Il ne peut exister de GPA « éthique » : pour une position claire du Parti socialiste


Thème : Féminisme


 

 

La gestation pour autrui (GPA), pratique par laquelle une femme conçoit et porte un enfant en vue de le remettre à une tierce personne ou un couple, est aujourd’hui interdite en droit français. Cette interdiction repose sur un principe fondamental : l’indisponibilité du corps humain. Ce principe, de nature d’ordre public, affirme que le corps ne peut être cédé, loué ou échangé, même avec le consentement de la personne concernée.

Or, depuis plusieurs mois, une remise en question de ce socle juridique et éthique se fait entendre au sein même de la gauche. L’idée d’une « GPA éthique », qui serait encadrée, gratuite, fondée sur le seul altruisme, commence à percer dans les débats. Elle est même soutenue, de façon individuelle, par certaines personnalités socialistes. Nous considérons que cette orientation constitue une impasse dangereuse pour les droits des femmes, pour l’intégrité du droit civil français et pour notre cohérence progressiste.

Une fausse promesse : l’illusion d’une GPA « éthique »

Peut-on réellement croire à une GPA « éthique » ? À une GPA qui ne serait ni marchande ni contraignante ? La réponse est non. Comme l’a dit René Frydman, inventeur de la fécondation in vitro, « la GPA éthique est un vœu pieux ». En pratique, il n’existe pas — et il n’existera jamais — de GPA entièrement affranchie de la logique de marchandisation. Le simple fait de contractualiser une grossesse revient à transformer le corps d’une femme en objet de prestation, et l’enfant à naître en objet d’une transaction.

Dans les pays où la GPA est autorisée, même sous des formes soi-disant « altruistes », les abus sont légion. En Grèce, où seuls les frais médicaux sont censés être pris en charge, le recrutement des mères porteuses s’accompagne de dessous-de-table. Les femmes concernées viennent majoritairement de pays pauvres (Albanie, Bulgarie), et sont souvent sans ressources alternatives. Aux États-Unis, en Inde ou en Ukraine, ce sont les femmes racisées, issues des classes populaires, qui portent les enfants de couples plus riches, souvent occidentaux et blancs. Une telle réalité ne peut pas être ignorée.

Une forme moderne d’exploitation reproductive

La GPA est l’une des expressions les plus abouties de la marchandisation capitaliste du corps humain. Là où les rapports de travail traditionnels exploitent la force de travail, la GPA exploite la capacité reproductive. Elle institue un marché où certaines femmes mettent leur utérus à disposition de ceux qui peuvent se l’offrir. C’est un système d’aliénation biologique qui repose sur des inégalités de classe, de race et de genre.

Ce phénomène génère ce que l’on pourrait appeler un prolétariat reproductif : des femmes assignées à produire des enfants pour d’autres, au nom du seul pouvoir économique de ces derniers. Cette dynamique entre en contradiction frontale avec les luttes féministes, qui s’opposent depuis toujours à l’assignation des femmes à la maternité. Nous refusons qu’après avoir conquis le droit de ne pas enfanter, les femmes soient aujourd’hui poussées, pour survivre, à enfanter pour d’autres.

Des conséquences invisibilisées et graves

Les conséquences de la GPA sur la santé physique et mentale des femmes sont bien documentées : risques accrus de complications obstétriques, dépression post-partum plus fréquente, dissociation émotionnelle forcée. Quant aux enfants nés de GPA, plusieurs études soulignent des troubles émotionnels ou identitaires liés à l’arrachement précoce à celle qui les a portés.

Un enfant ne devrait jamais être l’objet d’un contrat. Or, tout cadre juridique légalise de fait une forme de transaction, où l’enfant devient la finalité d’un arrangement entre adultes. Cela ouvre la porte à une logique redoutable : celle où le désir d’enfant prime sur tous les autres droits, y compris celui de ne pas être conçu, porté et remis comme un bien.

La gauche ne peut abandonner ses principes

Le droit français, à travers la jurisprudence de la Cour de cassation (1991), affirme que même à titre gratuit, une convention de GPA contrevient à l’ordre public. L’article 1129 du Code civil stipule qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Or, le corps des femmes, comme l’enfant, ne sont pas des choses. Le reconnaître, c’est affirmer une vision humaniste, féministe et républicaine de la société.

La gauche, et en particulier le Parti socialiste, ne peut se laisser séduire par une vision consumériste du progrès, où l’émancipation individuelle justifierait toutes les pratiques. La liberté de disposer de son corps ne signifie pas la liberté de se vendre. Il n’y a pas de progrès dans l’exploitation consentie. Ce serait un renoncement à l’universalisme républicain que d’accepter qu’il y ait des femmes « disponibles » pour porter les enfants d’autrui, simplement parce qu’elles sont pauvres ou vulnérables.
Nos propositions pour une gauche féministe et cohérente.

Nous proposons que le Parti socialiste réaffirme fermement :
• Son opposition à toute forme de GPA, qu’elle soit marchande ou prétendument altruiste.
• Son attachement au principe d’indisponibilité du corps humain, fondement du droit civil français.
• Son engagement pour l’abolition universelle de la GPA, à travers un travail diplomatique et une adhésion pleine à la Déclaration de Casablanca.
• Un soutien renforcé à l’adoption et à la PMA, comme réponses à la souffrance liée à l’infertilité, dans le respect des droits de l’enfant.
• Une politique de solidarité envers les femmes victimes de GPA à l’étranger, incluant un accompagnement social et psychologique.

Nous voulons une gauche qui protège, pas qui exploite. Une gauche qui affronte les contradictions du capitalisme mondialisé, pas qui les organise au nom de l’émancipation individuelle. Une gauche qui affirme que le progrès ne peut se faire au détriment des femmes, de leur santé, de leur dignité, ni des droits fondamentaux des enfants.


Contributrices : 

FADAT Cécile, Adjointe à la Maire de Condat-sur-Vienne, membre du CN, SF Fédération de la Haute-Vienne

SIRY-HOUARI Gabrielle, Adjointe au Maire du 18e arrondissement, membre du BN, Fédération de Paris

Signataires

DELGA Carole, Présidente de la Région Occitanie, Fédération de la Haute-Garonne,

HEROUIN-LÉAUTEY Florence, Députée, SF à l’éducation, Fédération de Seine Maritime,

ROSSIGNOL Laurence, Senatrice, Fédération du Val de Marne,

THIEBAULT-MARTINEZ Céline, Députée, Bureau fédéral de Seine et Marne,

ADAM Magali, Adjointe au Maire de Elbeuf sur Seine, membre du CN, Fédération de Seine Maritime,

ALUNNO Jean-Louis, Conseiller Municipal, Fédération des Bouches-du-Rhône,

AVENET Eleonore, SF égalité F/H de la Fédération de l'Hérault,

BENLAHCEN Mehdi, FFE de Lisbonne,

BRIDIER Sylvie, Conseillère Municipale de Pessac, membre du BNA, Fédération de la Gironde,

BONNOT Malika, Conseillere d’arrondissement Ville de Lyon, CNC, CF - BF de la Fédération du Rhône,

BOUSQUET-PITT Pascale, Adjointe au Maire de Bordeaux, Fédération de Gironde,

CARREIRAS Joël, Membre du CN, Fédération de la Haute Garonne,

GONDARD Cecilia, Membre de l'Assemblée des Français de l’étranger, Secrétaire Nationale, FFE,

CHAPELLE-CHARIER Christelle, Conseillère municipale (86), SF à l'égalité F/H de la Fédération de la Vienne,

COURAUD Geneviève, Fédération des Bouches-du-Rhône,

FITA Claire, Députée Européenne, Fédération du Tarn,

FOURTIC-DUTARDE Yseline, Conseillère municipale déléguée aux droits des femmes, SNA aux relations avec le mouvement féministe, Fédération du Val de Marne,

DEVIER Jacqueline, SF aux droits des femmes, Fédération des Alpes Maritimes,

DUTEIN Denise, Fédération de Seine et Marne,

EL JAÏ Yasmine, SN formation interne à l’égalité, Fédération de Paris,

GATIAN Audrey, Adjointe au Maire de Marseille, SN, membre du CN, Fédération des Bouches-du-Rhône,

GREFFE Fabien, SF à la Fédération de la Drôme,

HAKNI-ROBIN, Adjointe à la Maire de Rennes, membre du BN et du CN, BF et CF de la Fédération d’Ille-et-Vilaine,

KASKOURA-SCHULZ Moschovia, secrétaire fédérale pour l'égalité à la FFE,

MARTIN Christophe, Conseiller Municipal, CF de la Fédération des Pyrénées Atlantique,

MOUNIER Pierre-Alexandre, Conseiller municipal, membre du CN, CF de la Fédération des Yvelines,

NABET GIRARD Brigitte, Adjointe au maire d'Izon,
membre du BN, CF de la Fédération de la Gironde,

NOSBÉ Yvan, Conseiller Métropolitain et Municipal de Montpellier, CF de la Fédération de l'Hérault,

OLIVIER Maud, ex Députée, Fédération de l’Essonne,

PALMADE Muriel, membre du CN, BF de la Fédération de la Haute-Garonne,

PINSON David, Fédération des Alpes Maritimes,

RAMUSCELLO Dominique, Conseiller municipal, SF à la Fédération du Tarn,

VIZIOZ -BRAMI Camille, Conseillère arrondissement Paris 9e, SF de la Fédération de Paris,


 

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