L'Europe d'abord !


Thème : Europe


La foi dans la construction européenne a toujours été consubstantielle à l’engagement socialiste. C’est pourquoi nous nous inscrivons dans la lignée des États-Unis d’Europe défendus par Victor Hugo et repris par les dirigeants de la seconde Internationale dont Jaurès comme un horizon souhaitable pour mettre un terme au nationalisme guerrier et mutualiser le génie européen des producteurs comme des grandes figures intellectuelles et culturelles. De Jacques Delors, président de la commission européenne à François Mitterrand, infatigable président et militant de l’amitié franco-allemande, de Willy Brandt à Felipe Gonzalez, l’identité européenne fait partie intégrante de notre combat socialiste pour un continent débarrassé des guerres et une construction politique et sociale, dans une acception internationaliste, qui a toujours été constitutive de notre identité. Nous sommes ainsi pleinement convaincus que c’est l’Europe fédérale et le dépassement d’une approche hexagonale qui nous permettra demain de trouver les réponses aux multiples crises auxquelles nous faisons face aujourd’hui.

C’est aussi par un programme européen ambitieux et cohérent, ainsi que par la réaffirmation de notre appartenance à la grande famille du PSE que nous trouverons le chemin pour redevenir une force politique crédible, occupant une place centrale à gauche.

En tant que socialistes, nous soutenons le respect des règles européennes et privilégions le dialogue et la construction d’accords entre les États et la Commission plutôt qu’une désobéissance idéologique qui conduirait la France à l’isolement en provoquant une rupture avec le projet européen. Choisir la « désobéissance» c’est réfuter notre capacité à débattre, négocier et convaincre nos partenaires européens. C’est pourquoi nous ne pouvons imaginer nous allier, lors des prochaines élections européennes, avec des partis de gauche qui ne partagent pas nos valeurs pro-européennes et qui affirment que l’UE est une construction illégitime, à laquelle nous, socialistes, avons pourtant largement contribué. Au contraire, nous souhaitons une Europe forte et autonome capable de protéger ses valeurs et le peuple européen en mettant en place les réformes nécessaires.

Aussi, ce 80ème congrès devra être l’occasion d’une refondation de notre vision européenne, pour affirmer l’importance d’une Europe tournée vers la solidarité et le bien-être de ses citoyens, plus intégrée et intransigeante sur ses valeurs.

 

1. Une Europe protectrice et solidaire


1.1 Une Europe autonome capable de protéger ses citoyens

En matière énergétique et environnementale, le Green Deal représente un premier pas, mais il faudra demain aller plus loin en révisant à la hausse les objectifs de réduction de gaz à effets de serre, en accroissant au niveau européen la production d’énergies renouvelables ou en appuyant massivement les grands projets de mobilités décarbonées.

En matière industrielle, il sera nécessaire d’investir dans de nouveaux modèles, d’adapter les règles de la concurrence et de soutenir massivement l'innovation, afin d’assurer notre souveraineté alimentaire, énergétique et numérique.

Enfin, l'approfondissement de la politique sanitaire commune sera essentiel, en se basant sur une approche intégrée de “One health” et en agissant pour la levée de brevets sur les vaccins dans les cas de crise sanitaire.

1.2. Un budget et des instruments économiques à la hauteur des enjeux

Dans la lignée de la mutualisation des dettes mise en œuvre par le biais du plan NextGenerationUE, le budget communautaire devra être durablement augmenté afin d’accroître la solidarité entre États membres et les investissements massifs dont a besoin l’UE. Nous soutenons la possibilité d'émettre des Eurobonds afin de réaliser les investissements publics nécessaires (relocalisation, santé, innovation…).

Pour ce faire, de nouvelles ressources propres devront également être dégagées dans les prochaines années : assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, taxe sur les transactions financières,… Nous soutenons également la proposition de la Commission Européenne de la Taxation Européenne des superprofits des compagnies du marché européen de l’énergie.

Pour finir, le cadre budgétaire commun devra être durablement réformé, afin d’inclure l’évaluation de nouveaux critères de qualité de vie et d’exclure du calcul du déficit les dépenses liées à la transition écologique.

1.3. Converger vers une Europe du bien-être et du service public

Il existe une disparité évidente entre la gouvernance économique, où les sanctions sont prévues, et la gouvernance sociale où il n'existe pas de législation contraignante. Nous appelons au renforcement de la dimension sociale du pilier européen des droits sociaux et de la mise en place d’un cadre européen contraignant de droits sociaux comme première étape vers un État-providence européen. Cela constitue un élément essentiel d'un marché du travail européen intégré, étant donné que les économies convergentes et la mobilité accrue de la main-d'œuvre appellent également des formes coordonnées de protection sociale. Nous appelons à l'harmonisation des normes de travail dans l'ensemble de l'Union, selon le principe du "même salaire pour le même travail au même endroit".

Nous souhaitons le renforcement de la capacité budgétaire du Fonds social européen Plus et du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, en mettant particulièrement l'accent sur les jeunes qui sont au chômage ou qui viennent d'entrer sur le marché du travail, grâce à une initiative renforcée pour l'emploi des jeunes.

Épousons aussi les recommandations du Rapport Progressive Society, initiative du S&D. Développons la capacité institutionnelle de l’UE par la création d’un Centre de prospective au sein de la Commission européenne et d’un Conseil du bien-être durable.

Utilisons la politique de la concurrence pour protéger les salariés et infliger des amendes quand des décisions sont contraires aux objectifs de progrès social, de croissance durable et de cohésion territoriale de l'Europe. Les entreprises, qui procèdent à des licenciements alors qu'elles distribuent des dividendes, pourraient être sanctionnées.

 

2. Une Europe politique plus intégrée qui met au cœur les citoyens européens


2.1. L’éducation et la culture comme pierre angulaire de la citoyenneté européenne

On ne naît pas citoyen européen, on le devient. La culture et l’éducation participent au développement du sentiment d'appartenance à l’Union européenne. Il nous faut remettre ces composantes au cœur du projet européen afin de combattre le nationalisme et réaffirmer que l’Union européenne est plus qu’une union économique en permettant de construire un sentiment d'appartenance à un espace commun.

Pour cela, nous proposons d’harmoniser les programmes, les diplômes et la formation des professeurs. Il nous semble également important d’introduire dans les disciplines plus spécifiques une plus grande part d'études européennes comme dans l'Histoire et la Géographie ou les études littéraires et linguistiques. Nous souhaitons également développer le programme Erasmus pour s’assurer que chaque jeune dès 16 ans puisse avoir une expérience européenne indépendamment de son choix d’études.

La culture européenne unit chaque citoyen européen. C’est pourquoi, il est important de la promouvoir à l'intérieur et à l'extérieur de l’Union européenne en créant une “Villa Médicis” européenne afin de favoriser et représenter la création artistique dans tous ses domaines. Nous proposons également la création d’un pass culture européen afin de rendre la culture européenne accessible à tous les jeunes citoyens européens.

Afin de rendre plus accessible la démocratie européenne, nous souhaitons la mise en place d’un espace public européen via par exemple une chaîne TV du Parlement européen ainsi qu’une diffusion plus large du discours de l'État de l’Union, ainsi que des débats des Spitzenkandidaten.

2.2. Remettre la voix des citoyens au cœur du projet européen grâce à un mode d’élection modifié, un Parlement renforcé et une méthode renouvelée

Remettre au cœur les citoyens passe aussi par redonner du poids à l'institution qui les représente : le Parlement européen. Nous devons militer pour le renforcement de son rôle afin de promouvoir la démocratie européenne. L’initiative législative ne peut plus appartenir en quasi-exclusivité à la Commission européenne. Il ne suffira pas de modifier les règles décisionnelles pour garantir l’aspect démocratique du Parlement, il faut également revoir son mode d’élection afin d’établir des règles communes et instaurer des listes transnationales pour les élections européennes avec, à leur tête, un candidat pour le poste de Président de la Commission européenne. De telles modalités électives permettraient un renforcement de l’identité européenne et une légitimation de l’élection de la présidence de la Commission.

Il est enfin temps d’abandonner l’unanimité et le droit de veto dans le processus décisionnel de l’Union européenne. Développons la majorité, simple ou qualifiée, pour favoriser le dialogue et encourager la négociation.

Nous ne voulons pas d’une démocratie de façade, ni en France, ni en Europe. Nous ne rêvons pas d’une Europe politique où -comme en France- le parlement n'aurait pas d'autre rôle qu’enregistrer les décisions des gouvernements individuels. L'Europe doit redevenir celle des peuples, unis par les droits et une vision d'avenir commune en donnant plus de poids au Comité Européen des Régions et en réaffirmant la place du siège du Parlement européen de Strasbourg. L’Europe doit cesser d’être une construction chimérique pour des citoyens qui se sentent éloignés, voire exclus de sa gouvernance. A terme, une réforme des traités sera nécessaire car depuis le traité de Lisbonne, il y a 15 ans, l’UE a bien évolué et les traités et critères actuels ne fonctionnent plus bien. Nous soutenons la mise en place d’une assemblée constituante européenne pour renforcer la légitimité démocratique du processus d'intégration européenne. Il faut prendre en compte les nouveaux défis et aspirations du peuple européen en associant les citoyens dans le processus de refonte globale des traités sur la base des propositions concrètes de la Conférence sur l'avenir de l'Europe visant à achever l'union économique, sociale, fiscale et politique.

2.3. Repenser notre politique de voisinage et notre capacité à accueillir de nouveaux Etats membres

Alors que les relations de l’Union européenne avec son environnement proche ont été profondément modifiées par la réémergence des conflits en Ukraine et en Arménie, il est temps de mettre en œuvre une méthodologie clarifiée et harmonisée pour permettre l’élargissement à l’Ukraine et aux pays des Balkans occidentaux, en le conditionnant néanmoins à une réforme institutionnelle et démocratique des institutions.

Les premières réformes engagées dans certains États, les positionnements stratégiques clairs pris dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie, et surtout l’envie d’Europe exprimée par les peuples, sont des signes clairs de la volonté et de la conviction européenne de ses pays. Au regard de la situation géopolitique, les négociations avec les pays-candidats doivent être accélérées. De plus, face à l’influence croissante de puissances étrangères (Chine, Russie) dans cette région, nous devons veiller à ce que les délais de négociations ne contribuent pas à un renforcement de l’euroscepticisme dans ces pays.

Bien sûr, dans le cadre des négociations avec les États, il est impératif de conserver un haut niveau d’exigence vis-à-vis des règles européennes et des réformes à réaliser, tout particulièrement en matière de respect de l’État de droit et adaptations aux normes sociales et environnementales.

 

3. Une Europe offensive et intransigeante sur ses valeurs


3.1. Faire l’Europe de la défense et de la paix

L'UE doit continuer à soutenir l'Ukraine jusqu'à la fin de la guerre, et au-delà. Les fournitures militaires, l'aide humanitaire et la reconstruction d'après-guerre nécessitent un effort financier important. Le moment est venu d'écrire le prochain chapitre de l'histoire de l'Europe : une véritable politique étrangère, de sécurité et de défense commune.

En particulier, le nécessaire approfondissement de l’Europe de la défense passera par une mutualisation accrue de l’achat des équipements militaires lourds, une coopération renforcée en matière de cybersécurité et une réelle capacité d’intervention commune.

3.2. Une solidarité qui va au-delà de nos frontières et qui accueille les personnes dans la dignité

Nous réclamons d’autre part la mise en place d’un nouveau régime d’asile européen fondé sur la solidarité entre États membres qui acceptent, en fonction de leurs capacités, une juste répartition des demandeurs d’asile et immigrés. Revoyons aussi le Règlement Dublin qui est très inégalitaire.

La politique extérieure européenne en matière migratoire vise principalement à empêcher tout afflux de personnes aux frontières de l’Union. Il est nécessaire de revoir en profondeur la gestion migratoire au sein de l’Union européenne autour du respect des droits fondamentaux. Il faut également revoir la compétence et coordination de l’Union en cas de crise migratoire. La situation à la frontière polonaise et biélorusse à la fin de l’année 2021 a mis en lumière les lacunes de l’Union. Donnons ainsi à la Commission européenne cette compétence pour qu’elle réagisse en cas de crise humanitaire.

3.3. Une Europe normative qui rayonne et influence dans le monde

Enfin, nous souhaitons défendre une Europe offensive pour promouvoir son modèle et ses valeurs. En matière environnementale, la lutte contre le dumping doit désormais être érigée comme une priorité, notamment en accélérant la mise en place du mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. Nous souhaitons également inclure une exigence selon laquelle chaque instrument s'appliquant aux acteurs de l'UE devrait avoir une contrepartie s'appliquant aux acteurs non européens opérant dans le marché unique, provenant de pays qui n'appliquent pas un prix du carbone, afin de minimiser les fuites de carbone et l'évitement du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SCEQE).

En matière de respect de l’État de droit, nous ne pouvons plus nous accommoder des écarts répétés de certains États membres envers la liberté d’expression ou l’indépendance judiciaire. Nous réaffirmons la primauté du droit européen. La prise de sanction devra donc pouvoir être facilitée en simplifiant le déclenchement de l’article 7 du TFUE et la fin de l’unanimité. Nous demandons également que des ressources suffisantes soient fournies à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne afin qu'elle puisse s'acquitter pleinement de ses tâches actuelles et en développer de nouvelles.

 

Contribution déposée par le laboratoire des idées de Refondations

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