Thème : DEMOCRATIE
Depuis son investiture en janvier 2025, Donald Trump, élu démocratiquement à la tête de la première puissance mondiale, fait sauter un à un les verrous traditionnels de la démocratie libérale. Par une avalanche de décrets présidentiels, il contourne le pouvoir législatif et balaie les décisions du pouvoir judiciaire. Ce démantèlement méthodique des contre-pouvoirs est l’aboutissement d’un processus amorcé dès son premier mandat (2017-2021). Son retour à la Maison Blanche se traduit notamment par la création d’un pseudo-ministère chargé de l'efficacité ministérielle (le DOGE) dirigé par Elon Musk, l’homme le plus riche du monde. En agissant ainsi, il démantèle administrations et institutions, notamment celles en charge de la protection de droits fondamentaux, de l’éducation, de la santé, des consommateurs, de l’environnement, et aussi des universités.
Nous, militant·es socialistes, engageons une réflexion pour repenser et refonder la pratique démocratique en France, afin d’éviter que notre pays ne suive demain le chemin des Etats-Unis sous administration Trump.
Donald Trump conduit une entreprise inarrêtable en raison d’un affaiblissement sans précédent des contre-pouvoirs. Cet affaiblissement a été rendu possible par une intense pression sur le système judiciaire et un mépris total pour ses décisions – nomination de trois juges conservateurs à la Cour Suprême, qui a eu des conséquences majeures notamment la décision d'annuler Roe v. Wade, et de 210 juges fédéraux au cours du premier mandat, purge de procureurs, non-application des décisions de justice, diffamation des juges et des cabinets d’avocat s’opposant à lui, et appel à la destitution des juges fédéraux qui ordonne l'arrêt de l’application des décrets –.
De plus, Donald Trump neutralise le Congrès dont les compétences sont foulées aux pieds – gel des budgets, fermeture d’agences au mépris des lois votées par le Congrès, élus terrorisés, ou achetés, jusqu’au sein de la majorité républicaine avec des raids sur les réseaux sociaux et des menaces de financer les campagnes d’opposants. Il peut aussi compter sur le noyautage et le déséquilibre des médias au profit de l'extrême droite – en particulier le rachat et mise sous coupe réglée des grand journaux d’investigation, tels que le Washington Post – par une oligarchie de milliardaires à sa solde, dotée d’une influence directe ou indirecte sur le gouvernement, en tant que ministres ou conseillers, sans commune mesure dans l’histoire moderne des Etats-Unis.
Cette dissolution de la séparation des pouvoirs aux États-Unis met à nu la fragilité des institutions françaises devant la collusion des pouvoirs exécutifs, financiers et médiatiques, et le risque réel de sombrer dans une oligarchie illibérale. Pour garantir l'intégrité de notre système démocratique, renforcer les mécanismes de contrôle et d’équilibre des pouvoirs, et éviter que des individus ne les utilisent à des fins personnelles ou abusives, nous proposons de:
1.Redéfinirlestatutetlespouvoirsduchefdel'Etat
La quasi impossibilité de destituer un président de la République, loin d'être un sujet démagogique, interroge le principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Si Nicolas Sarkozy avait été réélu, et donc au pouvoir lorsque l’affaire Bygmalion a éclaté, quel recours effectif aurait-il pu être utilisé ? La procédure de destitution prévue par l’article 68 de la Constitution, jamais utilisée depuis 1958, se révèle trop lourde pour voir toutes ses conditions réunies. Par ailleurs, le président de la République dispose d’un pouvoir exclusif pour nommer des personnalités à des postes stratégiques, ce qui peut permettre des ingérences d’entreprises ou d’individus influents dans la politique française, à l’instar d’Elon Musk aux États-Unis, compromettant ainsi l’indépendance des autorités de régulation.
Nous proposons de :
- Créer une procédure effective d’“impeachment” à la française
- Donner à l'Assemblée nationale un pouvoir de veto à la majorité simple après audition des personnalités nommées par le Président de la République
- Revoir les conditions de compétence et d’honorabilité des membres du Conseil Constitutionnel (suppression du droit de siéger à vie pour les anciens Présidents de la République).
- Harmoniser les nominations par le président de la République aux plus hautes fonctions de l’Etat (juges constitutionnels, vice-président du conseil d’Etat, etc.) par une procédure transparente incluant des auditions publiques.
2. Encadrer le pouvoir exécutif et revenir sur le parlementarisme rationalisé
Si l'actuel Président des Etats Unis pouvait maîtriser l’essentiel de l’ordre du jour parlementaire comme c’est le cas en France, et disposait d’une possibilité de passage en force équivalente de l’article 49.3 de notre Constitution, il fait peu de doute qu’il rencontrerait encore moins d’entraves au développement de son programme funeste. Persuadés que l’efficacité de l’Etat, gage de l’adhésion des citoyens à tout projet politique, doit être préservée, nous défendons une évolution du régime parlementaire vers un exécutif rationalisé. Le rééquilibrage des pouvoirs et leur plus nette séparation limiteraient l’impression qu’ont les citoyens de vivre sous un régime de “monarchie républicaine” et revitaliseraient le Parlement, à condition de lui offrir des moyens réels de contrôle, d’évaluation et d'élaboration des lois, à l’image du Congrès américain. De plus, pour éviter que ne s'installent dans la durée des systèmes de monopole décisionnel et de collusion avec les décideurs des secteurs public et privé, les lois sur la limitation du cumul des mandats doivent être renforcées.
Nous proposons de:
- Rééquilibrer le droit d’initiative législative entre le parlement et le gouvernement.
- Supprimer l’article 49 alinéa 3
- Établir que les parlementaires disposent d’un véritable pouvoir d’amendement notamment celui de créer des dépenses nouvelles pour l’Etat
Renforcerl'encadrementdulobbyingetpréserverl’intégritédusystèmedémocratique, par une transparence accrue de la fabrique de la loi (e.g. compte rendu des réunions entre représentants d'intérêt et décisionnaires publics).
- Limiter à deux mandats consécutifs les principales fonctions exécutives comme pour la présidence de la République (e.g. président.e d'agglomération, de Conseil départemental, de Conseil régional)
3. Préserver l'indépendance des médias
La concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes privés et/ou de milliardaires représente l’un des plus grands défis posés à la démocratie française. Ce que Vincent Bolloré a réussi à mettre en place, profitant de la faiblesse d’un régulateur (ARCOM) sans véritable moyen de pression, rappelle la situation aux Etats-Unis, où, depuis plus d’une décennie, les médias tels que Fox News propagent de fausses informations et manipulent l’opinion pour faire émerger un discours populiste, anti-élites, souvent anti-démocratique et réactionnaire, qui a pavé le chemin à l’élection, puis à la réélection de Donald Trump. Nous proposons de:
- Pérenniser le financement de l’audiovisuel public mais aussi augmenter le soutien financier aux quotidiens et magazines garantissant la pluralité des médias français.
- Renforcer la régulation et le contrôle de la concentration des médias (démocratisation de la gouvernance des médias, protection contre les rachats non désirés, transparence de l’actionnariat).
4. Conserver un système de financement public des campagnes électorales.
Constatant les dérives d’un système réglementé à l’américaine qui permet une injection presque illimitée de capitaux privés dans le financement des campagnes électorales (les “super PAC”), nous appelons à un renforcement des mesures entourant le financement politique en France. Le système actuel plafonne les dépenses des candidats et interdit les dons des entreprises, évitant collusions entre intérêts privés et publics. Bien qu’ambitieux, ce cadre reste imparfait, comme l’a révélé l’affaire Bygmalion.
Nous proposons de
- Abaisser le seuil à 3% des suffrages pour obtenir un remboursement des dépenses engagées pendant des élections soulevant de nombreuses critiques.
- Créer un système de “bon citoyen de 5 euros” que chacun pourrait utiliser pour financer un parti ayant reçu un minimum de voix aux élections précédentes
- Réaliser un contrôle en temps réel des comptes de campagne.
- Étudier le rôle des crypto-monnaies dans le financement occulte des partis et des campagnes.
Conclusion
Renforcer nos institutions démocratiques n’est pas une option, c’est un devoir. Nous devons garantir un avenir où l'égalité demeure la valeur cardinale, sans distinction entre les citoyens en fonction de leur origine, de leur richesse ou de leur statut, et renforcer la démocratie en restreignant la domination des puissances de l’argent. Les réformes proposées ici doivent s’ancrer dans des valeurs sociales et solidaires, celles de l’égalité, de la fraternité et de la liberté, des principes qui appartiennent à la gauche et qui guident notre engagement pour une société juste et équitable. Ces réformes doivent garantir que les principes d’éthique et de transparence restent au cœur de nos institutions.
Contributeurs : Corinne NARASSIGUIN (93, Seine-Saint-Denis) – Parlementaire, Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Pierre JOUVET (26, Drôme) – Parlementaire, Membre des Instances Nationales, Emma RAFOWICZ (75, Paris) – Parlementaire, Membre des Instances Nationales, Mickaël BOULOUX (35, Ille-et-Vilaine) – Parlementaire, Membre des Instances Nationales, Sophie ROQUES (13, Bouches-du-Rhône) – Présidente d’HES, Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Yan CHANTREL (FFE) – Parlementaire, Membre des Instances Nationales, Léa PAWELSKI (76, Seine-Maritime) – Membre des Instances Nationales, Elu.e.s, Dylan BOUTIFLAT (45, Loiret) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Ninuwé DESCAMPS (83, Var) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e., Militant.e, Yannick TRIGANCE (93, Seine-Saint-Denis) – Membre des Instances Nationales, Elu.e, Cécilia GONDARD (FFE PS) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Militant.es, Sylvain MATHIEU (58, Nièvre) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e., Militant.e, Gulsen YILDIRIM (87, Haute-Vienne) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e., Militant.e, Frédéric ORAIN (41, Loir-et-Cher) – Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Alexane RIOU (75, Paris) – Membre des Instances Nationales, Gaston LAVAL (75, Paris) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Estelle PICARD (79, Deux-Sèvres) – Membre des Instances Nationales, Brigitte MARCINIAK (56, Morbihan) – Membre des Instances Nationales, Militant.es, Augustin BALLOT (Maroc FFE) – Militant.es, Maelia JOLY-ALBA (69, Rhône) – Militant.es, Stéphane BRIBARD (75, Paris) – Militant.es, Hernan URZUA (74, Haute-Savoie) – Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Militant.es, Hervé HIRIGOYEN (31, Haute-Garonne) – Membre des Instances Fédérales, Militant.es, Blandine DRAIN (62, Pas-de-Calais) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Frédérique MEYNET (74, Haute-Savoie) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Jean-Christophe BEJANNIN (75, Paris) – Membre des Instances Fédérales, Militant.es, Anne LE MOAL (93, Seine-Saint-Denis) – Membre des Instances Fédérales, Elu.e., Militant.e, Théard PHAM (65, Hautes-Pyrénées) – Membre des Instances Fédérales, Militant.e, Yves LE PAPE (69, Rhône) – Membre des Instances Fédérales, Stéphane JOUANNY (42, Loire) – Membre des Instances Fédérales, Militant.e, François BRIANÇON (31, Haute-Garonne) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e., Franck SCEMAMA (33, Gironde) – Militant.e, Anne-Juliette TILLAY (93, Seine-Saint-Denis) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Philippe HORTALA (11, Aude) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Militant.e, Thierry TALON (13, Bouches-du-Rhône) – Membre des Instances Fédérales, Remi AUFRERE-PRIVEL (75, Paris) – Membre des Instances Nationales, Michel BESSIERE (24, Dordogne) – Elu.e., Militant.e, Pierre SZTULMAN (GSE Economie Sociale et Solidaire) – Membre des Instances Nationales, Militant.e, Guiheneuf (44, Loire-Atlantique) – Membre des Instances Fédérales, Philippe LASNIER (75, Paris) – Membre des Instances Fédérales, Militant.e, Arnaud HILION (82, Tarn-et-Garonne) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Elu.e., Militant.e, Gérard MENGANT-SÜSS (75, Paris) – Membre des Instances Fédérales, Militant.e, Lilian BRAYAT (35, Ille-et-Vilaine) – Militant.e, Yasmine EL JAÏ (75, Paris) – Membre des Instances Nationales, Annie MICHEL (FFE) – Elu.e., Militant.e, Michaël LEON (77, Seine-et-Marne) – Membre des Instances Fédérales, Militant.e, Morgan BOUGEARD (75, Paris) – Membre des Instances Nationales, Manon LEBATTEUX (NYC) – Militant.e, Luc LEBON (75, Paris) – Elu.e., Valérie LEVESQUES (76, Seine-Maritime) – Membre des Instances Fédérales, Gabriel GALVEZ-BEHAR (59, Nord) – Militant.es, Bruno PERAN (31, Haute-Garonne) – Militant.es, Matthieu PINARD (Danemark-Norvège) – Membre des Instances Fédérales, Philippe HAMELIN (75, Paris) – Militant.es, Pascal DURRIEU (75, Paris) – Militant.es, Cyril GALLE (75, Paris) – Militant.es, Lénaïc VAZ-SANTIAGO (66, Pyrénées-Orientales) – Militant.es, Pierre-Alain WEILL – Membre des Instances Fédérales, Militant.es, Hélène MERMBERG (75, Paris) – Membre des Instances Fédérales, Elu.e.s, Militant.es, Marie-Anne OSCAR (15, Cantal) – Militant.es, Michel GELLY-PERBELLINI (75, Paris) – Membre des Instances Fédérales, Delphine LAURICELLA (971, Guadeloupe) – Membre des Instances Fédérales, Elsa DUPORT (Montréal - Canada FFE) – Militant.es, Camille SALINESI (Ile de France) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales, Nathalie MALMBERG (51, Marne) – Membre des Instances Nationales, Membre des Instances Fédérales.