La généralisation des cours criminelles sans jury populaire : une « régression démocratique »

– Mardi 10 janvier 2023

Gulsen Yildirim, Secrétaire nationale à la Justice

À compter du 1er janvier, les cours criminelles départementales (CCD), sans jury populaire et compétentes pour les crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle, seront étendues à l’ensemble du territoire. En 2021, le Parti socialiste dénonçait déjà cet effacement du jury populaire, régression démocratique majeure, et cette atteinte à un héritage issu de la Révolution française.

A l’époque, le gouvernement s’était engagé à tenir compte de l’expérimentation des cours criminelles organisée dans plusieurs départements. Or à la lecture du rapport d’évaluation de novembre 2022, on constate que les résultats de cette expérimentation sont mauvais.

La mise en place de ces cours ne permet pas de gain de temps, comme cela avait été annoncé. Le délai fixé pour ces cours n’a pu être atteint que dans un seul des 15 départements d’expérimentation. La lutte contre le phénomène de correctionnalisation, notamment en matière de viols pour éviter qu’ils soient sous-qualifiés en agression sexuelle pour être jugés par un tribunal correctionnel, n’a pas pu être vérifiée. Quant à l’argument des économies réalisées, il ne tient pas car ces cours nécessitent la présence de 5 magistrats. Pour qu’elles fonctionnent correctement, il faudrait donc un investissement massif du côté des effectifs de magistrats et de greffiers. De plus, le taux d’appel des décisions de ces cours est plus important que celui des arrêts des cours d’assises, ce qui est inévitablement coûteux en termes financiers.

De nombreux professionnels du droit dénoncent les effets de cette réforme qui, sans moyens humains supplémentaires, appauvrit les autres juridictions notamment familiales retardant d’autant ces procédures qui sont déjà très longues. Certains tribunaux ont déjà prévenu qu’ils ne parviendraient pas à organiser une cour criminelle départementale.

Une tribune signée par de nombreux professionnels a été à l’origine d’un large mouvement pour sauver le jury populaire dans les cours d’assises. Plusieurs barreaux ont voté des motions s’opposant à la généralisation de ces cours criminelles.

Pour l’heure, le garde des Sceaux est resté sourd à tous ces arguments alors qu’avocat, opposé à cette réforme, il estimait que « la cour d’assises va mourir […]. La Justice dans notre pays est rendue au nom du peuple français, et on est en train de l’exclure […] » (intervention du 6 juin 2020).

Le Gouvernement supprime ainsi le dernier espace démocratique qui offre la possibilité à des citoyens tirés au sort de rendre la justice au nom du peuple français. Il acte la rupture du lien entre la justice et le citoyen à un moment où la crise de confiance dans l’institution judiciaire n’a jamais été aussi forte.

Le Parti socialiste demande au gouvernement de tenir compte des résultats de l’expérimentation menée pour revenir sur la généralisation des cours criminelles départementales sans jury populaire et réaffirme son attachement à l’expression du peuple souverain dans la justice, condition essentielle d’une confiance restaurée.

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