Investir dans la défense c’est aussi investir dans la défense de nos idéaux


Thème : Défense


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Il est indispensable d’engager une stratégie visant à accélérer notre rattrapage dans les domaines où nos armées pâtissent d'un équipement insuffisant voire d'un retard : artillerie longue portée, défense antiaérienne, missiles hyper véloces, munitions intelligentes, guerre électronique... Certains de ces retards risquent aujourd'hui de ne pas être comblés avant la prochaine décennie, alors que des menaces majeures pourraient se concrétiser avant ; dans l'attente de solutions françaises, il faudra donc envisager des acquisitions de matériel étranger.

« Les nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée » Tacite


INVESTIR DANS LES TECHNOLOGIES DE RUPTURE POUR CONSERVER NOTRE SUPÉRIORITÉ OPÉRATIONNELLE

Il apparait nécessaire pour combler ce retard de :

  • Créer un Fonds d'investissement au profit de l'armée française pour contribuer au financement de l'innovation militaire et civile ; ce Fonds inclura Def'invest et l'Agence d'innovation de la défense. Ces crédits supplémentaires permettront à nos armées de toujours avoir un temps d'avance sur les technologies de demain : nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC), intelligence artificielle (IA), robotique, drones, missiles hypervéloces, biomédecine du champ de bataille, munitions intelligentes... Ils permettront en outre d'irriguer notre base industrielle et technologique de défense (BITD) et de faire émerger des innovations qui auraient difficilement vu le jour en-dehors des programmes longs menés par la direction générale de l'armement (DGA).

  • Combler en urgence notre retard dans le domaine des drones « low cost » où la France est désormais distancée par des puissances comme la Turquie. Avec le Patroller entré en service en 2022, nos armées disposent désormais d'un drone tactique de fabrication française pouvant être armé, mais pas de drones à bas prix et de drones pouvant être employés en grand nombre pour emporter la décision sur un champ de bataille. Par pragmatisme, il faudra dans un premier temps acheter « sur étagère » à des fournisseurs étrangers pour équiper l'armée de Terre, la Marine nationale et les forces spéciales de ce type de drones. En parallèle, nous devons lancer au plus vite un programme français de conception puis de fabrication de nos propres drones : au vu de la rusticité des technologies concernées et de nos propres savoir-faire, un tel programme peut passer à la phase de production en un temps particulièrement court.

  • Maintenir le programme Eurodrone, complémentaire de la construction de drones « low cost », et acquérir davantage de drones MALE à l'étranger.

  • Renforcer les investissements dans la lutte anti-drones, en particulier dans les technologies laser qui devraient être opérationnelles d'ici 2024, pour passer à une production à grande échelle face au risque d'un emploi massif de drones sur le champ de bataille.

  • Investir davantage dans les programmes visant à équiper le « soldat du futur » via l'augmentation des capacités individuelles du combattant, dans trois domaines prioritaires : exosquelette, pharmacopée, connectivité. Ces programmes resteront encadrés par des règles éthiques strictes.


MARINE NATIONALE : NOUS DONNER LES MOYENS MILITAIRES POUR COUVRIR EFFICACEMENT NOTRE SURFACE MARITIME

La France est devenue, depuis la convention de Montego Bay, le deuxième pays du monde en termes de surface maritime, juste derrière les États-Unis. A ce titre, elle se doit d’avoir une marine en conséquence et pour cela il semble nécessaire de :

  • Décider de la construction de deux futurs groupes aéronavals au lieu d'un seul pour remplacer le Charles de Gaulle à l'horizon 2038. S'il sera possible de mutualiser une partie des navires accompagnant chaque porte-avions, il est impératif de disposer de deux navires de ce type pour assurer une permanence à la mer.

  • De nous donner les moyens d'assurer la surveillance et la sécurité de notre zone économique exclusive, en dotant notre Marine de davantage de patrouilleurs océaniques et d'avions de surveillance maritime. La loi de programmation militaire (LPM), actuelle prévoit qu'en 2030 la Marine nationale n'arme que 20 patrouilleurs en haute mer. Cet objectif manque clairement d’ambition et mériterait d’être revu à la hausse en augmentant également la cible des commandes d'avions de surveillance maritime.

  • Accroître notre flotte de surface en commandant d’avantage de frégates de défense et d'intervention supplémentaires pour renforcer la Marine nationale : cet effort est à notre portée au plan industriel et plus encore au plan budgétaire, puisque l'augmentation du nombre de frégates se traduira par une réduction des coûts unitaires.


ARMÉE DE TERRE : MIEUX PRÉPARER NOS FORCES AUX CONFLITS DE DEMAIN

La taille actuelle de l’Armée de Terre ne permet pas d’assurer un déploiement efficace sur plusieurs théâtres d’opération. Il apparait donc nécessaire de prévoir une augmentation des effectifs de l'ensemble des forces terrestres, à commencer par la Force opérationnelle terrestre (FOT) : la hausse des effectifs sera déterminée en fonction des besoins, des capacités de recrutement, de fidélisation, d'équipement et d'entraînement supplémentaires de l'armée de Terre. Au-delà cette mesure il apparait nécessaire de :

  • Redonner de la « masse » supplémentaire à nos armées en recourant à des solutions complémentaires de l'augmentation des effectifs : recours accru à la réserve et à la Garde nationale (dont les effectifs seront également renforcés) pour réaliser des tâches aujourd'hui assurées par les forces d'active, donner à des milliers de civils de la défense une formation militaire suffisante pour pouvoir les engager au besoin dans les forces d'active après une brève mise à niveau.

  • Accélérer la mise en œuvre du programme Scorpion pour moderniser et renouveler le segment médian des blindés, et les études du programme Titan.

  • Augmenter le nombre d'aéronefs en service dans l'aviation légère de l'armée de Terre.

  • Commander de nouveaux drones Patroller armés, en plus de ceux déjà prévus dans le cadre de

    l'actuelle loi de programmation militaire.

  • Augmenter la puissance de feu de notre artillerie en commandant de nouveaux CAESAR, lance-roquettes unitaires et multiples ainsi que des mortiers lourds.

  • Étudier la faisabilité d'une remise en marche des lignes de production des chars Leclerc, que ce char fasse l'objet de nouvelles commandes à l'étranger ou non.

  • Lancer un programme national de char de combat du futur pour remplacer le char Leclerc à horizon 2040 au plus tard, dans le cas où il nous faudrait quitter le programme franco-allemand

  • Lancer un plan de construction de navires porte-drones et revoir à la hausse nos ambitions en matière de drones sous-marins. MGCS pour préserver nos intérêts. Il ne s'agira pas d'entériner un retrait du programme MGCS, mais de mieux nous préparer à une telle éventualité.


ARMÉE DE L'AIR ET DE L'ESPACE : CONSERVER L'UN DES PREMIERS RANGS MONDIAUX

Nos capacités aériennes ne sont plus à un niveau suffisant pour défendre l’ensemble du territoire national en particulier en cas d’engagement à haute intensité sur la zone pacifique. Il semble donc urgent d’augmenter le nombre d'aéronefs en service dans l'armée de l'Air et de l'Espace dans trois domaines : les capacités de chasse-bombardement en commandant des Rafale supplémentaires et en étudiant le possible achat de bombardiers tactiques ou de bombardiers lourds ; les capacités de transport tactique, en accélérant dans la mesure du possible la livraison des A400M et en commandant des appareils supplémentaires ; les capacités de guerre électronique. Ceci passant évidement également par un accroissement du taux de disponibilité de nos aéronefs via la hausse des dépenses dans l'entretien et le maintien en condition opérationnelle.

Il apparait également nécessaire de :

  • Renforcer nos capacités de défense anti-aérienne en commandant plusieurs systèmes de tir supplémentaires.

  • Lancer un programme national de système de combat aérien du futur (avion de combat, drones d'accompagnement et cloud de combat) pour remplacer le Rafale, dans le cas où il nous faudrait quitter le programme européen SCAF pour préserver nos intérêts. Comme pour le MGCS, il ne s'agira pas d'entériner un retrait du programme SCAF, mais de mieux nous préparer à une telle éventualité.

  • Amplifier d'ici à 2030 la hausse de notre effort budgétaire dans le domaine spatial engagée par la LPM 2019-2025 ; la hausse des dépenses militaires consacrées à l'espace ira de pair avec une hausse de nos dépenses civiles.

  • Nous donner les moyens de développer et conserver des capacités d'appréciation de situation (comme le renseignement) et d'action autonomes à l'échelle nationale : si la France ne pourra tout faire seule en matière de défense spatiale, elle doit pouvoir disposer de capacités nationales pour défendre ses intérêts et affirmer sa puissance.

  • Investir davantage pour le développement de capacités de défense active : sans remettre en cause les fondamentaux de la doctrine française actuelle (précisée dans la Stratégie spatiale de défense) qui écartent tout comportement agressif de la part de la France dans l'espace, il convient de nous doter de capacités offensives dans le respect des traités encadrant la militarisation de l'espace.

  • Renforcer les effectifs du Commandement de l'Espace, ainsi que la formation aux enjeux de la défense spatiale.


CYBERDÉFENSE ET CYBERSÉCURITE : COMBLER LES FAILLES DE NOTRE SÉCURITÉ NATIONALE

Pour répondre aux enjeux de plus en plus pressant dans ce domaine, il est indispensable de bâtir une stratégie de dissuasion et de coercition : en cas de menace de la part d'un Etat étranger ou d'attaque imputable à un État ou un groupe opérant pour un État (les cyberattaques ne pouvant pas définition être attribuées avec une complète certitude), la France doit pouvoir être en mesure d'infliger des dégâts sévères.

Pour cela nous nous devons d’investir pour renforcer notre base industrielle en matière de cyberdéfense et cybersécurité : les agences et organisations de l’État français (ANSSI, COMCYBER et DGSE/DT) sont de très haut niveau et reconnues à l'étranger pour leur excellence, mais nos capacités

industrielles dans ce domaine restent largement perfectibles. Il s'agit également d'un enjeu de souveraineté : à titre d'exemple, 80% des outils de protection utilisés par les entreprises françaises sont d'origine américaine ou israélienne.

Enfin, pour atteindre ces objectifs il faut également :

  • Amplifier les efforts de prévention et de formation des particuliers, des entreprises et des établissements publics à la cyberdéfense, pour réduire au maximum les risques pesant sur les Français, notre économie et nos services publics.

  • Bâtir une stratégie de dissuasion et de coercition : en cas de menace de la part d'un Etat étranger ou d'attaque imputable à un Etat ou un groupe opérant pour un Etat (les cyberattaques ne pouvant pas définition être attribuées avec une complète certitude), la France doit pouvoir être en mesure d'infliger des dégâts sévères.

  • Bâtir parallèlement une stratégie globale de résilience de la société, incluant un effort pour améliorer la protection de nos infrastructures numériques et leur capacité à retrouver un fonctionnement normal ou à fonctionner en mode dégradé afin d’éviter un Pearl Harbor numérique.

  • Renforcer nos capacités défensives et offensives avec le recrutement de personnels supplémentaires et un investissement conséquent dans les équipements et logiciels. Faire effort sur la réserve afin de pouvoir disposer de « corsaires » sur ce nouveau champ de bataille.

  • Promouvoir une base industrielle de défense européenne tout en défendant mieux nos intérêts nationaux

  • Continuer à soutenir la création d'une infrastructure industrielle de défense commune, condition pour que l'Europe se forge un esprit de défense. La coopération européenne est une longue histoire de succès et d’échecs, mais elle demeure le moyen pour la très grande majorité des États européens de disposer de matériels militaires aux capacités technologiques innovantes qu’isolément ils auraient du mal à développer, du fait des coûts élevés de recherche et développement, de la modestie de leur besoin national, et de l’incertitude à l’exportation. Elle leur permet aussi de se libérer de la dépendance que constitue l’achat d’armement américain (y compris de sa législation extraterritoriale comme l’International Traffic in Arms Regulations ou ITAR) alors même que l’attention stratégique de cet allié est clairement mobilisée par l’Asie et le Pacifique. Cette coopération devra désormais accentuer ses efforts dans les domaines nouveaux que sont les réseaux numériques, l’industrie spatiale, la cybersécurité et l’intelligence artificielle (IA).

  • Garantir que la maîtrise d’œuvre des projets européens soit conservée sans partage par la France dans les domaines où elle possède une expertise et une culture stratégiques supérieures à celle des autres nations européennes comme dans les domaines où elle investit plus que ses partenaires.

  • Favoriser au mieux la construction ou le maintien d’une infrastructure industrielle nationale de défense dans tous les domaines tout en restant ouvert à une coopération avec nos partenaires européens.


Signataires :

Mathieu Gitton, secrétaire de section de Belgique


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