La droite sénatoriale ressort ses vieilles recettes contre l’école publique

– Mardi 25 avril 2023

Yannick Trigance, secrétaire national à l'École, au Collège et au Lycée

La proposition de loi, « Pour l’école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité » du sénateur Max Brisson (LR) a été adoptée par le Sénat, en séance publique, le 12 avril 2023. Une nouvelle fois, la droite sénatoriale fragilise l’école publique et avance vers le démantèlement du service public de l’éducation nationale.

Quand les sénateurs Les Républicains affirment « l’égalité des chances », ils oublient que tous les élèves ne sont pas égaux. Certains disposent d’un solide capital de départ – qu’il soit social, culturel ou financier ; d’autres pas. L’ambition de l’école consiste à permettre à tous les élèves de réussir, quels que soient leur milieu d’origine.

L’égalité des chances est une course tronquée dont on connaît les gagnants et les perdants. C’est l’école du tri social, celle de la réussite de quelques-uns et de l’échec de tous les autres.

Pour y faire face, l’école doit faire de l’émancipation une priorité, en particulier pour éviter que les inégalités sociales ne se reproduisent dans la scolarité, pour déjouer l’idée que le destin d’un enfant serait scellé à sa naissance. Pour cela, il faut accepter de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, ce que la droite a toujours refusé. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’éducation prioritaire, à la mixité sociale dans les critères de sectorisation, à la mise en place des secteurs multi-collèges…

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Quand elle affirme « l’école de la liberté », la droite entend surtout installer la libre concurrence entre les établissements. L’expérimentation d’une autonomie renforcée des écoles du premier et second degré qu’elle propose va en réalité à l’encontre d’une vision républicaine de l’école qui doit être la même pour tous les élèves, sur tout le territoire, qu’il s’agisse des objectifs comme des programmes.

L’instauration d’une autorité hiérarchique pour les directeurs d’écoles suivant le nombre de classes veut en réalité remettre en cause le fonctionnement collégial des écoles du premier degré, celui de « pairs parmi les pairs ! ». Par ailleurs la mise en place de contrats de missions entre recteurs et enseignants s’inscrit dans un cadre dérogatoire au droit commun de la fonction publique qui ne résoudrait en rien le manque d’attractivité de certains établissements ou territoires. Elle accentuerait en revanche la compétition scolaire entre les établissements et donc entre les élèves, organisant, in fine, un système scolaire à deux vitesses.

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Quand elle affirme la laïcité, la droite la réduit à l’interdiction de port ostensible de signes religieux aux participants occasionnels du service public de l’éducation. Elle sait pourtant que les parents n’agissent pas en qualité d’agents de l’État - le Conseil d’État s’est déjà prononcé sur le sujet. Ils ne sont donc pas soumis au principe de neutralité mais sont en revanche interdits de tout prosélytisme. Si cette disposition était adoptée par l’Assemblée nationale, elle reviendrait probablement à éloigner les parents de l’école, ce qui n’est pas souhaitable.

Quant au port obligatoire de l’uniforme - qui n’a jamais existé en tant que tel au sein de l’école – la proposition apparaît démagogique et surtout inutile puisque les établissements ont déjà toute latitude pour imposer une tenue scolaire s’ils le souhaitent via une modification de leur règlement intérieur. Ces deux mesures en réalité, sont deux clins d’œil à l’électorat du Front national que la droite essaie de reconquérir.

L’article 4 de la proposition de loi prévoit en outre de différencier la formation des enseignants du premier et du second degré, avec la création des "écoles supérieures du professorat des écoles", en parallèle des Inspé, et qui seraient placées "sous la tutelle du ministre chargé de l’éducation". Mais quelle mouche a donc piqué la droite pour énoncer pareille proposition ? Les deux métiers ne sont pas si différents, ils doivent être ajustés la formation implique une approche commune. La droite persiste dans une vision passéiste et rétrograde de la formation des enseignants du premier et second degré, entretenant ainsi un clivage qui n’a plus lieu d’être. Nous continuons de penser que la fluidité du parcours des élèves, l’articulation école-collège-lycée, notamment portées par les cycles pédagogiques, constituent des atouts majeurs pour une meilleure cohérence dans l’acquisition des compétences et connaissances des élèves

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Ce texte au final laisse un goût amer car il n’est pas à la hauteur des enjeux de l’école publique aujourd’hui. Les préoccupations des enseignants et des personnels n’imprègnent pas ce texte, la droite restant sourde aux revendications sur les salaires, les conditions de travail, la formation, les remplacements, les effectifs… Mais surtout, il vise tout bonnement à un démantèlement du service public d’Éducation.

Nous attendons du ministre Pap Ndiaye et des députés Renaissance à l’Assemblée nationale qu’ils ne fassent aucun compromis sur ce texte et que celui-ci ne soit pas une nouvelle contrepartie à l’élargissement de la majorité présidentielle.

 

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