– Mardi 18 mai 2021
Yannick Trigance, secrétaire national du PS à l'École, l'Éducation, l'Enseignement supérieur et la Recherche
Isabelle Rocca, secrétaire nationale du PS à l'Éducation populaire
Notre système scolaire français, dans les enquêtes internationales, se classe entre le 15ème et le 20ème rang parmi 49 pays de l’OCDE. Un rang moyen car, contrairement aux idées reçues, les performances brutes françaises sont loin d’être catastrophistes, elles restent même relativement stables, n’en déplaisent aux déclinistes.
En revanche notre système scolaire est l’un des plus inégalitaires des pays de l’OCDE. Selon l’enquête PISA de 2019, fondée sur les résultats de 2018, la France figure parmi les pays où le milieu social, économique et culturel d’un élève influe le plus sur ses performances scolaires.
Pour autant, et c’est le sens du projet « Grandir dans la République. La République émancipatrice à l’assaut des inégalités » que nous venons de publier, nous affirmons que ce creusement des écarts scolaires en fonction de l’origine sociale n’est pas une fatalité.
Tous les spécialistes de l’éducation le savent, tous les professionnels de terrain l’expérimentent et toutes les familles en ont l’intuition : en matière éducative nous sommes à la croisée des chemins et l’échéance de 2022 est la ligne de crête qui va départager d’un côté ceux qui considèrent que notre système éducatif est performant et qu’il doit juste faire l’objet de quelques menus ajustements ponctuels et, de l’autre, ceux qui considèrent urgent de s’attaquer à ce mal profond qui fait que l’École en France, en dépit de l’investissement quotidien de la communauté éducative, non seulement reproduit mais aggrave les inégalités.
Fidèles à notre histoire et au combat socialiste pour l’École, nous voulons mettre l’émancipation et la lutte contre les inégalités scolaires au cœur de notre projet éducatif.
Cette ambition pour l’égalité nous conduit à réaffirmer notre attachement au service public d’éducation contre toutes les formes de privatisations avouées ou masquées : l’école n’est pas à vendre, elle est notre bien commun. Il faut aussi un coup d’arrêt immédiat à ces politiques éducatives conservatrices qui dessinent une École à plusieurs vitesses en promettant « une place à chacun » mais en pensant « chacun à sa place ». L’égalité réelle en matière éducative a besoin d’investissement massif, et non de saupoudrage ou de fléchage sur des territoires ou des publics cibles en fonction de clientèles électorales. L’égalité réelle a besoin de plus de moyens matériels et humains, au plus près des besoins des territoires et des établissements.
Pas d’École au rabais, mais l’excellence éducative pour tous et la réussite scolaire de chacun.e. Nous avons besoin d’une École publique qui contribue à l’élévation générale du niveau de formation. Cela implique de rompre avec un système qui privilégie la compétition entre les établissements scolaires plutôt que leur émulation, qui finit par créer des « ghettos scolaires » en triant les élèves en fonction de leur origine sociale.
Vouloir l’égalité, c’est choisir d’investir l’argent public pour lutter contre les inégalités, pas pour les conforter. Réaffirmons-le : pour que certains réussissent, il n’est pas nécessaire que d’autres échouent ou soient laissés sur le bord de la route de l’émancipation.
Comment peut-on par exemple accepter qu’en matière d’accompagnement éducatif, 30 millions d’euros sont investis pour 1.7 millions d’élèves en REP et en REP+, soit 18,80 euros par enfant chaque année alors que dans le même temps, 70 millions d’euros sont consacrés à l’accompagnement de 85 000 étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles, soit 800 euros par étudiant, c’est-à-dire 45 fois plus que pour l’élève en éducation prioritaire !
Nous voulons donc en finir avec cette captation élitiste du budget de la nation et le remettre là où les élèves en ont le plus besoin, dans l’éducation prioritaire plutôt que dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Pour y parvenir, l’Éducation nationale devra par ailleurs repenser son offre de formation et ne pas laisser certaines matières assurées par le seul secteur privé, notamment dans le secteur de l’enseignement professionnel.
Face aux forces conservatrices qui n’ont aucun intérêt à voir le système changer, nous voulons engager la bataille pour permettre la réussite de tous les élèves. Et nous affirmons que c’est possible sans enlever à ceux qui réussissent déjà, mais en permettant aux autres de bénéficier d’un service public d’éducation réellement attentif aux besoins éducatifs particuliers de chacun. Le « droit à l’école » doit exister autrement qu’en théorie, en permettant à chaque élève une orientation choisie et une formation de qualité. Aucun élève ne devrait quitter prématurément l’École parce qu’il n‘y trouve pas sa place.
Donner aux enseignants les moyens d’accomplir leurs missions avec une véritable formation initiale et continue et une revalorisation des carrières, créer un nouveau service public de l’accompagnement éducatif individuel, universel et continu de chaque jeune, faire de chaque établissement avec ses partenaires un « écosystème de réussite scolaire et de bien-être éducatif », promouvoir partout des partenariats renforcés entre l’Éducation nationale et les collectivités locales ainsi qu’avec le monde de l’éducation populaire, amplifier la politique de mixité sociale et scolaire au sein de tous les établissements concourant au service public d’éducation, mettre en œuvre une nouvelle politique de santé scolaire environnementale, réinventer les parcours de professionnalisation et la formation tout au long de la vie : autant de chantiers à engager pour replacer l’Ecole de la République, au cœur des défis de la société d’aujourd’hui et du monde de demain.
C’est bel et bien un enjeu qui consiste à « penser » l’école sur le temps long mais aussi à « panser » le service public d’éducation sur un temps très court après un quinquennat Macron/Blanquer d’hyper-fragilisation en termes de moyens, de brutalisation managériale et de caporalisation des personnels, d’hyper-sélection des élèves et de suppression de tout dialogue social éducatif avec les enseignants comme avec les familles.
Au final, notre priorité à l’éducation passe nécessairement par une École de la République juste pour tous et exigeante pour chacun, expérimentée comme telle par toute la communauté éducative et, en premier lieu, par les élèves eux-mêmes. Une École de la République capable de détecter très tôt les fragilités scolaires, de faciliter tous les parcours choisis et de concilier apprentissages, bien-être et confiance scolaires. Une École de la République qui fasse « grandir » ses citoyens en plaçant au cœur des enseignements et des apprentissages cette dimension civique du lien social précoce porteur de vivre ensemble futur.
De nouvelles méthodes et un nouvel horizon pour l’École de la République sont possibles dans cette nouvelle société du « care éducatif » que le Parti socialiste entend promouvoir. Dans une logique « d’alliance éducative » il faudra mobiliser de façon coordonnée et ultra-volontariste tous les leviers de la confiance scolaire et de la réussite éducative en associant tous les acteurs éducatifs promoteur de socialisations, de solidarités, d’autonomie et d’émancipation. Pour rendre enfin parfaitement accessible une École qui tienne la promesse républicaine de démocratisation de la réussite, autour d’orientations et de valeurs qui de fait portent un véritable projet de société.