Thème : Démocratie
La défense de la science en France et en Europe : un combat pour la démocratie
La démocratie fait face aujourd'hui à une véritable crise de la vérité et des savoirs. Des courants populistes et autoritaires, aux quatre coins du monde, cherchent à entamer gravement la confiance dans la science, les faits et la rationalité. Avec des adages comme le « peuple » contre les « élites », ces dirigeants s’attaquent aux fondements mêmes du débat éclairé. L'exemple de Donald Trump aux États-Unis est édifiant : se posant en champion de la liberté d’expression, il utilise cette liberté pour nier les faits, semer le doute, discréditer les institutions scientifiques et affaiblir les repères collectifs.
Derrière le populisme se cache une stratégie claire : étouffer la raison, relativiser la vérité, imposer une vision du monde adaptée aux intérêts du pouvoir. Car une société sans vérité est une société vulnérable. Elle devient perméable aux théories complotistes, aux simplismes politiques, aux figures d’autoritarisme rassurant. C’est cette dynamique qu’il nous faut comprendre et combattre.
En ciblant la recherche scientifique et l'expertise, l'offensive prétendument menée "au nom du peuple" attaque en réalité des piliers essentiels de nos sociétés : la connaissance, la raison et la capacité de chaque citoyen à se forger une opinion éclairée.
Cette dynamique anti-savoir doit nous alerter, nous Français et Européens. Ce qui se passe aux États-Unis résonne bien au-delà de ses frontières, car cela marque un tournant dans la bascule de grandes nations démocratiques vers des méthodes dignes de régimes autoritaires. Nous voyons aussi chez nous monter le relativisme, les « faits alternatifs » et les théories du complot. Face à cette crise de la vérité, la France, patrie des Lumières et grande démocratie moderne, a le devoir impérieux de réaffirmer le rôle central de la recherche et de la science, piliers indispensables de la défense de nos libertés, de notre modèle démocratique et de nos valeurs républicaines.
La science n’est pas qu’une affaire de laboratoires, elle est un puissant levier démocratique. En effet, elle poursuit un objectif de vérité fondé sur des faits, des expérimentations et des preuves vérifiables – et non sur des croyances ou des opinions partisanes. La recherche scientifique est avant tout un processus de découverte et n’impose pas de réponse toute faite. Elle permet de comprendre le monde, de résoudre les défis sociaux, environnementaux et technologiques, et de fournir des solutions basées sur des preuves. C’est précisément ce potentiel de transformation et de progrès que Trump et ses partisans cherchent à étouffer car la liberté de chercher dérange, surtout quand elle se heurte aux volontés de domination politique et idéologique.
Ce patient travail de compréhension de la réalité constitue un garde-fou essentiel contre la désinformation. En éclairant la vérité, la science permet aux sociétés de se protéger des idéologies fondées sur des mensonges et des préjugés. Elle offre un socle commun de faits sur lequel le débat démocratique peut s’épanouir.
Au cœur de cette mission démocratique de la science se trouve une notion fondamentale : l’indépendance. La recherche scientifique doit pouvoir s’effectuer librement, guidée par la quête de la vérité, à l’abri des pressions politiques ou économiques. Sans cette indépendance, il ne peut y avoir de progrès véritables. Une science sous tutelle d’un pouvoir autoritaire cesserait de servir le bien commun pour devenir un simple outil de propagande. C’est pourquoi tous les régimes en dérive autoritaire cherchent d’abord à contrôler ou à museler les voix indépendantes, qu’il s’agisse des chercheurs ou encore des journalistes. Ce qu’ils attaquent, c’est l’essence même de la liberté intellectuelle, car en bâillonnant les scientifiques, en niant la liberté académique, ils diminuent la capacité des citoyens à penser par eux-mêmes et à se défendre contre les manipulations.
À l’inverse, une société démocratique reconnaît la science comme un espace de liberté et un moteur d’émancipation. La science permet aux citoyens de comprendre, de questionner l’ordre établi, et de distinguer la vérité des mensonges. En diffusant les connaissances et l’esprit critique, elle donne à chacun les outils pour se forger sa propre opinion et pour être acteur de la vie publique plutôt que spectateur passif. En ce sens, la science nourrit l’émancipation individuelle et collective, l’autonomie citoyenne et donc la démocratie. C’est ce cercle vertueux entre science et démocratie que nous, socialistes, devons préserver et renforcer avec détermination.
Depuis des siècles, la France s’illustre comme un foyer de la pensée libre et de l’universalisme scientifique. C’est ici que sont nées les Lumières : des philosophes et savants ont promu la raison contre l’obscurantisme et ont posé les bases intellectuelles de la démocratie moderne. Au XIXe et XXe siècles, les universités françaises ont continué d’attirer les esprits les plus brillants du monde, qu’il s’agisse d’accueillir Marie Curie dans ses laboratoires ou d’encourager l’émergence de nouvelles disciplines comme la sociologie ou la psychologie expérimentale. Ce rayonnement scientifique et culturel a été porté par la République, attachée à l’éducation publique et à la liberté académique. Ainsi, dès 1936, le gouvernement du Front populaire conduit par Léon Blum et son ministre Jean Zay ont jeté les bases du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), affirmant la science comme un bien commun de la Nation. De longue date, la France incarne donc un idéal d’émancipation par le savoir et de coopération intellectuelle sans frontières.
En France aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir compter sur des institutions solides dédiées au savoir comme les universités publiques ou les organismes de recherche. Ce sont des espaces où, au quotidien, les principes de liberté académique, d’indépendance d’esprit, de critique, et d’émancipation sont mis en pratique et défendus. Il est de notre devoir de préserver et de renforcer ces forteresses de la pensée libre, régulièrement attaquée ou objet d’instrumentalisation.
La France doit porter cet engagement au-delà de ses frontières. En tant que nation démocratique, elle doit prendre l’initiative de défendre et de promouvoir partout les espaces de liberté. Nous avons une responsabilité particulière envers celles et ceux qui, ailleurs, voient leur travail et leur indépendance menacés : penseurs, chercheurs ou enseignants persécutés par des régimes autoritaires ou fanatiques. Notre pays, celui des droits humains, celui de la liberté, se doit d’être un refuge pour ces esprits. Ce rôle d’asile intellectuel, la France l’a joué à de multiples reprises dans l’Histoire, et encore récemment. En garantissant aux scientifiques un environnement de travail exempt de pressions idéologiques, la France doit s’affirmer comme une terre d’accueil pour la recherche et un bastion mondial de la pensée libre.
Cette double affirmation volontariste de l’hospitalité scientifique et de la défense inconditionnelle de la liberté académique ne pourra toutefois se faire sans une parfaite exemplarité de notre pays en la matière. Pas de tri entre scientifiques « de première classe » et scientifiques « de seconde classe », pas d’entrave à la liberté pédagogique, condamnation immédiate de toutes les procédures bâillon visant à museler les chercheurs. Les atteintes portées ces dernières années à la liberté académique, cautionnées ou directement initiées par les responsables politiques français, mais utilement mises en lumière par les corps intermédiaires, les associations professionnelles et sociétés savantes, doivent cesser. Pour être moteur sur la scène internationale et européenne, la France doit être elle-même irréprochable.
Cet engagement national devra devenir un moteur pour l’Europe. Face aux atteintes aux libertés académiques que l’on a pu constater y compris au sein de l’Union européenne (par exemple la mise au pas des universités en Hongrie), la France doit entraîner ses partenaires à réagir fermement à chaque fois que cela est nécessaire. Elle doit proposer la création d’un mécanisme européen de protection de la liberté scientifique et soutenir un investissement ambitieux de l’UE dans la recherche. En se posant en leader de cette cause, la France pourra prolonger son héritage universaliste et contribuer à renforcer l’Europe face aux dérives autoritaires dans le monde.
Pour concrétiser ces principes, le Parti socialiste doit porter une vision volontariste articulée autour de plusieurs thématiques :
- Renforcer massivement la recherche publique – Porter l’effort national de recherche et développement (R&D) à un niveau ambitieux (au moins 3 % du PIB) et sanctuariser les financements de la recherche fondamentale. Il est crucial de doter nos laboratoires publics de moyens stables et suffisants, afin de garantir l’indépendance et l’excellence scientifiques de la France.
- Garantir les libertés académiques et l’indépendance scientifique – Inscrire la liberté de chercher et d’enseigner dans le marbre de la loi, et créer une instance indépendante chargée de veiller au respect de l’intégrité scientifique dans les décisions publiques. Les chercheurs et universitaires doivent pouvoir travailler sans censure ni ingérence, y compris sur des sujets sensibles, et les institutions de recherche doivent rester à l’abri des pressions partisanes. Des dispositifs légaux nouveaux de protection des données et des sources doivent être mis en place.
- Faire de la France une terre d’accueil pour les chercheurs menacés – Élargir les programmes d’accueil et de protection des scientifiques persécutés à l’étranger (comme ceux mis en place via le programme PAUSE pour des chercheurs syriens ou afghans ces dernières années). Le Parti socialiste doit proposer la création d’un « visa scientifique pour la liberté », afin d’accueillir rapidement tout chercheur ou intellectuel dont la sécurité ou la liberté académique est menacée dans son pays d’origine, ce travail doit être prolongé à l’échelle européenne.
- Rehausser l’éducation scientifique et l’esprit critique – Revaloriser l’enseignement des sciences, de la méthode expérimentale et de la pensée critique à tous les niveaux scolaires. Il s’agit de former des citoyens éclairés, capables de comprendre les faits, de raisonner par eux-mêmes et de déjouer les pièges de la désinformation. Cet effort éducatif doit également viser le grand public, via le soutien à la vulgarisation scientifique, aux sciences participatives, à la formation tout au long de la vie et à l’éducation populaire.
- Promouvoir la culture de la vérité et de la raison – Soutenir le journalisme scientifique et les médias engagés dans la vérification des faits. Lutter contre la propagation des fausses nouvelles en développant des outils citoyens de tri de l’information (programmes d’éducation aux médias, plateformes de fact-checking, etc.). Plus largement, encourager toutes les initiatives (festivals, musées, publications) qui rapprochent la science du public et nourrissent le débat démocratique par des données fiables.
En portant ces propositions, le Parti socialiste s’inscrit dans son histoire – celle de Jaurès défendant la vérité dans l’Affaire Dreyfus, de Blum investissant dans l’éducation et la recherche, de Mitterrand promouvant la culture scientifique – et trace des perspectives d’avenir. La défense de la science comme pilier de la démocratie n’est pas un enjeu sectoriel : c’est un combat de civilisation. Face aux marchands de doute et aux autocrates de tout poil, nous affirmons que la connaissance libère, et qu’il ne peut y avoir de liberté sans vérité. Notre congrès doit faire de la France le fer de lance d’un sursaut démocratique fondé sur la raison, pour que partout la lumière de la science dissipe les ténèbres de l’obscurantisme.
Contributeur.ices : Alexane Riou - Secrétaire Nationale adjointe à L’enseignement supérieur et à la recherche (75), Fatiha Keloua-Hachi - Députée de Seine-Saint-Denis - Présidente de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale (93), Anna Pic - Députée de la Manche (50), Emma Rafowicz - Députée Européenne (75), Chloé Ridel - Députée Européenne (30), Gulsen Yildirim - Secrétaire Nationale en charge de l’enseignement supérieur et la recherche (87), Jean-Philippe Berteau - Secrétaire de la Section PS de New-York (FFE), Patrick Bloche - Premier adjoint à la Maire de Paris - Ancien président de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale (75), Dylan Boutiflat - Secrétaire National en charge des relations internationales (45), Colombe Brossel - Sénatrice de Paris (75), Christophe Clergeau - Député Européen (44), Arthur Delaporte - Député du Calvados (14), Yan Chantrel - Sénateur des Français de l’étranger, Vice-Président de la commission Culture, Education et Sport du Sénat (FFE), Alain Delmestre - Secrétaire nationale à la transition énergétique (75), Ayda Hadizadeh - Députée du Val d’Oise (95), Florence Herouin-Leautey - Députée de Seine-Maritime (76), Emmanuel Grégoire - Député de Paris (75), Fériel Goulamhoussen - Conseiller Municipal de Noisy-le-Grand (93), Marie-Pierre Monier - Sénatrice de la Drôme (26), Marc Pena - Député des Bouches-du-Rhône (13), Christophe Proença - Député du Lot (46), Isabelle Rocca - Secrétaire Nationale adjointe en charge de la société numérique (75), David Ros - Sénateur de l’Essonne, Vice-Président de l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (91), Yannick Trigance - Conseiller Régional d’Ile-de-France, Secrétaire National à l'Éducation (93), Nathan Abou (75), Ellen Beaurin Gressier (75), Jean Bernard (77), Sullivan Berthier (75), Michel Bessière - Conseiller Municipal de Brantôme en Périgord (24), Louis Bichebois-Delhief - SdS (89), Nadine Blanchard - Adjointe au Mairie du 11è arr. de Paris (75), René Bokobza (75), Baptiste Bondu (75), Christophe Bonnet (75), Laure Botella - Secrétaire nationale en charge de la lutte contre les violences faites aux femmes et des politiques d'égalité (95), Esteban Bougeard (95), Morgan Bougeard - Secrétaire national des Jeunes socialistes (75), Rémi Boussemart - Secrétaire général des Jeunes socialistes (59), Jean-Paul Bret - Ancien député Maire de Villeurbanne (69), Hervé Brun (75), Soukaina Bruneau (93), Pierre-Yves Calais (75), Esteban Calles Icard (04), Olivier Cand (93), Claude Charlot - SdS (92), Pierre-Emmanuel Charon (75), Léo Chiriaco (75), Paul Coiron (75), Pauline Collet (31), Jean-Pierre Corsia - Adjoint au Maire du 11è arr. de Paris (75), Arthur Courty (75), Martin Cousin (75), Yann Crombecque - Conseiller Régional d’AURA (69), Paul Cruz (75), Gwenaël Cuny (75), Aymeric De Tarlé - Conseiller du 11è arr. de Paris (75), Mathieu Delmestre - SdS (75), Dominique Demangel (75), Gabriel Galvez-Behar (59), Maxime des Gayets - Conseiller Régional d’IDF (75), Danielle Desguées (75), Florian Dufour(69), Abdelkader El Bouni - SdS (69), Afaf El Kaoun-Gabelotaud - Adjointe à la Maire de Paris (75), Alia Enard - Animatrice Fédérale des Jeunes Socialistes de Paris (75), Thomas Fagart - Secrétaire Fédéral (92), Rodolphe Febvrel (75), Eva Gaillat (75), Flavien Galbez (93), Clément Galland (75), Jérome Giordano (13), Julie Gobert - Conseillère départementale (77), Valentin Guenanen - Adjointe au Maire du 14è arr. de Paris (75), Christophe Harnois - Conseiller du 11è arr. de Paris (75), Arnaud Hillion - Conseiller Municipal de Montauban (82), Nolwenn Honoré (75), Alexandra Jardin - Adjointe au Maire du 20è arr. de Paris (75), Eric Kerrouche - Sénateur des Landes (40), Samira Laal - Secrétaire Nationale Handicap et inclusion (62), Rosalie Lamin - 1ère adjointe au Maire du 11è arr. de Paris (75), Aurélien Laparro (46), Philippe Lasnier (75), Luc Lebon - Adjoint au Maire du 11è arr. de Paris (75), Jordan Lefebure (93), Garance Litha (75), Remy Lorblancher (75), Mirina Mammeri (75), Fabrice Matteucci(69), Paul Mehu (75), Samuel Menager (75), Gérard Mengant-Süss (75), Hélène Mermberg - Adjointe au Maire du 14è arr. de Paris (75), Emmanuelle Morel (75), Corinne Narassiguin - Sénatrice de Seine-Saint-Denis (93), Alizee Ostrowski (94), Bruno Péran (31), Estelle Picard (79), Michel Puzelat (75), Gérard Raiser (75), Marine Ribals(76), Margaux Rouchet - Conseillère Régionale des Hauts-de-France (59),Pierre Rouillard (92), Camille Salinesi(93), Lénaïc Vaz-Santiago (66), Margaux Vidal - Secrétaire fédérale (69), Pierre Alain Weil (75), Karim Ziady - Conseiller de Paris (75)