La droite et le pouvoir d’achat : arnaque sur la fiche de paie !

Lundi 7 mars 2022

Vincent Duchaussoy, secrétaire national au Travail, aux Nouvelles formes de travail et à l'Emploi

Alors que l’inflation s’accélère et que la facture énergétique s’alourdit, le pouvoir d’achat est la préoccupation principale de nombre de nos concitoyens. Pourtant, à l’exception des propositions formulées par les candidats de gauche en faveur d’une hausse des salaires (notamment du salaire minimum), cette thématique a longtemps semblé absente du débat public, y compris dans le cadre de l’élection présidentielle à venir. Depuis peu, d’autres candidats tentent de maquiller leur désintérêt.

Ainsi, à droite ou à l’extrême-droite, on prétend résoudre le problème du pouvoir d’achat des ménages en « rapprochant le salaire net du salaire brut ». Comprendre : supprimer un certain nombre de cotisations salariales ou patronales, généralement abusivement désignées sous le vocable de « charges », pour éviter d’augmenter purement et simplement toute augmentation des salaires !

Mais c’est oublier que les cotisations sociales constituent en réalité une provision de salaire différé qui sera versé au salarié en cas de maladie, de grossesse, d’accident du travail, de chômage ou encore à son départ à la retraite. Choisir de supprimer une partie de ces cotisations revient donc à prendre dans une poche l’argent des travailleurs pour prétendre leur redonner de l’autre.

On notera d’ailleurs que jamais ces candidats ne précisent quelles cotisations ils vont diminuer : salariales ou patronales ? Concrètement, que souhaitent-ils supprimer ?

  • La cotisation maladie ? Elle permet le remboursement des frais de santé et permet la délivrance de soins essentiels ;

  • La cotisation d'assurance chômage ? Choix pour le moins précaire alors que le CDD devient la norme, que l’âge du premier CDI recule, que l’entrée sur le marché de l’emploi est souvent heurtée pour les jeunes ;

  • Les cotisations d’allocations familiales ? C’est pourtant une politique de solidarité qui permet à la France de bénéficier d’une des meilleures natalités d’Europe et de retarder le déclin démographique qui frappe certains de nos voisins ;

  • La contribution solidarité autonomie ? Elle sert à financer les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Alors que l’enjeu du vieillissement et de l’autonomie est un des enjeux majeurs du XXIe siècle, ce choix paraît lui aussi douteux ;

  • Les cotisations d’accidents du travail ? On comptait 655 715 accidents du travail en France en 2019, pour 733 décès ;

  • Le versement au fonds national d’aide au logement ? Elle permet d’alimenter l’aide au logement en France, un poste de dépense qui pèse de plus en plus dans le budget des ménages, et notamment des plus jeunes ;

  • La cotisation assurance garantie des salaires ? Elle permet de donner la priorité, en cas de faillite de l’entreprise, au versement des salaires sur les autres dettes ;

  • Le versement mobilité ? Il permet de financer une partie des frais de transport des salariés. À l’heure où la transition écologique s’impose à nous, se priver de pareille ressource serait suicidaire ;

  • Les contributions de formation professionnelle et taxe d’apprentissage ? C’est pourtant là aussi un enjeu majeur. Et les entreprises qui bénéficient en premier lieu de la qualification de leurs employés semblent fondées à participer à leur formation ;

  • La contribution annuelle pour l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) ? Là aussi, l’inclusion est un enjeu majeur. Il est tout bonnement inconcevable de supprimer une contribution de ce type.

La proposition de « rapprocher le net du brut » ne résiste donc pas à un examen sérieux. L’effet réel sur le pouvoir d’achat, en dépit d’une illusion de courte durée, est donc nul. Pis, elle suppose un affaiblissement de notre système de protection sociale qui pénalisera tout particulièrement les travailleurs les plus modestes car ce sont eux qui devront demain renoncer à des soins qu’ils ne pourraient prendre en charge, verraient leur indemnisation au chômage – déjà sévèrement écornée sous ce quinquennat – se réduire encore, devront différer leur départ à la retraite ou la cumuler avec une activité à défaut de se contenter d’une faible pension.

En dépit de la situation internationale, le pouvoir d’achat demeure un sujet de préoccupation quotidienne pour nombre de nos concitoyens. Il est appelé à le rester, à plus forte raison alors que les répercussions de la guerre en Ukraine ont déjà commencé à provoquer un renchérissement des prix du gaz, du pétrole ou du blé.

Cela plaide pour des politiques publiques fortes et volontariste. Elle ne peuvent être durables, et donc à la fois crédible et raisonnable, qu’en étant assise sur un relèvement concomitant du brut et du net.

Ce n’est qu’ à cette condition que la hausse du pouvoir d’achat peut à la fois rétablir un peu de justice sociale dans la redistribution de la valeur ajoutée et préserver notre modèle social, c’est-à-dire éviter de faire peser la hausse du pouvoir d’achat sur les travailleurs les plus modestes.
Aujourd’hui, la redistribution de la valeur ajoutée est trop défavorable au travail – et donc aux rémunérations des salariés – par rapport au capital. Cela doit cesser et cela passe notamment par une action volontariste et initiatrice de l’État comme par la relégitimation des partenaires sociaux.

Veuillez vérifier votre e-mail pour activer votre compte.