La prévention comme axe d’un système de santé innovant


Thème : Santé


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Protéger la santé passe avant tout par la prévention et par la création d’environnements sains. Or,  aujourd’hui, les financements consacrés aux actions de prévention et de promotion de la santé restent  faibles, et celles-ci sont de plus menées par différents acteurs sans véritable coordination. Les  professionnels de santé, quant à eux, restent principalement mobilisés sur les soins curatifs. Et ce n’est  pas le seul domaine où notre système de santé, réputé pour être l’un des meilleurs au monde,  commence à fatiguer.  

« Parler de la santé et de l’accès aux soins aujourd’hui, c’est lancer un cri d’alarme  sur la crise sanitaire qui couve dans notre pays. » Françoise Nay (ex-présidente de  la Coordination nationale des hôpitaux et maternités de proximité), réunion  publique de l’Appel des 100, 3 février 2017 

ADAPTER LES STRUCTURES 

Créer un service public de la santé mettant en place un maillage du territoire national en structures de  santé, couvrant tous les domaines: médico-social et social pour une prise en charge globale des  questions de santé, prévention, dépendance et soin. 

Développer une logique de territoire avec tous les acteurs. Assurer par contrat obligatoire, établi par  les Agences régionales de santé (ARS), le lien sur un territoire donné entre les professionnels de santé,  les intervenants sociaux, les établissements de santé publics et privés et les établissements et services  médico-sociaux publics et privés. 

Octroyer davantage de pouvoirs aux conseils d’administration des ARS, allant dans le sens d’une  autonomie, notamment en matière de nomination des directeurs. Supprimer la tutelle directe actuelle  par les services de l’administration centrale du ministère de la Santé. 

Reconnaître, par la loi, une compétence spécifique des collectivités territoriales de proximité  (communes, métropoles, communautés de communes) sur la santé et prendre en compte les  indicateurs de santé dans le calcul de leur dotation. 

Mailler tout le territoire avec des Contrats locaux de santé (CLS) ainsi qu’un système de surveillance  permettant, sur la base des recommandations de l’OMS, de produire pour chacun des indicateurs  pertinents (facilité d’accès aux soins, capacités et résultats hospitaliers, déterminants de santé…). 

Remettre à plat les responsabilités des différents acteurs dont les compétences sont actuellement  dispersées et enchevêtrées au point de rendre le système peu efficace. 

FAIRE AVANCER LA DÉMOCRATIE EN SANTÉ 

Fonder une véritable démocratie sanitaire avec la participation des citoyens, des élus et des  professionnels pour recenser les besoins au niveau des territoires, mais aussi leur donner de vrais  pouvoirs décisionnels dans les différentes instances de la santé. Sortir de la pseudo-démocratie  institutionnelle qui existe aujourd’hui. 

Garantir le droit à l’éducation et à l’information en matière sanitaire et sociale, via une meilleure  intégration de l’éducation á la santé dans les programmes scolaires. Développer l’enseignement sur la 

santé, la maladie, la prévention, les moyens thérapeutiques médicamenteux ou non, et ce de manière  indépendante des firmes (pharmaceutiques, agroalimentaires…). 

Permettre aux jeunes de se protéger de maladies graves, avec un « Pass Contraception » généralisé. 

Le Pass Contraception est un dispositif destiné aux jeunes de 14 à 25 ans, filles et garçons. Anonyme et  gratuit, conçu pour permettre aux jeunes d’accéder facilement à la contraception, à des consultations  médicales, au dépistage des infections sexuellement transmissibles. Ces démarches pourront être  effectuées sans carte Vitale afin de préserver leur confidentialité. 

Lancer deux débats nationaux sur deux sujets controversés: la prise en charge en fin de vie et la  politique vaccinale. 

Imposer une saisine systématique du Comité consultatif national d’Éthique (CCNE) sur tous les sujets  qui traversent la société : gestation pour autrui (GPA), euthanasie active et suicide assisté, obligation  vaccinale, impact sur la santé du réchauffement climatique… 

Engager une réflexion politique, en vue de compléter le droit existant et de fixer l’existence juridique  des aidants familiaux, sur le statut et les droits de ceux-ci (formation, soutien financier, mesures  fiscales...). 

Inviter à des états généraux de l’hôpital public, pour remettre en cause la loi n° 2009-879 du 21 juillet  2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi Bachelot  ou HPST) et la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (dite loi  Touraine) ainsi que la tarification à l’activité, pour remettre en question les fermetures de lits et  restructurations voire de rouvrir les services et lits nécessaires en fonction des besoins recensés, pour  définir les moyens nécessaires, humains, matériels et financiers lui permettant de répondre à leur  mission en assurant qualité, proximité et sécurité, pour mettre en place un contrôle démocratique  associant les usagers, les personnels et les élus. 

De 1996 à 2012, une maternité sur trois a fermé en France (Rapport de la Cour des comptes sur les  maternités, janvier 2015) 

100 000 lits d’hospitalisation ont été supprimés ces 20 dernières années (chiffres de l’OCDE). 

DONNER UNE PRIORITÉ RÉELLE À LA PRÉVENTION POUR UNE BONNE SANTÉ DE TOUTE  LA POPULATION 

Protéger la santé par la création d’environnements sains. Garantir notamment une bonne qualité de  l’air et de l’eau. 

Travailler à la transition vers un système agricole produisant une nourriture saine, variée et nutritive. Améliorer la qualité et l’accessibilité de l’habitat et des transports. 

Garantir une bonne accessibilité des équipements sportifs. Sanctuariser 10 % du budget de la santé  pour des actions de prévention et de promotion de la santé. 

En 2015, seulement 1,8 % du budget de santé a été consacré à la médecine préventive (chiffres de la  Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé). 

Intégrer une étude d’impact santé à tous les textes de loi liés à des déterminants de santé.

Les études d’impact rendues obligatoires pour tout projet de loi prévoient d’en mesurer les  conséquences environnementales potentielles mais pas les conséquences sanitaires... nous nous  interrogeons sur les conséquences pour la flore et la faune mais pas pour l’homme 

Lutter contre les facteurs connus pour leur effet néfaste pour la santé par des mesures législatives ou  réglementaires (interdiction progressive du diesel, interdiction des perturbateurs endocriniens ayant  un effet néfaste prouvé, obligation d’un étiquetage nutritionnel simple sur tous les produits…). 

Améliorer l’attractivité des métiers de la PMI, de la médecine scolaire et universitaire, ainsi que de la  médecine du travail. 

Accompagner davantage les familles dans leur rôle de prévention (alimentation, pollution, activité  sportive, hygiène) lors d’étapes-clefs tout au long de la vie et en y consacrant davantage de moyens. 

C’est en France que les patients entendent le moins souvent parler d’alimentation et d’activité physique  lors des consultations ! (Enquête du Commonwealth Fund menée auprès de citoyens de onze pays) 

Développer les travaux du Comité interministériel sur la santé et les ouvrir à la société civile. 

ASSURER UN ACCÈS RENOUVELÉ AUX SERVICES DE SANTÉ EN PROXIMITÉ Élaborer dans chaque région un plan de développement de Maisons de Santé Pluri-professionnelles  (MSP), de Maisons médicales de garde (ou de proximité) ou de Centres de Santé pour permettre un  accès universel. Faire émerger une stratégie coordonnée entre les différents acteurs locaux :  mutuelles, Sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic), services d’aide et de soins à domicile,  établissements médico-sociaux, collectivités, médecine de ville… 

Plus de 71 % des usagers pensent que les pouvoirs publics devraient intervenir pour réguler la  répartition des médecins libéraux sur le territoire. 14,6 millions de personnes vivaient en 2020 dans un  territoire où l’offre de soins libérale était insuffisante. Dans la région Rhône-Alpes, en 2021, le délai  moyen d’attente était de 164 jours pour accéder à un ophtalmologiste.  

S’assurer qu’une offre de soins à tarif opposable (c’est-à-dire (sans dépassement autorisé) est présente  pour l’ensemble des familles dans tous les territoires. 

Créer un Service national public d’information en santé pour renseigner toute la population sur tous  les éléments relatifs à leur santé, accessible 24 heures sur 24 par Internet. 

Soutenir le développement de la télémédecine afin de permettre un diagnostic ou une expertise à  distance dès que nécessaire, réduisant ainsi les inégalités d’accès aux soins dans les territoires ruraux  tout en respectant les contraintes économiques. 

Dynamiser les échanges numériques entre professionnels de santé, par la généralisation d’une  plateforme d’échanges sécurisée gratuite pour tous les professionnels de santé. 

Développer le transfert de tâches, en reconnaissant officiellement le partage de compétences et en  inscrivant à la nomenclature des actes infirmiers remboursables la consultation d’un infirmier délégué  prenant en charge des tâches habituellement médicales, à l’instar du nurse practitioner des pays anglo saxons. 

En Finlande, en cas de pénurie de médecin dans une spécialité, les infirmiers peuvent accomplir, après  une formation adaptée, certains actes médicaux. La Suède les autorise également, après une formation  spécifique, à prescrire un nombre limité de médicaments.

Permettre à des jeunes issus de familles défavorisées de faire leurs études de médecine, en leur  proposant un contrat où l’État prendrait en charge tout leur cursus médical jusqu’à l’obtention de leur  premier poste rémunéré d’interne, en contrepartie d’une obligation d’exercice pour une durée définie  dans une zone identifiée comme « désert médical ». 

Rendre sélectif le conventionnement des médecins par l’assurance maladie. 

Développer des modes de rémunération mixtes tendant vers un service public de médecine, au besoin  en créant nouveau secteur conventionnel pouvant être librement choisi et quitté, introduisant une  rémunération mixte constitué d’une base salariale, modulable notamment en fonction de critères  d’installation et du nombre de patients pris en charge, et d’un complément libéral. 

Maîtriser les dépassements d’honoraires pour désinciter l’installation des médecins en zones de  surdensité médicale, en substituant l’OPTAM (Option de pratique tarifaire maîtrisée) au secteur 2 afin  d’empêcher que la liberté tarifaire soit exercée pour compenser de faibles volumes de consultations. 

Créer le métier d’Auxiliaire administratif, chargé d’aider au quotidien les professionnels de santé  conventionnés dans leurs tâches médico-administratives. 

Valoriser auprès des étudiants l’exercice de la médecine ambulatoire en rendant obligatoire la  participation à un stage en médecine ambulatoire (générale ou spécialisée) lors du cursus universitaire  entre la 4e et la 6e année de Médecine. Revaloriser l’indemnisation des médecins maîtres de stage et  simplifier les démarches nécessaires pour accéder à cette fonction. 

RENFORCER LA PERTINENCE DES SOINS ET DES PARCOURS 

Mesurer l’impact de la tarification à l’activité sur la pertinence des soins en établissement de santé.  Généraliser des « contrats de pertinence » ou « contrats de performance », passés entre les  établissements et les Agences régionales de santé. 

Améliorer la pertinence des soins, en particulier de la prescription médicamenteuse, pour libérer des  financements nécessaires au développement et à l’accès à l’innovation thérapeutique. Les marges  d’amélioration sont nombreux, notamment la surmédicalisation, les prescriptions systématiques des  molécules les plus récentes et les plus onéreuses, les soins redondants à l’hôpital comme en ville, les  soins inappropriés. 

Dans le domaine du médicament, les mésusages, excès et non-pertinences peuvent avoir des  conséquences graves sur la santé et coûteuses pour la collectivité. Les soins inutiles représentent entre  27 % et 30 % des dépenses maladie (soit de l’ordre de 55 milliards d’euros) sous forme de diverses  surprescriptions et de parcours inappropriés notamment à l’hôpital, du fait des prescripteurs, des  industriels, des autorités de santé... et parfois des patients. 

Évaluer les effets du paiement à l’acte sur les prescriptions en médecine de ville. Enrichir le dispositif  ROSP (Rémunération sur objectifs de santé publique) de nouveaux indicateurs, fondés sur les  recommandations de bonnes pratiques de la HAS (Haute autorité de la santé) et directement orientés  sur la pertinence des prescriptions. Développer des procédures d’accord préalable du service médical  de l’Assurance maladie pour certaines prescriptions où des pics anormaux de prescriptions sont  repérés. 

Développer la rémunération à la capitation (cas où le médecin perçoit une somme forfaitaire par  patient inscrit à son cabinet, indépendamment du volume de soins qu’il lui prodiguera) afin de  décorréler le niveau de revenus, actuellement lié au volume d’actes, et ce en vue d’améliorer la qualité  des soins.

Le Royaume-Uni et les Pays-Bas accordent par exemple une place importante à la capitation, qu’ils  complètent par du salariat (Royaume-Uni) ou du paiement à l’acte (Pays-Bas). 

Généraliser le dossier médical partagé (DMP) à tous les assurés sociaux. Y faire figurer toutes les  informations permettant de favoriser la prévention, la qualité, la continuité et la prise en charge  coordonnée des soins donnés aux patients. Cette mesure sera facilitée par le système d’échange entre  professionnels de la santé (cf.supra, « Assurer un accès renouvelé aux services de santé en  proximité »). 

En décembre 2019, 513 000 DMP seulement avaient été créés alors que, dans le même temps, les  pharmaciens avaient créé près de 40 millions de dossiers pharmaceutiques 

Mieux imposer les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la HAS et renforcer  l’opposabilité de certaines d’entre elles. 

Prendre en compte les préférences individuelles des patients afin d’en faire ressortir des critères de  jugement rarement inclus dans les travaux de recherche clinique débouchant sur les recommandations  de bonnes pratiques, à commencer par la qualité de vie. 

Rendre publiques les données relatives aux variations des pratiques médicales, en ville comme en  établissements de santé.


Premier signataire :

Mathieu GITTON secrétaire de section de Belgique 


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