Yannick Trigance, secrétaire national à l'Éducation et à l'Enseignement supérieur
Depuis maintenant une année, dans un contexte inédit, particulièrement déstabilisant et anxiogène, les chefs d’établissements, les directrices et directeurs d’école, les enseignants et au-delà, les équipes éducatives, ont permis aux élèves et à leur famille, grâce à leur implication et à leur réactivité, de garder un contact et une activité scolaire indispensables au bon développement de notre jeunesse.
Malgré cet engagement sans faille des professionnels de l’éducation, force est de constater que les confinements successifs et les modalités de fonctionnement actuelles des établissements, notamment dans le second degré, ont des conséquences inquiétantes pour un grand nombre d’élèves en termes de décrochage scolaire, d’acquisition des connaissances et de lien social.
Si nous souhaitons toutes et tous que cette crise sanitaire ne soit plus qu’un mauvais souvenir, nous en sommes encore loin et cette année scolaire n’est décidément pas une année scolaire « comme les autres ».
C’est pourquoi il convient de réaffirmer avec force l’exigence des conditions indispensables permettant à notre École publique de garantir la démocratisation de la réussite et de l’excellence, conditions qui doivent être prises en compte par les décideurs au plus haut niveau de l’État et que l’actuel gouvernement ferait bien de prendre en compte :
- Pour des moyens en enseignants à la hauteur des besoins : la création de 2 039 postes dans le premier degré sur le budget 2021 n’est possible que grâce à la suppression de 1 800 postes dans le second degré et 239 dans le privé, sans compter que la répartition des créations exclu les académies comme celle de Créteil où le COVID a engendré la plus importante augmentation des difficultés. D’autre part, l’absence de dotation supplémentaire en moyens de remplacement et la non augmentation du nombre de postes au concours sont bien visibles puisque chaque année, dans nos écoles, des élèves n’ont pas classe pendant des semaines entières faute de remplaçants en cas d’absence de l’enseignant.
- Pour des Réseaux d’Aide Spécialisée – RASED – complets, renforcés et avec des personnels formés : les enseignants spécialisés et les psychologues scolaires sont des renforts utiles aux équipes enseignantes et aux parents dans le traitement de la difficulté scolaire. Leur travail vient en complément de celui des enseignants en prenant en charge les élèves en difficulté, dans un cadre pédagogique personnalisé et adapté. Dans le contexte inédit que connaît l’institution scolaire, il n’est pas possible qu’elle se prive de leurs compétences. Les besoins en postes existaient avant la crise sanitaire, ils n’ont pas disparu depuis, bien au contraire.
- Pour une scolarisation des élèves en situation de handicap réussie. Malgré des progrès encore fragiles, des enfants porteurs de handicap sont toujours en attente de scolarisation, faute de place dans nos écoles, faute d’accompagnement ou de structures spécialisées. L’école inclusive tant vantée par le ministre Blanquer ne peut en rester au stade de l’incantation mais doit se traduire par des moyens matériels et humains indispensables à une inclusion réussie dans nos écoles.
- Pour une véritable refondation du Label REP et REP + : alors que la dernière révision de la carte de l’Éducation Prioritaire a laissé de nombreuses écoles « orphelines » – leur collège étant sorti du dispositif prioritaire, elles n’en bénéficient plus alors que leur public n’a pas changé –, il est incroyable de constater que même au sein des écoles hors éducation prioritaire des 20 % des quartiers les plus favorisés, on trouve des écoles mieux dotées que dans l’éducation prioritaire renforcée, en élémentaire et plus encore en maternelle.
- Pour la reconnaissance de nos directions d’école : revaloriser le métier d’enseignant du premier degré, c’est aussi améliorer les conditions de travail matérielles et humaines de nos directrices et directeurs d’école. Avec les événements dramatiques survenus ces derniers mois – notamment le suicide d’une directrice – et l’incroyable difficulté de gestion du déconfinement, la dernière année scolaire a remis au-devant de la scène les difficultés d’une fonction aussi mal connue que mal reconnue. De véritables propositions doivent être posées pour clarifier et soulager leurs missions. Les maigres propositions du ministre Blanquer éludent totalement à ce jour l’aide administrative au fonctionnement de l’école, à l’allègement des tâches, à l’amélioration des temps de décharges d’enseignement pour toutes les écoles.
Parce qu’une société sans éducation est une société sans avenir, l’égalité des jeunes face à la réussite scolaire exige que l’École publique exprime une même ambition pour tous en termes d’appropriation des savoirs et de culture commune.
Une École publique qui ne laisse aucun élève au bord du chemin, une École publique juste pour tous, exigeante pour chacun, une École publique qui réaffirme que pour que certains réussissent, il n’est pas nécessaire que d’autres échouent : telle est l’École publique à laquelle tous les enfants ont droit.
Pour cela, nos écoles, collèges et lycées ont besoin d’être soutenus, reconnus et portés par une ambition qui fait de l’éducation certes une dépense mais d’abord et avant tout un investissement dans l’avenir de notre jeunesse et donc dans l’avenir de notre pays.
– Mercredi 10 février 2021
pour répondre à votre question, ce que l’on attend pour chaque élève, c’est que l’Ecole publique garantisse le droit à la réussite et à l’excellence, en permettant notamment de réduire l’impact que le milieu socio-economique des parents peut avoir sur les résultats des élèves , caractéristique malheureusement typiquement française…
Amitiés socialistes