GARANTIR L’ACCÈS À L’EAU POTABLE POUR LA VIE !


Thème : Eau


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Nous sommes d’une génération où l’eau potable coule en abondance à nos robinets. Et pourtant, ici ou là, plus encore dans les territoires ultramarins, certains de nos compatriotes sont confrontés à des problématiques de qualité ou d’accès depuis longtemps : il s’agit des prémices d’une situation amenée à se généraliser.

En quelques années, l’accès à l’eau potable, perçu dans l’imaginaire collectif comme étant un problème de potabilisation, et donc essentiellement financier, notamment dans les pays les moins développés, est devenue une problématique majeure dans notre pays – qualité, quantité, conflits d’usage sont désormais des débats publics récurrents.

En 2024, une nouvelle limite planétaire a été franchie s’agissant de l’eau bleue, c’est- à-dire l’eau douce, après celle de l’eau verte en 2022, c’est-à-dire celle qui est contenue dans ce qu’on ne voit pas : zones humides, sols, biomasse, végétation… C’est cette dernière et son surplus qui alimentent nos territoires.

L’eau est notre patrimoine commun, un bien rare qu’il convient de préserver.

L’eau est plus qu’une ressource : c’est la condition première du vivant, et donc de l’égalité.

Refuser que l’accès à l’eau devienne un privilège, c’est choisir de faire de sa gestion un pilier d’un projet écosocialiste ambitieux. Il s’agit d’arbitrer, de prioriser, de redonner à l’intérêt général toute sa place face aux logiques spéculatives, extractivistes ou technocratiques.

Garantir l’accès à l’eau pour la vie à toutes et tous, telle est l’exigence portée par cette contribution thématique dans le cadre du 81ème congrès de notre parti !

METTRE EN PLACE LA SÉCURITE SOCIALE DE L’EAU EN INSTAURANT UN TARIF UNIQUE DE L’EAU POTABLE POUR LES PREMIERS M3 SUR TOUT LE TERRITOIRE NATIONAL

S’il y a encore peu, en métropole ou dans les territoires ultramarins, les difficultés d’accès à l’eau restaient confidentielles, et pouvaient être considérées comme épisodiques, donc conjoncturelles, elles sont en réalité bien structurelles.

En 2023, sur le seul département de la Seine-et-Marne, ce sont 62 communes au sein desquelles leurs habitants n’ont pas eu accès à une eau conforme s’agissant de sa qualité, ce qui est bien évidemment le cas partout en France, au-delà des scandales sanitaires type Chlordécone en Guadeloupe. Mais il s’agit aussi de la question de sa disponibilité, avec une alimentation en eau qui provient, à ce jour, essentiellement des nappes. Après deux années record en termes de pluies, et la recharge des nappes en conséquence, les années de sécheresse juste avant sont presque déjà oubliées, à quelques exceptions près, et notamment dans le sud de la France. Et pourtant, il s’agit du même phénomène ; le changement climatique ne se traduit pas unilatéralement, il opère des mouvements de balancier de plus en plus intenses.

Ressource abondante, prix relativement peu élevés, c’est terminé !

Entre la nécessité de traiter toujours plus une ressource dégradée après des années à polluer et des réseaux mal entretenus qu’il convient de renouveler, le prix de l’eau ne pourra qu’augmenter.

Mais cette augmentation ne pourrait toucher ceux d’entre nous qui n’utilisent l’eau que pour leurs besoins primaires : c’est l’eau pour la vie. Ce besoin, nous devons le garantir à toutes et tous. Pour vivre décemment, l’OMS estime que chaque individu a besoin de 50 litres par jour. Dès lors, il s’agirait de proposer l’équivalent à un prix régulé sur tout le territoire national à 1€ / m3, puis une tarification progressive obligatoire au-delà d’une certaine consommation.

Adossé à un numéro unique par citoyen, chaque foyer, en fonction de sa composition, se verrait doté du minimum pour vivre décemment : ce serait mettre en actes ce que la loi considère depuis 1992, à savoir que l’eau est « patrimoine commun de la nation ».

RENFORCER LA PLACE DES INTERCOMMUNALITÉS EN INVENTANT DES NOUVELLES SOLUTIONS DE SOLIDARITÉ NATIONALE POUR RÉDUIRE LES INÉGALITES DES SERVICES D’EAU

Longtemps compétence communale, l’alimentation en eau de nos concitoyens n’a jamais fait l’objet d’une éventuelle nationalisation, ou d’une gestion centralisée, pour une raison essentiellement technique : c’est à l’échelon le plus pertinent, c’est-à-dire local qu’on y a accès, qu’elle peut être potabilisée et transportée dans nos foyers en fonction de chaque situation hydrologique. Mais l’avènement des intercommunalités comme échelon central de notre tissu institutionnel, avec tous ses défauts par ailleurs, a montré toute son efficacité s’agissant du petit cycle de l’eau depuis qu’elles sont devenues compétentes avec les lois NOTRE et MAPTAM.

Alors que nos parlementaires viennent, à rebours des démarches engagées depuis des années, de permettre aux petites communes, principalement rurales, de ne pas transférer les compétences eau potable et assainissement à leurs communautés de communes, le Parti Socialiste doit porter une ambition forte : renforcer plus encore la place des intercommunalités et définir les modalités pour des exceptions à l’aune de la seule configuration territoriale, par exemple dans des zones montagneuses.

Mais renforcer la place des intercommunalités passe nécessairement par des solidarités nouvelles et la mise en place d’une péréquation à l’échelle nationale. Si le financement du cycle domestique repose sur un principe – l’eau paye l’eau – qui a montré toute sa pertinence, il repose pour autant sur l’assiette de la consommation de chacun des usagers.

Tout le paradoxe est là : ce sont les zones les moins denses qui bénéficient du moins de recettes alors qu’elles ont les réseaux les plus importants à entretenir. Cela explique pourquoi les taux de rendement les plus faibles sont dans la ruralité, et pourquoi il s’agit d’un contre- sens malheureux que de laisser les communes seules face à des investissements toujours plus importants à mener.

Face à cette inégalité croissante, le Parti Socialiste doit inventer un nouveau modèle, qui préserve l’exception française qui garantit le financement des services de l’eau, tout en offrant à nos concitoyens les fruits de la solidarité nationale.

Pour cela, plusieurs mesures peuvent être développées :

  • Inventer un système de redevance pour les gros consommateurs d’eau chez les entreprises (industries, data center…), qui viendrait contribuer au renouvellement des canalisations ou au système de potabilisation ;
  • Créer un fonds de péréquation basé sur la densité des services d’eau, en faisant un rapport entre linéaire et nombre d’usagers desservis, pour aider les territoires moins denses ;
  • Imposer aux collectivités un taux minimal annuel de renouvellement des infrastructures pour lutter contre les fuites.

PROTÉGER LES CAPTAGES, RÉDUIRE LES POLLUTIONS ET RÉGULER LES TECHNOLOGIES DE TRAITEMENT DE L’EAU

Si la question des réseaux est importante, celle de la potabilisation ne l’est pas moins : en effet, la découverte de nouvelles pollutions dans l’eau fait régulièrement l’actualité, sans parfois que l’on maîtrise encore leurs conséquences pour la santé.

Mais là encore, les inégalités sont criantes quant à la capacité de certains services d’eau à mener les investissements nécessaires pour garantir une eau de qualité à nos concitoyens.

Face à cela, le Parti Socialiste doit être à l’offensive :

  • Réduire les pollutions à la source, en interdisant tout nouveau composé chimique dont l’absence d’impact sur le milieu naturel n’a pas été avérée et en appliquant systématiquement le principe de précaution ;
  • Dresser un état des lieux sur les pollutions ayant un impact sur le milieu naturel et les réduire autant que possible ; instaurer le principe du pollueur-payeur pour tous rejets qui resteraient autorisés ;
  • Protéger les aires de captages pour l’alimentation en eau en créant un programme massif permettant aux agriculteurs de se convertir dans une agriculture plus respectueuse des sols et des nappes ;
  • Investir dans la recherche sur les polluants insuffisamment identifiés et dont nous ignorons les conséquences pour la santé humaine.

En attendant la reconquête de la qualité des eaux, il conviendra de mettre à niveau les filières de traitement grâce aux modalités de financement exposées plus haut, tout en régulant la course au tout technologique, qui tend à faire croire qu’une solution est possible sans s’attaquer à la source du problème. En ce sens, le Parti Socialiste doit plaider pour un cahier des charges permettant de calibrer les filières en fonction des pollutions constatées. À titre d’exemple, le recours à des processus d’osmose inverse basse pression ne pourrait se faire qu’en des cas très particuliers, ceci afin d’éviter que des logiques financières n’entrent en ligne de compte s’agissant d’un bien commun.

RENDRE PUBLIQUES LES DERNIÈRES SITUATIONS DE MONOPOLE PRIVÉ DE L’EAU, FAVORISER LE RETOUR EN GESTION PUBLIQUE DIRECTE ET MIEUX INTÉGRER LES CITOYENS

Si la gestion des services d’assainissement est très majoritairement publique dans notre pays, cela n’est pas le cas pour les services d’eau potable, même si un fort mouvement s’est opéré ces dernières années en faveur de la création de régies publiques de l’eau.

À contre-courant d’ailleurs de l’imaginaire, les régies sont historiquement plus développées dans les zones moins denses. Dans les zones urbaines, là où les usagers sont nombreux, les économies d’échelles sont plus faciles à opérer et de facto, permettent d’engranger plus de bénéfices pour les délégataires.

Sans en faire un dogme, le Parti Socialiste doit pour autant affirmer une orientation forte en disant, s’agissant des biens communs et singulièrement de la gestion de l’eau, sa conviction pour une gestion en régie publique, qui peut et doit s’appuyer sur des opérateurs privés pour ses missions, pour enlever toute notion de marché et faire en sorte que les marges dégagées jusque-là puissent bénéficier à l’investissement patrimonial.

Par ailleurs, organiser les services d’eau et d’assainissement en régie publique permet de créer des conseils d’exploitation ou d’administration où sont discutées, avec l’ensemble des parties prenantes, toutes les questions relatives à l’organisation du service public : il s’agit là de garantir un maillon essentiel de la gouvernance de l’eau de notre pays.

Pour plus de transparence, l’État doit standardiser la présentation des factures pour bien comprendre la facture d’eau permettant à chacun de savoir ce qu’il paye, à qui et pourquoi.

Enfin, alors que l’essentiel des biens contribuant à l’alimentation en eau et à la gestion de l’assainissement en France sont propriétés publiques, il demeure quelques situations de monopole privé pour la production d’eau, en Île-de-France principalement : le Parti Socialiste doit s’engager résolument à y mettre fin en faisant évoluer la loi qui permet cette situation exceptionnelle et atypique ayant trop duré.

DEVELOPPER LA SOBRIÉTÉ HYDRIQUE, LES SOLUTIONS DE RÉUTILISATION

Prendre une douche plutôt qu’un bain, fermer le robinet lorsqu’on lave la vaisselle, installer des mousseurs pour réduire la consommation, tels sont quelques exemples de bonnes pratiques individuelles pour baisser la pression sur la quantité prélevée dans le milieu naturel.

Et cela fonctionne : on observe une baisse tendancielle de la consommation en eau ces dernières années. Au grand dam des

services d’eau potable qui n’ont aucun intérêt à favoriser la sobriété hydrique dès lors que leur financement repose sur la consommation, alors que leurs charges fixes sont, de toute manière, très importantes.

En miroir, pour les services d’assainissement, il n’y a aucun intérêt à favoriser l’utilisation des eaux de pluie, ce qui ne créera aucune recette, et pourtant, plus d’eau à transporter et à traiter. Là encore, notre modèle crée des contradictions qu’il nous faut dépasser pour voir à long terme.

Au-delà des comportements individuels, qui restent mineurs, il en va aussi de l’organisation de nos sociétés, dans l’agriculture, dans le secteur économique, dans nos collectivités. Nombreuses sont les communes, par exemple, à développer des solutions de réutilisation des eaux pour arroser les espaces verts, ou encore à planter des essences moins demandeuses en eau.

Il faut essaimer les bonnes pratiques à toutes les échelles : tout ce qui viendra contribuer à limiter l’utilisation de la ressource est positif. Le Parti Socialiste doit militer en ce sens, en réfléchissant pour cela aux modalités de compensation quand cela est nécessaire, permettant ainsi de faire de l’éducation à l’eau de manière beaucoup plus massive qu’aujourd’hui.

À l’ère de la transition numérique, les technologies de l’information, par exemple les compteurs individuels et communicants, ou les systèmes de supervision, doivent être pleinement mobilisées pour améliorer la gestion de l’eau : le Parti Socialiste doit encourager leur développement dans un cadre public et transparent, afin qu’elles servent l’intérêt général et participent à une gouvernance démocratique de l’eau.

Gestion des milieux aquatiques, prévention des inondations, cycle domestique sont les différentes faces d’une même pièce, qu’il convient de traiter de manière globale, en créant les conditions pour partager les enjeux de l’eau entre les pouvoirs publics, et avec les citoyens. Si cette contribution thématique est très orientée vers le « petit » cycle de l’eau, et plus encore vers l’eau potable, il s’agit ici de réaffirmer que la frontière avec le « grand » cycle est factice, puisqu’ils sont interdépendants.

Dès lors, le Parti Socialiste doit s’engager pour une nouvelle organisation de la gouvernance de l’eau en France, en développant des structures à la bonne échelle. S’agissant de nos cours d’eau, des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, la seule échelle pertinente est celle du bassin hydrographique car elle permet de développer une vision et des solutions globales. Notre territoire doit être systématiquement organisé en sous bassins versants avec des établissements publics dédiés à la gestion des eaux, leur permettant de

coordonner toutes les collectivités, adossé à un parlement local de l’eau renouvelé dans ses prérogatives.

À l’aune de changements climatiques toujours plus importants, les enjeux de l’eau sont multiples et nécessitent une prise de conscience rapide. Quand les conflits d’usage deviennent la norme – agriculture intensive, industrie, loisirs, data centers – le politique ne peut plus être dans l’arbitrage discret : il doit être dans la hiérarchisation assumée.

C’est pourquoi le Parti Socialiste, fort de ses traditions de solidarité, de service public et de planification, doit se saisir de la question de l’eau comme d’un marqueur fort d’un nouveau contrat social et écologique. L’eau, bien commun, doit être au cœur d’une République écologique la justice environnementale est indissociable de la justice sociale. C’est dans ce combat que notre parti retrouvera sa vocation : défendre l’essentiel.

 


Contributeurs : Adrien DERAIN (91) ; Michel BISSON (77) ; Olivier FAURE (77) ; Clovis CASSAN (91) ; David ROS (91) ; Sarah BENHAMMOU (91) ; Rafika REZGUI (91) ; Anouck JURAVER (44) ; Éléonore CAZAL (86) ; Jérôme GUEDJ (91) ; Sarah KERRICH (59) ; Nastassja NAGUSZEWSKI (91) ; Franck GAGNAIRE (37) ; Stéphanie LE MEUR (77) ; Josselin GOBERT (77) ; Aurélien BERNICCHIA (93) ; Lina BELHAJ (91) ; François FROMONT (91) ; Jonathan WAGNER (91) ; Maxime VIALA (91) ; Arthur MESMIN (94) ; Juline LEGRAS (91) ; Christian NIERMONT (91) ; Bernard MORIN (91) ; Pierre GÉRARD (91) ; Ahmed EL MOUSSAED (93) ; Clément DELAGE (91) ; Wesley BUTON-MABIKA (91) ; Romain TARDIF BENETOLLO (91) ; Matéo BOUTON (91) ; Claudie BOUTIN (91) ; James PETIT (91) ; Andreas MULARD (37) ;Jean-Louis MOUTON (77) ; Saïd LAATIRISS (91) ; Jean-Gaston MOUHOUNOU (91) ; Aboubakar COULIBALY (91) ; Abdel AMMARI (91) ; Sabine NAGEL (91) ; Augustin BOUSBAIN (91) ; Raphaël THOUREL (91) ; Shakthy RADJOU (91) ; Jean- Michel ESPALIEU (91) ; Thierry COLIN (91) ; Jérôme RITTLING (91) ; Xavier NAGEL (91) ; Mohamed KHOURI (91) ;


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