L'Isolement en France : Une crise silencieuse, une réponse politique


Thème : Isolement


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L’isolement est un phénomène omniprésent mais bien trop souvent silencieux, qui fragilise nos concitoyens et affaiblit l’ensemble de notre société.

Maintes fois réduit à la solitude des personnes âgées, l’isolement est en réalité un problème universel, qui transcende les générations, les territoires et les classes sociales. Il touche autant les jeunes en détresse psychologique, les habitants des quartiers populaires et des zones rurales, les travailleurs précaires, les personnes en situation de handicap, les personnes LGBTQ+, les familles monoparentales que les exclus du numérique.

Combattre l’isolement implique de s’attaquer à une injustice collective, mais c’est aussi faire face aux innombrables maux qui en découlent tels que l’anxiété, la dépression, le renoncement aux soins, au droit et au vote. C’est reconnaître que l’isolement n’est pas un simple état individuel. Il est profondément politique et appelle une réponse à la hauteur du problème.

Les chiffres parlent d'eux même : 12 % des Français déclarent n’avoir aucune relation sociale significative (INSEE), 5,5 millions de personnes en France sont en situation d’isolement sévère (CESE), 13 millions de Français sont touchés par la fracture numérique (ANCT) et 530 000 personnes âgées sont en situation de «mort sociale» (Petits Frères des Pauvres). Ces données montrent que l’isolement est un phénomène massif qui gangrène notre société.

D’autre part, l’isolement ne se limite pas à la seule absence de contacts humains. Il est à la fois relationnel mais aussi géographique, numérique, civique, économique et professionnel. Ces divers aspects de l’isolement - souvent cumulés - renforcent la vulnérabilité des personnes concernées. Il semble donc incontestable que l’isolement - sous tous ses aspects - n’est pas un simple ressenti mais un processus d’exclusion qui aggrave les inégalités et la précarité de nos frères et sœurs.

Il est de notre devoir de mener cette lutte contre l'isolement, car il s'oppose fondamentalement aux valeurs de solidarité et de justice sociale. Croire en une société équitable, c'est refuser que le destin des individus soit dicté uniquement par leurs ressources, leur famille ou leur réseau. C'est reconnaître que notre société a une responsabilité envers chacun de ses membres, particulièrement les plus vulnérables. L'isolement est l'une des manifestations les plus brutales de l'injustice sociale, souvent invisible mais profondément destructrice.Prenons acte de l’urgence de la situation et reconnaissons l’isolement comme une question politique majeure ! La République ne peut abandonner ceux qu’elle ne voit plus. Ce n’est pas aux seuls aidants familiaux, ni aux seules associations de proximité, d’endosser le fardeau du lien. C’est à la puissance publique de garantir à chacune et chacun, à tous les âges de la vie, un droit au lien, un droit à la présence, un droit à la reconnaissance.

Nous avons le choix : laisser se creuser ces fractures, ou construire une société plus solidaire, plus humaine, où personne ne reste invisible.

C’est pourquoi il est impératif de mettre en place une véritable politique publique du lien social pour faire face au problème de l’isolement. Nous proposons ainsi de reconstruire une République de la présence au sein de laquelle le lien social est élevé au rang de bien commun.

Proposition 1 : Créer un Service public du lien social

Créer un Service public du lien social est essentiel pour garantir à chaque individu un accès concret à la présence, à l’accompagnement et au lien social. L'isolement social ne peut être combattu uniquement par des campagnes de sensibilisation ou par la bonne volonté des associations, aussi essentielles soient-elles. Il nécessite une réponse systémique, structurée et durable. C'est pourquoi nous proposons de créer un Service public du lien social, pierre angulaire d’un État social moderne. Ce service aurait pour mission de repérer les personnes isolées, qu'elles soient jeunes, seniors, travailleurs précaires ou en situation de handicap, grâce à des équipes de terrain en lien avec les associations, centres sociaux, bailleurs, médecins et collectivités locales.

Il offrirait un accompagnement personnalisé, avec un suivi humain, régulier et individualisé, incluant des visites à domicile, des appels téléphoniques, une aide à la mobilité et un soutien pour l'accès aux droits. L'objectif est de créer du lien dans la durée, au-delà de la simple gestion administrative. Ce service ferait le pont entre les personnes isolées et les réseaux locaux, tels que les associations, les lieux de vie comme les cafés associatifs, bibliothèques, maisons de quartier, ainsi que les institutions telles que les mairies, écoles, hôpitaux, et les bénévoles ou jeunes en service civique. Il faciliterait également le lien intergénérationnel et interquartiers. Composé de médiateurs sociaux, agents de convivialité, référents associatifs, travailleurs sociaux spécialisés et jeunes en service civique, ce service serait déployé à l’échelle des bassins de vie ou des intercommunalités, là où se joue concrètement la vie quotidienne. Il serait piloté de manière partagée entre l’État, les départements et les communes, avec une gouvernance territoriale impliquant les associations locales et les habitants via des conseils citoyens. Ce Service public du lien social serait la traduction concrète du principe de fraternité dans l’action publique, une réponse au retrait de la République dans de nombreux territoires, et une alternative à la logique technocratique, réhabilitant le contact humain, la bienveillance et la proximité dans l’action publique. Il s'agit d'un investissement structurel dans ce qui fait société : le lien entre les êtres humains. Dans un pays fragmenté et en perte de repères, il est temps de recréer une République qui ne laisse personne seul.

Proposition 2 : Ouvrir un chantier national de réflexion partagée sur l’isolement

Parce que les formes d’isolement sont multiples et évolutives, nous proposons que soit lancée une grande consultation nationale, associant élus, associations, travailleurs sociaux, chercheurs, usagers, syndicats et citoyens dans le but de co-construire des réponses adaptées, pérennes et réalistes. Ainsi, nous pourrions faire émerger des solutions en adéquation avec les besoins véritables des personnes touchées par l’isolement.

Proposition 3 : Soutenir durablement les lieux de sociabilité

L’isolement, ce n’est pas seulement l’absence de relations : c’est aussi le manque de lieux pour tisser du lien. Nous proposons la création d’un fonds national de soutien aux « communs sociaux » : cafés associatifs, centres sociaux, maisons de quartier, bibliothèques participatives, lieux de rencontre intergénérationnels, etc.

Ce fonds serait destiné à financer des projets dans les territoires les plus carencés, soutenir l’animation pérenne de ces lieux, et encourager les formes de gestion partagée entre habitants, associations et collectivités.

Nous plaidons pour un « droit à un lieu de lien » dans chaque quartier, chaque bourg, chaque ville : un espace ouvert, accessible et gratuit où chacun peut trouver écoute, activité et chaleur humaine.

Proposition 4 : Valoriser et renforcer l’engagement contre l’isolement

Ce n’est pas l’Etat seul qui refera société. Le lien social ne peut subsister sans ceux qui le font vivre. Nous proposons donc de valoriser et de reconnaître les citoyens, jeunes et moins jeunes, qui s’engagent pour lutter contre l’isolement. Cela passe par multiplier les missions de service civique vers l’accompagnement des personnes isolées, et et soutenir les associations de proximité via des financements pluriannuels stables.

Proposition 5 : Elaborer un Plan national de lutte contre l’isolement

Enfin, nous proposons que la lutte contre l’isolement fasse l’objet d’un plan pluriannuel national, porté par une mission interministérielle, avec un observatoire du lien social rattaché au CESE. Ce plan devrait fixer des objectifs chiffrés de réduction de l’isolement dans les différents publics, des indicateurs territoriaux de lien social et permettrait d’élaborer des budgets dédiés, accessibles aux collectivités, aux établissements publics et aux associations.

En conclusion, lutter contre l'isolement transcende le simple enjeu social ; c'est un impératif politique et humain. La fraternité, souvent reléguée derrière les principes de liberté et d'égalité, doit devenir le pilier central de notre action publique. Elle nous rappelle que chaque individu, indépendamment de sa situation, mérite d'être reconnu et accompagné. L'isolement n'est pas une fatalité, mais le symptôme d'une société qui a perdu de vue l'importance du lien humain. En réinvestissant dans la fraternité, nous pouvons reconstruire une République solidaire où personne n'est laissé pour compte. C'est en faisant de la lutte contre l'isolement une priorité que nous pourrons véritablement incarner les valeurs de solidarité et de justice sociale qui nous sont chères. La fraternité, en tant que principe d'action, nous permet de refaire société, de redonner à chacun une place et une voix, et de renouer avec l'essence même de notre projet collectif.

Il est temps d'agir ensemble pour que la fraternité devienne le pilier de notre République, garantissant à chacun une place et une voix dans notre société !


Contributeurs : Alexandre Ruiz, Militant dans la section du 12ème arrondissement du Parti Socialiste de Paris 


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