces différences territoriales de manière différente selon que l’on considère les métropoles et leurs périphéries ou les territoires ruraux.

 

Des inégalités territoriales au sein des métropoles

Aujourd’hui la métropole parisienne et les grandes métropoles concentrent l’essentiel de l'activité économique et de la population du pays.


Des cœurs de métropoles souvent investis par des CSP +

Au sein de ces métropoles, une part de plus en plus large des catégories socio-professionnelles basses (employés, ouvriers, professions intermédiaires et même au-delà) est contrainte de vivre dans les territoires en périphérie (à différentes échelles)

Les centres-villes, autrefois habités par les classes populaires, ont vu leurs populations changer. La part de catégories socio-professionnelles supérieures, attirées par une meilleure qualité de vie et de services, a progressivement augmenté. Paris, par exemple, est la ville où l’offre de transports, restauration, services sportifs, culturels, scolaires est de grande qualité et qui illustre parfaitement ces inégalités. Dans Paris intra-muros, la construction et la transformation d’immeubles en logements sociaux ou mixtes, la lutte contre l’habitat insalubre et la politique de peuplement des immeubles depuis 2001 permet encore une certaine mixité sociale. Malgré les efforts considérables déployés part la municipalité depuis 2001, des inégalités entre les différents arrondissements notamment subsistent. Par ailleurs, la demande de logements et l’augmentation du coût de l’immobilier dans le parc privé intra-muros sont telles que beaucoup de personnes qui travaillent sur la métropole parisienne choisissent (de gré ou contraints) de s’éloigner de Paris et partir vivre en petite ou grande couronne.


Des inégalités à l’échelle métropolitaine

Dans ces périphéries même, au sein de la métropole, existent encore de grandes inégalités notamment de revenus. Malgré des progrès réalisés pour un rééquilibrage ces dernières décennies dans certains départements, ces inégalités impliquent encore trop souvent des ségrégations importantes sur les territoires en particulier pour la jeunesse à l’école, d’accès à la culture, d'accès aux universités… du fait de l’éloignement géographique et des mobilités entravées. Comme c’est le cas sur le territoire parisien, les périphéries dans les territoires métropolitains sont hétérogènes et imposent un rééquilibrage territorial par la politique de logements et de transports à différents niveaux.


Nous proposons :

=> d’impulser à chaque niveau territorial (ville, département, région) davantage de coopération pour une harmonisation des politiques de logements, de services, d'offres culturelles et universitaires et de transports afin de favoriser la mixité sociale sur l'ensemble des territoires métropolitains

=> Équilibrer les coopérations à l’échelle régionale pour éviter la construction de super-territoires, qui concentreraient les richesses (ex : Fusion Yvelines-Hauts de Seine) => Créer davantage de logements sociaux dans les départements déficitaires notamment autour des nouvelles gares du grand Paris afin de permettre une meilleure mobilité régionale inter-départements dans le parc social.

=> Développer et renforcer la mixité sociale au sein des logements sociaux

=> Redonner de la liberté de mouvements aux personnes les plus éloignées/isolées sur nos territoires entre petite couronne parisienne et la grande couronne en diversifiant encore les moyens de mobilités et en menant des politiques déterminées d’amélioration des transports publics.


Des inégalités territoriales entre milieux ruraux et urbains

Malgré les disparités territoriales citées plus haut, une partie des habitants des grands territoires métropolitains bénéficient tout de même à plus ou moins grande distance de services publics satisfaisants. Le constat pour les habitants dans les milieux ruraux les plus éloignés des grandes métropoles est d'une autre nature.


Un sentiment de relégation et un dialogue à renouer avec les habitant·es des territoires éloignés des métropoles

La décentralisation telle qu’elle a été appliquée doit être questionnée et repensée. L'éloignement progressif de tous les services publics a entraîné un délitement du lien social et le sentiment d’abandon chez une partie grandissante de la population. A ce sentiment d'abandon de l’État s'ajoute souvent la peur de voir les emplois industriels qui subsistaient encore disparaître pour se rapprocher encore des grandes métropoles (insécurité économique). Ce sentiment de relégation entraîne le désintérêt pour les politiques publiques et la progression toujours plus importante du taux d'abstention et/ou la montée des extrêmes lors des élections successives. Par ailleurs, la crise du COVID et/ou la prise de conscience écologique pourrait avoir pour conséquence l’installation de nouveaux ruraux dans les campagnes dont les aspirations peuvent être en décalage avec celles des « locaux ».


Promouvoir les initiatives et combats des élus locaux

Les politiques d'aménagement ou initiatives au niveau local ne concernent à première vue qu’une infime partie de la population et restent trop souvent inconnues du grand public. Cependant, avec la prise de conscience écologique, il devient évident que des projets entrepris dans des territoires dits isolés peuvent avoir des répercussions importantes sur l'ensemble de la population française et même au-delà. Les combats territoriaux ont été ces dernières années plutôt portés médiatiquement par des groupes militants parfois antirépublicains, invisibilisant les prérogatives et les responsabilités des élus locaux. Il semble donc important de soutenir l’action des élus socialistes dans les territoires dans leurs actions et leurs initiatives. Cette réappropriation d'une identité propre doit porter sur les problématiques d'aménagement (développement des mobilités douces à grandes échelles) mais aussi industrielles (soutien aux innovations pour la reconversion des entreprises/industries implantées localement dans le respect de nouvelles exigences écologique) et environnementaux (politiques agricoles cohérentes au niveau territorial, gestion des forêts)

Nous pensons donc qu'il y a urgence à ce que notre parti :

=> Se pose la question des aspirations des personnes vivant dans les territoires ruraux en termes d'activités, d’emploi et de mobilités pour leur donner les moyens de rester vivre « au pays »

=> Encourager les initiatives dans les territoires non-métropolitains

=> Redonne la parole et une visibilité aux élus locaux en soutenant et valorisant leurs combats et leurs initiatives lorsqu’elles promeuvent et portent une vision d’innovation sociale, industrielle et écologique

=> Conditionner la décentralisation des moyens au respect de certains critères territoriaux et écologiques et accompagner tout transfert de compétences par des moyens budgétaires associés

=> Redonner de la liberté de mouvements aux personnes éloignées/isolées sur nos territoires : créer entre les villes et les campagnes des réseaux de mobilités douces ou adaptée.


Signataires :

Section de Paris 13e Ouest - Lucie Aubrac


 

 

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