Thème : Fonction publique
En France, dans la suite des lois de décentralisations, la fonction publique est constituée de trois composantes : la fonction publique d’Etat (FPE), qui comprend notamment les personnels des administrations d’Etat, dont les enseignants, la fonction publique hospitalière (FPH), et la fonction publique territoriale (FPT).
Cette dernière compte 1,9 millions d’agents, sur les 5,5 millions d’agents publics répartis entre les trois fonctions publiques.
Ils et elles sont dans nos communes, nos intercommunalités, nos départements et nos régions. La FPT constitue la première ligne de la République, aux côtés de nos élus locaux, pour mettre en place leurs projets politiques, et assurer le service public local.
Les agents publics territoriaux sont les visages que nos concitoyens croisent tous les jours.
Ils et elles sont nos secrétaires généraux de mairie dans les communes rurales où ils sont bien souvent les seuls personnels, véritables couteaux suisses assurant aussi bien l’état civil, que les finances ou encore, la conception et la publication du bulletin municipal.
Ils et elles sont les assistant-e-s maternelles, les ripeurs, ils et elles entretiennent les espaces verts, aident nos ainés, sont nos polices municipales, assument les missions et les métiers du social dans nos communes et nos départements, sont les personnels techniques de nos écoles, collèges et lycées. Ils et elles assurent les métiers du lien social, du soin (care), avec une utilité sociale et sociétale considérable.
Ou bien encore, ils et elles élaborent et exécutent les budgets de nos collectivités, établissent les marchés publics, gèrent la carrière de leurs collègues, imaginent et réalisent les plans locaux d’urbanisme, gèrent et conduisent nos transports en commun ou encore mettent en place les actions culturelles et sportives.
Ils et elles sont aussi les cadres intermédiaires et dirigeants de nos villes, départements et régions, celles et ceux qui élaborent, pilotent et structurent l’action publique, dans les ressources humaines, les finances, l’urbanisme, les transports, la culture, la communication, le sport, le développement économique ou encore l’aménagement du territoire.
Ce sont l’ensemble de ces talents qu’il faut attirer et fidéliser.
Au total, ce sont 240 métiers différents qui composent la FPT, répartis dans 12 filières regroupant divers cadres d’emplois chacun avec des missions spécifiques et des niveaux de responsabilité variés.
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Dans le contexte international que nous connaissons de montée des populismes et des illibéralismes, de clivages exacerbés à l’intérieur de nos sociétés, de repli sur soi face aux dangers du monde, de la crise écologique au retour de la guerre, les services publics sont de plus en plus des services publics locaux, puisque nos collectivités locales sont les premières portes auxquelles toquent nos concitoyens. Cela ne fait qu’accentuer le rôle et la nécessité de celles et ceux qui l’exercent au quotidien.
Or, cela fait dix ans que l’écart entre les rémunérations entre le privé et le public se creuse. La quasi-immobilité du point d’indice sur ces vingt dernières années, y compris quand nous étions au pouvoir, a causé un retard considérable. Aujourd’hui, nous assistons à un tassement des grilles sous l’effet des revalorisations successives du SMIC. De fait, certains agents ont beau progresser dans leur carrière, ils ne voient pas de changement sur leur feuille de paie. Aujourd’hui, la différence salariale entre catégorie C et catégorie B est quasi inexistante.
Face à cette stagnation du point d’indice, la partie « indiciaire » du salaire ne cesse de reculer au profit de la part « indemnitaire », qui elle varie d’une collectivité à l’autre, accentuant toujours plus la concurrence entre celles qui ont les moyens et celles qui ne les ont pas, dans un contexte où tout le monde peine à recruter et doit faire face à une baisse considérable d’attractivité. Qui plus est, les agents ne cotisent pas ou peu sur la part indemnitaire de leur salaire pour leur retraite, réduisant d’autant le montant de celle-ci.
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Nous avions pu croire à un regain d’intérêt et à la fin du fonctionnaire bashing au moment de la crise covid où la population, mais également les responsables politiques de tous bords, louaient l’utilité sociale et sociétale de celles et ceux qui étaient en première ligne dans nos collectivités territoriales et dans nos hôpitaux : les agents publics. Les mea culpa furent nombreux, ainsi que les bonnes intentions. On nous promettait qu’on ne nous y reprendrait plus, que nous allions dorénavant considérer - y compris en termes de rémunération - celles et ceux qui font la société, la cohésion sociale et le vivre ensemble. On nous proclamait que nous allions inverser la chaine des valeurs en fonction de l’utilité sociale réelle des métiers des uns et des autres.
Force est de constater qu’aujourd’hui, alors que la vie a repris son cours, les défenseurs du service public et de ceux qui le rendent se font plus rares. Voire, on ressort le bouc émissaire éculé du fonctionnariat, des agents publics qui seraient trop nombreux, trop bien lotis, ou pas assez travailleurs. Dans la mouvance des Elon Musk ou des Javier Milei, les libertariens ont trouvé une audience, entrant même pour certains au Gouvernement.
La réalité est bien loin de ces clichés injustement véhiculés par celles et ceux qui tentent d’exister sur le dos des autres.
Aujourd’hui, nos collectivités font face à une baisse de leurs ressources et à une hausse de leurs missions pour combler les désengagements de l’Etat. Sans autonomie fiscale et avec la disparition de la quasi-totalité des leviers à leur disposition, qu’en est-il de la liberté d’administration ? Nos collectivités se retrouvent ainsi à tenir notre République à bout de bras. Dans ce contexte, leurs agents assurent et assument leurs missions, non pas au bénéfice d’une rémunération digne, mais uniquement mues par le sens du service public qui les anime.
Cette situation ne peut pas, ne doit pas durer et perdurer. Nous socialistes devons regarder ce sujet en face, nous ne devons plus faire l’impasse sur le bras armé de notre République : nos agents publics, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels. C’est un choix de société, une transformation de l’échelle des valeurs et la reconnaissance de l’utilité sociale et sociétale des métiers qu’il nous faut opérer.
Si aujourd’hui nous constatons une désaffection de nos concitoyens pour la fonction d’élus, ne nous trompons pas, la désaffection de notre fonction publique a déjà commencé. Quand dans certains métiers on gagne 30% de plus dans le privé, le sens n’en a que peu quand il s’agit de boucler ses fins de mois et d’assurer une vie digne pour soi et sa famille. Quand nous instaurons un ou plusieurs jours de carence, que nous reculons la retraite à 64 ans, notamment pour des agents de catégorie C (75% de la FPT) dont certains connaissent parmi les métiers les plus pénibles ou que nous baissons l’indemnisation des trois premiers mois d’arrêt maladie infligeant une double peine à des agents souffrants d’afflictions particulièrement graves, quel signal leur envoie-t-on ?
Le renforcement de l’attractivité de la FPT est un chantier stratégique qu’il appartient aux socialistes de conduire.
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Face à l’international réactionnaire, qui n’a pour but que de combattre des Etats providences déjà bien mis à mal, seules une réflexion profonde et des actions d’envergures sont à même de renverser la vapeur.
Le service public est le patrimoine de la nation. Il est la condition de l’adhésion à celle-ci et au consentement à l’impôt. Il possède ainsi une vocation universelle et égalitaire. A ce titre, il doit viser l’excellence pour toutes et tous, pour ne pas créer un système à deux vitesses où les plus fortunés ont recours au privé pendant que celles et ceux qui n’ont pas le choix seraient relégués dans le public. En visant l’excellence et l’universalité, il assure la mixité sociale et la cohésion nationale.
Nous ne devons plus nous gargariser de mots, mais agir concrètement pour le renforcement de ce bastion de la République et de la cohésion sociale. C’est l’essence même du socialisme. Nous devons agir concrètement pour celles et ceux qui assurent cette permanence de la puissance publique, au service de toutes et tous, et en particulier des populations les plus précarisées.
Dans un monde en pleine mutation et qui doit faire face aux plus grandes transitions de l’histoire de l’humanité, en particulier écologique et climatique, la puissance publique, qui est de plus en plus locale, doit être portée et supportée. Or si nous continuons ainsi, à dénigrer et à ne pas considérer celles et ceux qui conduisent l’action publique locale, alors nous ne ferons que continuer de scier la branche sur laquelle nos sociétés solidaires de l’après-guerre sont assises.
Défendre ensemble l’excellence et l’universalité du service public c’est d’abord défendre nos agents publics dans leurs missions, leurs conditions de travail et leurs rémunérations.
Contributeurs :
- David REY (75)
- Victor BURETTE (59)
- Nathalie APPERE, Maire de Rennes (35)
- Olivier FAURE, 1er secrétaire du Parti socialiste (77)
- Christine PIRES-BEAUNE, députée du Puy de Dôme (63)
- Sébastien VINCINI, Président du conseil départemental de Haute Garonne (31)
- Yohann NEDELEC, Président du CNFPT (29)
- Sarah KERRICH, 1ere fédérale du Nord (59)
- Christophe IACOBBI, Maire d'Allons (04)
- Isabelle ROCCA, Adjointe au Maire Paris 12 (75)
- Patrick KANNER, Président du groupe socialiste du Sénat (59)
- Jean Claude LEROY, Président du Conseil départemental du Pas de Calais (62)
- Dieynaba DIOP, députée des Yvelines (78)
- Julien GOKEL, député du Nord (59)
- Chantal GANTCH, maire de Savignac de l'Isle (33)
- Emmanuel GREGOIRE, député de Paris (75)
- Emmanuelle ROUSSET, Vice Présidente de Rennes métropole (35)
- Mathieu KLEIN, Maire de Nancy (54)
- Audrey LINKENHELD, Sénatrice du Nord (59)
- Rémi CARDON, Sénateur de la Somme (80)
- Françoise DESCAMPS-CROSNIER, Présidente du CNFPT (78)
- Arthur DELAPORTE, député du Calvados (14)